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BIENS ECCLÉSIASTIQUES


la mesure où les individus qui la composent savent laire respecter leur liberté de s’associer et de posséder des biens en commun.

Elle est obligée de laire appel, dans la discussion, à la conception arbitraire et inexacte que se urinent de l'Église les gouvernements qui l’ont proiession de neutralité religieuse. Cette notion est arbitraire, puisqu’elle suppose que seul, à l’exclusion de Dieu, l’homme a des droits. Elle est inexacte, puisqu’elle suppose que l'Église tire son origine de la volonté de ses membres et non de l’institution divine.

Mais le caractère surnaturel de l'Église une l’ois admis, son droit à l’existence se trouve fondé sur la volonté même de Dieu ; sa prétention à la perpétuité est justifiée par la parole de Jésus-Christ. Du droit à l’existence et à la perpétuité, la société surnaturelle tire, comme les autres, et par la même suite de déductions rigoureuses, le droit de posséder.

La conclusion théologique est donc la même, matériellement, que celle de nos raisonnements purement juridiques et rationnels du paragraphe précédent. Ces derniers s’adressaient aux hommes du dehors et ne pouvaient par suite dépasser l’ordre habituel de leurs conceptions. Aux incroyants nous disions : l'Église a le droit de posséder, parce que les individus catholiques veulent qu’elle possède. Aux fidèles nous disons : l'Église a le droit de posséder, parce que Dieu le veut.

Cet argument de portée générale ne fait d’ailleurs que confirmer la doctrine que les théologiens établissent d’une façon directe par la série habituelle de leurs arguments :

i re proposition : Il est de foi que l'Église a le droit d’acquérir et de posséder des biens temporels. — 1° Preuves tirées de l’Ancien Testament.

La loi mosaïque prescrit aux Juifs de pourvoir aux besoins matériels des lévites. En particulier, Num., xviii, 8-25 ; xxv,

1 sq., Dieu assure la possession de villes spéciales et de propriétés foncières à ses prêtres, et en plus, les offrandes de toute espèce. Or les besoins matériels de l'Église chrétienne, qui fait face, par toute la terre, à des nécessités de tout ordre, ne sont pas moindres que ceux de la synagogue ; donc, a pari, l'Église a le droit de posséder aussi bien que la synagogue.

Preuves tirées du Nouveau Testament.

I Cor.,

ix, 3 sq., saint Paul développe trois ordres d’arguments : a. droit naturel, 3-8 ; b. droit divin antique, 8-14 ; c. droit divin chrétien, 14.

Preuves tirées des Pères.

Us commentent les

textes de l’Ancien et du Nouveau Testament dans le sens de notre thèse. Cf. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline, part. III, 1. I, c. i-m. Us affirment le droit de l'Église sur ce point. Cf. la suite du même livre. Us racontent avec éloge quelle est la générosité des fidèles envers l'Église, ou quelle elle a été dans d’autres temps.

Preuves tirées des saints canons.

Les textes

abondent, qui sous forme de condamnations dogmatiques, de direction pratique, ou de répression disciplinaire, touchent au droit de propriété de l'Église.

Les erreurs dogmatiques sont condamnées dans la bulle de Martin V, Inter cuncta, du 22 février 1418, Bullariiim rom., Luxembourg, 1742, t. I, p. 288. Le document pontifical reproduit tout d’abord les 45 propositions de Wiclef condamnées en bloc au concile de Constance, dans la session du 6 mai 1415, après avoir été réprouvées les unes après les autres dans les différents conciles de Londres (1382), concile dit du tremblement de terre, Oxford (1382), Londres (1395 et 1401), Oxford (1408), Londres (1409), Prague (1410), Londres et Rome (1413). On trouve la série des 45 propositions dans Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. x, p. 419, note 3. Voici celles qui se rapportent à notre sujet : 10. Contra Scripturam sacram est, quod viri ecclesiastici habeaut possessions. — 16. Domini tem porales possimt ad arbitrium situm au/erre bona temporatia ab Ecclesia, possessiouatis habitualiler delmquentibus, id est habitu non solo actu delinqucntibus. — 32. Dilare clerum est contra regulam Christi. — 33. Sylvester papa et Constanlinus imperalor erraverunt Ecclesiam dotando (ou ditando). —36. Papa cuni omnibus clericis suis possessiones habentibus sunt hærelici, eo quod possessiones habent, et omnes conscnlienies eis, omnes videlicet domini seeculares et caiteri laici. — 39. Imperalor et domini temporales sunt seducti a diabolo, ut Ecclesiam dolarent (ou ditarent) bonis temporalibus. — 41. Augustinus, Bcnedictus et Bernardus damnali sunt, nisi pœnituerint de hoc quod liabuerunt possessiones… Voir aussi Denzinger, Encliiridion, n. 486, 492, 508, 509, 512, 515, 520.

La même bulle donne ensuite le texte des 30 propositions de Jean lluss, condamnées par le même concile de Constance. La proposition 25e implique indirectement les erreurs de Wiclef qui se trouvent condamnées de nouveau avec elle. Denzinger, n. 546.

Enfin Martin V indique une série de questions à poser aux prévenus dans les procès d’hérésie et formule par suite d’une façon positive la doctrine qui doit être en ces matières celle des vrais enfants de l’Eglise : 34. Utrum credat, quod liceat personis ecclesiasticis, absque peccato, hujus mundi habere possessiones et bona temporalia. — 35. Utrum credat quod laicis ipsa ab eis au ferre potestate propria non liceat, imo quod sic aiifercntes tollentes, el invadentes bona ipsa e.cclesiasl ica sint tanquam sacrilegi puniendi, etiam si maie viverent personse ecclesiasticee bona hujusmodi possidentes. Denzinger, n. 578, 579. Ces textes nous montrent qu’alors, comme toujours, les erreurs dogmatiques sur ces matières avaient surtout pour luit de justifier les entreprises de la cupidité des séculiers.

Au XIIe siècle, Arnaud de Brescia, au XIIIe siècle, les vaudois, au xive siècle, Marcile de Padoue avaient déjà attaqué la légitimité de la propriété ecclésiastique.

Aussi le canon 12e du concile œcuménique de Lyon (1274) avait dû condamner les usurpations sacrilèges des laïques qui s’attribuaient les revenus des établissements ecclésiastiques pendant les vacances des évèchés, abbayes ou autres églises. Les prévaricateurs sont trappes d’excommunication ipso facto. Lire ce texte au Corpus juris, c. 13, Generali, I, vi, De electione et electi potestate, in VI", édit. Friedberg, t. il, col. 953. Voir aussi col. 1059, en note du c. 1, III, xxiii, in VI, les septem gravamina que les laïques faisaient subir aux églises et dont Alexandre IV (1254-1261) avait dû poursuivre la suppression.

Les spoliations se renouvelèrent surtout à partir du moment où les vrais principes qui régissent notre matière eurent été attaqués par les légistes, puis par les prétendus réformateurs du xvie siècle qui ressuscitèrent les erreurs de Wiclet à l’exemple de Jean Huss. Le concile de Trente dut donc intervenir à son tour, sess. XXII, De réf., c. xi, pour trapper de l’excommunication lalse sententise tous ceux qui s’empareraient des biens et des droits de toute espèce appartenant aux diocèses, aux bénéfices tant séculiers que réguliers, aux mon ts de piété et autres lieux pies. Cette excommunication est encore en vigueur, renouvelée qu’elle a été par la bulle Apostolicse sedis de Pie IX sous le n° 4 des excommunications non réservées. Enfin les n l, s Il et 12 des excommunications réservées au pape, speciali modo, atteignent ceux qui violent les droits de l'Église romaine ou s’emparent du temporel des ecclésiastiques.

D’ailleurs le Sijllabus avait auparavant condamné à nouveau les anciennes erreurs doctrinales relatives aux biens ecclésiastiques ; dans les propositions 26" et 27e : Ecdesianon habet nativum ac legitimum jus possidendi ac acquirendi. — Sacri Ecclesiæ ministri romanusque poulifexab omni rerum temporalium curaac dominio