Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée
863
864
BIENS ECCLÉSIASTIQUES


saint Agapet, P. L., t. lxvi, col. 46, se montre particulièrement strict, et va jusqu’à refuser l’autorisation de vendre des immeubles pour la nourriture des pauvres. Il s’en réfère à la tradition pour justifier cette décision.

La tradition dont nous avons suivi, il nous semble, la trace pas à pas exigeait, pour autoriser la vente, non seulement des raisons suffisantes, mais encore certaines solennités. Saint Léon n’autorise les aliénations qu’avec le consentement de tout le clergé. Ailleurs c’est l’autorisation des évêques voisins ou du synode de la province qui est requise. Cette discussion entre ecclésiastiques du pays, connaissant les besoins et les ressources de cliaque église, autorisait nécessairement une certaine latitude dans les raisons à invoquer, et explique la contradiction apparente des décisions prises en ces matières.

L’unilication semble s’être faite sous l’action du pouvoir civil, et assez tard.

Dans le Code théodosien, la question n’est pas touchée. Mais en 470, une constitution de l’empereur Léon, L. 14, Cod. I, il, interdit toute aliénation des biens immeubles aussi bien urbains que ruraux, pensions et autres créances appartenant à l’Église de Constantinople. Cette constitution, qui servit sans doute de modèle à celle qu’Odoacre se crut autorisé à promulguer, quelque dix ans plus tard, contre les aliénations des biens de l’Eglise romaine, fut étendue par Anastase (f518) à toutes les églises dépendantes du patriarcat de Constantinople. Après avoir reproduit, au code, ces deux documents, Justinien revint sur la question dans sa Novelle cxx, résumé, avec la Novelle cxxiii, de la législation civileecclésiastique de l’époque. Dans ce document de l’année 545, il met au point les prescriptions de ses prédécesseurs, et les siennes propres, L. 21, Cod. I, ii, Novelle vii, étendant à toutes les églises la prohibition de Léon ; NovellexL, autorisant l’aliénation de maisons del’église de la Résurrection à Jérusalem, pour des motifs analogues à ceux que Symmaque avait prévus pour les maisons de la ville de Rome ; Novelle xlvi, permettant d’aliéner dans certains cas et moyennant certaines conditions, pour payer les dettes onéreuses ; Novelle liv, autorisant des échanges de biens entre les églises ; Novelle lv, autorisant l’Église de Constantinople à faire des échanges avec le fisc, et toutes les églises à faire entre elles des contrats d’emphythéose. Dans la Novelle cxx, tous les procédés qu’on avait coutume d’employer en droit romain pour dissimuler les aliénations : locations à long terme, constitutions d’usufruit ou d’hypothèques, échanges, et surtout le contrat d’emphythéose, si voisin de la vente, sont réglementés. La vente des vases sacrés est permise pour aidera la rédemption des captifs (c.ix) ; on autorise même pour payer les dettes la vente des vases inutiles, avant d’aliéner les immeubles (c. x). Ce dernier point indique assez que, même pour les immeubles, la défense de les faire sortir du patrimoine ecclésiastique ne s’était pas maintenue d’une façon absolue. La constitution xiiie de Léon l’Isaurien (717741) sur l’empbylhéose des choses d’Église suppose toujours en vigueur l’ancienne discipline.

En Occident, où nous savons que la législation romaine postérieure au Code théodosien n’eut aucune inlluence directe, ce fut la discipline du siège aspostolique si nettement formulée par le concile romain sous Symmaque (502), qui fixa définitivement la pratique, indiquée déjà par les décisions individuelles des papes du ve siècle. C’est elle que nous trouvons proclamée successivement par les conciles du VIe siècle. Voir en particulier le canon 7e du concile d’Agde (506), Mansi, t. vii, col. 323 ; et l’exception formulée par le canon 45e (53, C. XII, q. n) ; les canons 7e et 12e du concile d’Epaon (517), Mansi, t. viii, col. 557, le canon 12* du IIIe concile d’Orléans (538), Mansi, t. ix, col. 10, et son canon 23° (41, C. XII, q. n) ; les canons 9°, 11e et 12° du IVe concile d’Orléans (51l), Mansi, t. ix, col. 111 ; le canon 13 e

du Ve concile d’Orléans (549), Mansi, t. ix, col. 127 ; le 3e canon disciplinaire du IIIe concile de Tolède (589), Mansi, t. ix, col. 777. On remarque cependant une certaine variété, quant aux solennités exigées. Les biens des paroisses, chapelles ou monastères, peuvent être vendus par les prêtres ou les abbés, pourvu que l’évêque les y autorise. Parallèlement à la pratique de consulter avant toute aliénation les évêques de la province, se développe l’usage de s’en rapporter au jugement du clergé diocésain que l’évêque consulte sur l’opportunité de la vente ou de l’échange. Cette procédure se rattache à la lettre de saint Léon le Grand, qui, nous l’avons vii, est un des plus anciens textes sur la matière. Demander seulement l’avis des clercs du diocèse, est d’ailleurs plus conforme à ce que nous savons de la pratique des premiers siècles où les évêques, indépendants, en principe, en matière temporelle, ne pouvaient être déférés au synode de la province que sur la plainte de leurs clercs, à qui appartient par suite un contrôle discret de l’administration ; lu patrimoine.

Cette discipline fut celle qui s’imposa partout ; elle constituait le droit commun des décrétâtes. 8, III, xiii.

L’extravagante Ambiliosæ de Paul II (chapitre unique du titre De rébus ccclesiaslicis alienandis, vel non) a établi le régime actuel qui soumet toute aliénation à l’autorisation préalable du siège apostolique. Voir les canonistes, pour le détail des prescriptions et des sanctions actuellement en vigueur. Pour le détail des solennités requises dans l’ancienne France en matière d’aliénation de biens ecclésiastiques, cf. Guy du Rousseau de la Combe, Recueil de jurisprudence canonique et béné(iciale, par ordre alphabétique, Paris, 1755, au mot : Aliénation des biens d’Église, sect. ni. Les concordats, pragmatiques, ordonnances des rois et arrêts des parlements sont en appendice à la fin du volume.

V. SUJET JURIDIQUE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ ECCLÉ-SIASTIQUE. — Le principe, une fois admis, que la société religieuse établie par Jésus-Christ est capable de propriété, il reste à examiner au point de vue historique : 1° quels ont été dans la suite des temps les organismes ecclésiastiques exerçant le droit de propriété ; 2° quelles sont, sur ce point, les théories auxquelles les canonistes se sont arrêtés.

Tout d’abord, en ce qui concerne le sujet de la propriété ecclésiastique, nous n’avons, et pour cause, aucune indication dans les documents de l’âge apostolique. Les biens d’Église se réduisent alors, nous l’avons vii, à des choses consomptibles, dont la masse, sans cesse renouvelée par les libéralités des chrétiens, ne s’épuise jamais. Tout ce que nous insinuent les Actes des apôtres et la Didachè, tout ce que nous affirment la Didascalie, les Constitutions apostoliques et les Canons des apôtres, c’est que les chefs de la communauté eurent, dès le commencement, l’administration du temporel.

Les premiers immeubles qui apparaissent sont des lieux de réunion, titres, puis cimetières, dont la propriété légale continue tout naturellement à appartenir au fidèle fortuné qui met à la disposition de ses frères cette portion de son patrimoine. Tels sont la maison de Pudens sur le Viminal, De Rossi, Bulletlino, 1867, p. 43-60, le cimetière de Lucine, où de nombreuses inscriptions au nom des « Pomponios Grekeinos » font supposer qu’on se trouve en présence d’une propriété privée de la Pomponia Grœcina de Tacite, Ann., xiii, 32, le cimetière de Calixte qui semble avoir été la propriété particulière de la gens Coecilia.

Au nie siècle, au contraire, la propriété immobilière de l’Église est constituée. C’est une propriété collective. Quel que soit le procédé employé par les chrétiens pour se mettre en règle avec la loi civile (voir l’exposé sommaire des deux systèmes de Rossi et Duchesne, dans Marucchi, Éléments d’archéologie chrétienne, t. i, p. 117 sq.), le fait est incontestable de l’existence de