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BIENS ECCLÉSIASTIQUES


Léon X un décime qui fut renouvelé si souvent, que sous Henri II, il s'était transformé en impôt permanent. Le colloque de Poissy (1562) fut l’occasion d’une réglementation des dons gratuits. Le clergé y promit de payer pendant six ans 1 G000Û0 livres, et de racheter dans les dix années suivantes les rentes créées par le roi sur l’hôtel de ville. L’assemhlée du clergé de 1580 vota pour six ans 1300000 livres. En 1586, on vota la même somme pour dix années, et il en fut ainsi, de dix ans en dix ans, jusqu'à la fin de l’ancien régime. La dernière assemblée du clergé eut lieu en 1788.

Seule l'Église était donc restée assez puissante pour faire prévaloir, en ce qui concernait ses biens, le principe du vote de l’impôt par les contribuables, nié par la monarchie depuis le xive siècle, et que la Révolution allait proclamer à nouveau.

Tel fut le régime des biens ecclésiastiques, dans leurs rapports avec le lise de l’ancienne. France.

Les variations analogues qui se produisirent dans le régime politique et le droit territorial des autres pays d’Europe, et même dans le royaume éphémère de Jérusalem, amenèrent partout, un peu plus tôt ou un peu plus tard, les mêmes effets. La pratique de l’accroissement, en particulier, se généralisa avec son double objet : 1° remplacer les taxes de relief féodal ; 2° entraver le développement de la propriété foncière ecclésiastique, dans un temps où la propriété foncière était à peu près toute la richesse publique. Il semble même que la France entra assez longtemps après les autres nations chrétiennes de l’Europe dans la voie de la défiance à l'égard de la propriété ecclésiastique.

Nous renvoyons pour les détails, en ce qui concerne l'étranger, à l’ouvrage de M. Coulondre, souvent cité au cours de cette étude, p. 309 sq.

Temps modernes.

L’immunité ecclésiastique a

disparu à peu près partout.

L’amortissement a pris la forme d’une taxe annuelle, créée en France parla loi du 20 février 1849, augmentée par la loi du 30 mars 1872. Avec les centimes additionnels, cette taxe, destinée à représenter les droits de mutation, s'élève à 87 centimes 1/2 de supplément, par franc de l’impôt foncier. Là où un particulier paie 100 francs d’impôt foncier, les personnes morales, religieuses ou autres, paient 187 fr. 50.

Il importe de noter, pour éviter toute erreur, que cet impôt est une taxe de remplacement, et n’a pas, en ce qui concerne l’Eglise, le caractère d’une charge exorbitante du droit commun ; c’est un impôt général, frappant aussi la mainmorte laïque. Le Bulletin de statistique et de législation comparée du ministère des finances, mai 1895, montre même que la mainmorte ecclésiastique ne représente qu’une infime partie de la mainmorte totale. Il importe aussi de remarquer que l’impôt de mainmorte n’est pas seulement destiné à compenser les droits de mutation par décès, mais aussi les mutations entre vifs. La loi de 1849 le dit formellement.

Le législateur français a cru cependant pouvoir ajouter des impôts d’exception, à cet impôt de droit commun, en ce qui concerne du moins les biens des congrégations religieuses.

Le premier impôt d’exception, voté par le parlement en 1884, frappe le revenu de chaque congrégation d’un impôt de 4 p. 100. Le revenu est évalué lui-même à 5 p. 100 du capital. Or le capital mobilier se compose obligatoirement de rentes sur l’Etat qui rapportent

3 p. 100. De plus, toute dépense faite par la congrégation, le paiement du loyer par exemple, est considérée par le fisc comme un revenu sur lequel il faut payer

4 p. 100.

Les lois de 1880 et de 1884 créèrent, de plus, une taxe d’accroissement de Il francs 25 p. 100 sur la part du patrimoine collectif que chaque membre est censé

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

laisser en mourant à la communauté. Nous disons est censé, car en réalité le membre de la communauté ne possède aucune portion du patrimoine collectif. C’est la congrégation, personne morale, qui est titulaire du patrimoine. C’est précisément pour cela qu’elle paie les droits de mainmorte, représentatifs des mutations qui ne peuvent se produire chez elle. L’impôt de mutation se trouve donc payé deux fois par le système actuellement en vigueur. D’ailleurs, la taxe sur le revenu, payée par les congrégations, les assimile aux entreprises commerciales, comme tirant profit du travail de leurs membres. La mort de ces mêmes membres, considéré par la loi comme des instruments de gain, ne peut être, par suite qu’une perte et non un accroissement de gain pour l’institut religieux. Nous sortirions de notre rôle d’historien en nous engageant dans une critique plus approfondie du système. Mais il n’est pas téméraire de penser que quand les passions excitées autour de la question seront apaisées, on s’accordera à reconnaître que : 1° l’impôt d’accroissement est un impôt d’exception ; 2° qu’il frappe deux fois le même contribuable pour le même objet ; 3° que le principe sur lequel il s’appuie est en contradiction avec celui qui est à la base de l’impôt sur le revenu ; 4° que le but de ceux qui ont établi cet impôt d’exception et de superposition était d’atteindre les congrégations religieuses dans leur existence, par un moyen détourné, en attendant les attaques directes.

La taxe d’accroissement était d’ailleurs inapplicable, telle que les législateurs l’avaient conçue. La loi du 16 avril 1895 en a rendu possible la perception, en remplaçant par une taxe annuelle sur le capital possédé par les congrégations, les droits d’accroissement payables à chaque décès.

La Revue catholique des institutions et du droit, 2e semestre de 1895, p. 130 sq., 241 sq., a reproduit le rapport lu par M. Rivet au Congrès des jurisconsultes tenu à Lyon la même année. Le travail est intitulé : La taxe d’abonnement et les lois fiscales sur les congrégations. L’auteur y met en lumière tout ce que les dispositions législatives, sur la matière, contiennent de contraire au droit commun. Il réfute, en particulier, les affirmations de M. Cochery tendant à faire croire que les congrégations religieuses ne sont pas plus surchargées que les sociétés anonymes. M. Rivet prouve, p. 256sq., chiffres en main, que la manière dont sont évaluées les ressources des congrégations religieuses amène ces dernières à payer de sept à huit fois ce que paient les sociétés anonymes à but lucratif.

Reste-t-il encore quelques traces de l’immunité de l’impôt, accordée autrefois aux biens ecclésiastiques ? La loi du 3 frimaire an VII et le décret du 12 août 1808 exemptent de l’impôt foncier, d’une manière permanente, les édifices non productifs de revenu, appartenant aux établissements publics, au même titre que ceux qui appartiennent à l'État, aux départements et aux communes. Les établissements ecclésiastiques bénéficient de ce privilège, à condition d'être parmi ceux que les juristes qualifient d'établissements publics. Tels sont les fabriques, les séminaires, les menses curiales, capitulaires et épiscopales.

Les églises qui appartiennent aux fabriques, et qui sont d’ailleurs fort rares, puisqu’il faut qu’elles aient été construites sur un terrain de la fabrique, seulement avec les ressources de la fabrique, sont donc exemptes de l’impôt foncier, comme si elles appartenaient aux communes.

Les presbytères peuvent aussi appartenir aux fabriques et même aux menses curiales. Arrêt de la cour de Riom, du 2 août 1881, Dalloz, 2 « série, 1882, p. 124. Us sont dispensés également dans ce cas de l’impôt foncier, comme s’ils appartenaient à la commune.

Pour les évèchés la question ne se pose pas. Ilsappar II. - 28