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BIENS ECCLÉSIASTIQUES


saint Grégoire de Nazianze (308-390), Orat., xxvi, n. 6, combiné avec Orat., xvi, P. G., t. xxxv, col. 1235, 960. Voir aussi l’homélie xvill de saint Jean Chrysostoms sur le livre des Actes, P. G., t. xl, col. 147.

Malgré cette affectation spéciale, ceux qui donnent à l’Eglise sont supposés donner aux pauvres, et ceux qui donnent aux pauvres sont supposés donner à l’Eglise. Aussi tant que les fidèles donnent sans compter, les évêques se refusent à faire des réserves. Aurum habet Ecclesia non ut servet sed eroget, dit saint Ambroise, De officiis ministrorum, c. xxviii, P. L., t. xvi, col. 140. Cf. S. Chrysostome, De sacerdotio, 1. III, c. xvi, P. G., t. xlviii, col. 656, et les nombreux textes cités par Thomassin, 1. III, surtout du c. xxvi au c. xli. On considérerait comme un vol fait aux pauvres existant actuellement, de les priver d’un secours immédiat sous prétexte d’assurer l’avenir.

Aussi, saint Augustin, Cont. epist. Parmenian., 1. III, c. xvi, P. L., t. xliii, col. 91, nous donne à entendre que la déposition des pauvres inscrits au canon et la dégradation des clercs sont deux peines voisines l’une de l’autre ; toutes deux sont réservées à l’évêque, tandis que, par opposition, l’excommunication peut être décrétée par le clergé ou même a quocumque prseposilo cui est potestas. De la lecture des canons 101e et 103e des Stalula Ecclesim antiqua, Mansi, t. iii, col. 959, relatifs à deux espèces de veuves, on doit tirer la même conclusion que tout ce qui est à l’Église appartient aux pauvres, sauf à pourvoir aux besoins des clercs, pauvres volontaires, empêchés par leurs fonctions de travaillera se procurer les ressources nécessaires. L’expression la plus nette de ce principe se trouve au c. x de la Vita contemplativa de Julien Pomère (-jvers 490). Le passage a été inséré par Gratien au Décret sous le nom de saint Prosper, c. vil, C. I, q. n. Saint Isidore de Péluse, Epist., 1. I, epist. cclxi.x, P. G., t. lxxviii, col. 342, exprime la même idée au milieu du Ve siècle à l’heure où, par la fondation des hospices et autres maisons de charité, les pauvres commencent cependant à avoir leur patrimoine spécial.

Au Ve siècle, se fondent de plus en plus des hôpitaux à destinations spéciales (étrangers, orphelins, vieillards, pauvres), qu’on avait constitués, dès la paix, dans un but de commodité et d’économie. Pallade nous rapporte, au c. v de la vie de saint Jean Chrysostome, comment cet évêque organisa les hôpitaux de Constantinople, afin de se décharger, à l’exemple des apôtres, du détail de la répartition des aumônes. A la même époque se fit jour la théorie juridique de la fondation, institution ayant sa vie propre, indépendante de la personnalité de ses membres. Cf. Lœning, Geschiclite des deulschen Kirchenrechts, Strasbourg, 1878, t. I, p. 214. Les hôpitaux, les monastères bénéficièrent de ce nouveau mode d’acquérir et de posséder, et eurent bientôt leurs budgets et leurs administrateurs à part, tout en restant sous l’administration de l’évêque qui désignait les économes. C’est le commencement du partage des revenus de l’Église en plusieurs masses.

La distribution équitable des oblations et autres ressources présentait fatalement des difficultés et amenait des réclamations de la part de telle ou telle catégorie d’assistés. Une solution s’imposait : déterminer exactement les droits de chacun. C’est ce qui eut lieu en Occident, par un procédé qui semble généralisé au Ve siècle. On recourut au partage de toutes les ressources en quatre parts. L’évêque en donnait une aux clercs, et gardait les trois autres : une pour lui, la seconde pour les besoins du culte (surtout entretien des bâtiments, fabrica), la troisième pour les pauvres. La part de l’évêque était grevée de l’obligation de donner l’hospitalité aux étrangers illustres. Les canons 28 « , 29e et 30’% de la cause XII, q. il, qui se rapportent à cette institution, sont authentiques. Le premier est de saint Simplice et

de l’an 475, le second et le troisième sont de saint Grégoire le Grand et respectivement des années 593 et 601. Le canon 31e, assez obscur d’ailleurs, est d’une authenticité douteuse. Cf. Friedberg, Corpus juris, 1. 1, col. 697698.

Cette division des revenus en quatre parts semble n’avoir jamais existé en Orient. La Novelle cxxiii fixe au revenu annuel de la charge, le maximum de la taxe à percevoir à l’occasion de l’ordination-installation d’un clerc. La fixité de cette somme ne semble pas conciliable avec le partage de revenus variables ; d’ailleurs le silence des écrivains orientaux sur la pratique du partage en quatre masses est absolu.

En Occident de nouvelles complications surgissent. Les paroisses des campagnes se fondent. Il est vrai qu’en principe tous les revenus doivent tomber dans la masse commune pour être partagés ensuite ; mais bientôt on commença à laisser au clergé local l’usufruit de certains immeubles peu importants. Ce furent d’abord des concessions individuelles, dont le concile d’Agde (506), Mansi, t. viii, col. 319, nous fournit un exemple dans son canon 7 e. Le 22e prend soin de réserver les droits de l’Eglise sur les biens ainsi concédés, en interdisant l’aliénation des fonds par les usufruitiers. Cinq ans après, le canon 23e du I er concile d’Orléans, Mansi, t. vin. col. 355, se préoccupe à nouveau d’assurer à l’Église la conservation de la nue propriété de ces précaires ; la prescription ne pourra modifier le régime des biens concédés ainsi à des clercs ou à des moines. Ces constitutions d’usufruit, qui étaient de très bonne administration, se multiplièrent de plus en plus. Sous les Carolingiens, la pratique est généralisée au point que les églises des campagnes ont leurs revenus particuliers qu’elles ne versent plus à la masse diocésaine. Seul le quart de l’évêque se trouve naturellement réservé, mais il l’abandonne le plus souvent. En France cet abandon est la règle.

Nous avons vu que le concile d’Orléans (511) fait allusion, dans son canon 23e, à des concessions faites à des particuliers. On ne se contentait donc pas de constituer par ce procédé des patrimoines paroissiaux, on procurait aussi la subsistance à certains clercs, tout en pourvoyant à l’administration des fonds qu’on leur concédait. Le canon 17e du IIIe concile d’Orléans (538), Mansi, t. ix, col. 16, assure le clerc contre toute reprise, en déclarant irrévocables les concessions ainsi faites. L’évê |ue lie même ses successeurs ; de sorte qu’en cas de nécessité il faudrait donner une compensation à celui qu’on se verrait obligé de priver de son usufruit. L’institution est devenue, dans cet état, un cas particulier de précaire ecclésiastique.

La précaire laïque, qui semble une imitation de la précaire ecclésiastique, devait à son tour, après avoir évolué et pris le nom de béné/ice, fournir au droit canonique un régime qui pendant plusieurs siècles a semblé définitif. Ce qui distingue le bénéfice laïque carolingien de la précaire, c’est que l’usufruit du fonds concédé se trouve affecté à une fonction déterminée dont le titulaire est en même temps le titulaire de l’usufruit. Dès le IXe siècle, la formation des bénéfices ecclésiastiques se dessine ; elle se continue aux x « et xi° ; en sorte qu’au xiie l’évolution est terminée. On est dès lors en présence du beneficium qui se définit : Jus perpetuum percipiendi redditus ex bonis ecclesiasticis, competens clerico propter officiant sacrum, auclorilate Ecclesise conslilutum. Cf., au sujet de cette évolution, Karl Gross, Das Recht an der Pfriïnde, 1887, p. 16-93.

Le partage des biens ecclésiastiques se trouve de la sorte aussi complet que possible, puisqu’il atteint non seulement les revenus, mais encore la propriété elle-même dans tout ce qu’elle a d’utile. Une fois ce démembrement opéré, les bénéfices nouveaux se multiplient par voie de fondations directes, encouragées par les pri-