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BIEN (LE)


in eo quod sint, bonse sint, cum non sint substantialia, bona, P. L., t. lxiv, col. 1311, le place d’emblée au centre des préoccupations de la controverse patristique contre les néoplatoniciens et manichéens : il résume la plupart des textes que l’on a pu lire. Boèce explique, dans un texte demeuré célèbre, qu’il s’est appliqué à la concision, sans craindre l’obscurité : le commentaire de Gilbert complique encore la lecture. Celui de saint Thomas permet cependant de se rendre compte de la pensée de l’auteur. Boèce établit que le premier bien, parce qu’il est, en cela même qu’il est, est le bien ; que la créature, par cela même qu’elle dérive de celui dont l’être même est le bien, est aussi bonne. Cette dérivation du bien absolu est la raison de la bonlé des choses inhérente à leur existence : Illud enini (le bien premier), quoquomodo sit, bonum est in eo quod est non enim aliud est præterquam bonum : hoc autem (le bien dérivé), 711si ab Mo esset, bonum forlasse esse posset, sed bonum, in eo quod est, esse non posset. P. L., t. lxiv, col. 1313. Il faut entendre, avec saint Thomas, que, selon Boèce, il y a dans les choses une double bonté, l’une qui les fait être chacune selon sa nature, et cette bonté dérive directement du premier bien : c’est à son sujet que Boèce aftirme que les choses sont bonnes en tant qu’elles sont ; l’autre, est la bonté synonyme de perfection d’un être, et cette bonté n’appartient pas aux Liens créés de par leur essence, mais en vertu de perfections surajoutées, à titre d’accidents de l’essence. En Dieu seul cette seconde bonté est essentielle, d’où il est le bien absolu et par essence. S. Thomas, In Boet. de hebd., lect. iv, § ult. ; cf. Sum. t/ieol., I a, q. v, a. l, ad l um ; q. VI, a. 3. — Gilbert de la Porrée, P. L., t. lxiv, col. 1326, interprète la dérivation du bien second dans le sens d’une dénomination extrinsèque. Son opinion est réfutée par saint Thomas, Quæst. de ve ; itate, q. xxi, a. 4. Il suflit de lire les neuf règles de solution, posées par Boèce en tête de son traité, pour se convaincre que l’être et la bonté sont participés, selon lui, formellement par les créatures, par exemple 2 a régula : at vero id qùod est, accepta essendi forma, est alque consistet. Ibid., col. 1311.

Hérésies et décisions canoniques.

1. Hérésies.

— Nous citerons : a. les gnostiques, dont les uns, les alexandrins, se rattachent au dualisme platonicien du bien premier et de la matière mauvaise, tandis que les autres, les syriens, procèdent des conceptions orientales et poussent le dualisme des deux principes jusqu’à ses dernières extrémités, voir Gnosticisme ; 6. Origène déjà cité pour sa doctrine de la création des choses matérielles conséquence d’une faute, voir Origène ; c. les manichéens qui reprennent les idées du gnosticisme syrien, voir Manichéisme ; d. les ariens, qui s’appuyant sur le texte : Nemo bonus nisi solus Deus, et sur l’idée platonicienne du second bien engendré par le premier bien, tov to-j àyaOo’j exyovov, 1. VIe de la Réjiublique, ne concèdent au Verbe de Dieu qu’une bonté participée, voir Arianisme, 1. 1, col. 1786, 1787 ; e. les priscillianistes, albigeois, et autres sectes issues du manichéisme.

2. Décisions canoniques (antérieures à saint Thomas).— a. Toutes les formules de symboles et les condamnations relatives au dualisme des deux principes concernent la question du bien. Cf. Denzinger, Enchiridion, 9e édit., Wurzbourg, 1900, p. 448, Index, § Duplex principium bonum et malum rejiciuntur, cꝟ. 130. — b. Les 6e, 8e, 9 e et 10e propositions de Turribius au sujet des erreurs priscillianistes. Denzinger, n. 103-107. — c. Les 2e et 3e canons des décisions du Ve concile œcuménique contre Origène. Denzinger, n. 188-189. — d. La profession de foi prescrite par Innocent III aux vaudois repentants. Denzinger, n. 367-373. — e. Le premier chapitre du IVe concile de Latran en 1215. Denzinger, n. 355.

Ces diverses décisions établissent l’unité et la bonté de la cause créatrice de la nature spirituelle et corpo relle, la création sans intermédiaire de l’une et de l’autre, la bonté naturelle originelle des anges, des âmes humaines, des choses corporelles, du démon lui-même qui s’est rendu mauvais par sa faute, enfin comme conséquence, l’innocuité en soi de l’usage de tous les aliments, y compris des viandes.

III. Deuxième période : Saint Thomas d’Aquin. — Il serait intéressant de suivre les différentes systématisations de la doctrine du bien chez les premiers scolastiques et les contemporains de saint Thomas, des Alexandre de Halès, Albert le Grand, saint Bonaventure. Nous indiquons seulement ce travail trop considérable pour être abordé dans un dictionnaire et dont les textes ne sont pas tous publiés. On retrouve d’ailleurs chez les scolastiques postérieurs que nous examinerons des opinions équivalentes. Si l’on veut, on pourra ne voir dans ce travail sur la doctrine de saint Thomas qu’un échantillon de ce que l’on pourra faire sur les théologiens de l’époque. Un coup d’oeil sur les Indices des œuvres complètes de saint Bonaventure au mot Bien fera voir la conformité des vues des deux principaux auteurs du xine siècle, Quaracchi, 1901, t. ix, p. 38-39.

Nous reprenons ici les neuf questions posées au début de cet article et au sujet de chacune d’elles nous donnerons : 1° la liste des principaux textes de saint Thomas où elle se trouve traitée ; 2° la liste des documents antérieurs relatifs au bien qu’il a consultés ; 3° l’indication de sa solution.

I. LE BIEN EN SOI.

A. Identité avec l’être et antériorité de l’être. — 1° Textes. — Sum. theol., I a, q. v, a. 1-3 ; Cont. Gent., 1. II, c. xli ; 1. III, c. xx ; De veritale, q. i, a. 1, corp., ad 5 ura ; q. xxi, a. 1, 3 ; Qusest. disp. de potentia, q. ix, a. 7, ad 5 ura, 6um ; In IV Sent., 1. 1, dist. VIII, q. I, a. 3 ; dist. XIX, q. v, a. 1, ad 2um, 3um.

Sources.

Ecriture sainte : Exod., iii, 14, Is., v,

20 ; Matth., xxvi, 26 ; I Tim., iv, 4. - Aristote, 111 Metaphys. ; I Etliic ; S. Augustin, De doctrina christiana ; pseudo-Denys, De divin, nom ; S. Maxime, In lib. de div. nom ; Boece. De hebdomadibus ; De consol. philos., 1. III ; Liber de causis ; Avicenne, Metaph., 1. I, c. IX.’S Solutions. — 1. Le bien n’a pas d’autre réalité que l’être. — 2. Il en diffère par la raison d’appétibilité. — 3. Deux bontés dans les êtres : celle qu’ils ont du fait qu’ils sont ; la bonté complémentaire qu’ils ont, du fait qu’ils ont la perfection qui leur est due (explication de la doctrine de Boèce et de saint Augustin). — 4. La raison d’être est antérieure à la raison de bien. — 5. La raison de bien est antérieure à celle d’être dans l’ordre de causalité (explication de la doctrine des platoniciens, du pseudo-Denys et du Liber de causis). — 6. Tout être, en tant qu’être, est bon. — 7. Le bien ne détermine pas l’être comme une forme surajoutée, mais comme une propriété immanente (transcendantale). — 8. La matière première n’étant pas en acte, n’est pas bonne absolument, mais par participation : les nombres et les figures n’ont pas par eux-mêmes de bonté à cause de leur état d’abstraction qui les soustrait à l’être réel.

B. Notion du bien en soi. — 1° Textes. — Sum. theol., I a, q. v, a. 4, 5 ; cf. a. 2, ad l um ; q. vi, a. 1, ad l um ; l a II*, q. lxxxv, a. 4 ; Cont. Gent., 1. I, c. xl ; Quæst. disp. deverit., q. i, a. 8, ad 12 u "> ; q. x ::i, a. 1, 6 ; In IV Sent., 1. I, dist. XXXIX, q. il, a. 1, ad 4um ; Comment, in lib. de div. nom., c. i, lect. m ; In II Phys., lect. v.

Sources.

Écriture sainte : Sap. ; xi, 21 ; Aristote,

II Phys., c. ni ; Meteorum, c. m ; S. Ambroise, Hexæm., I. I, c. ix ; S. Augustin, De doct. christ., c. xxxii ; Super Genesim, 1. IV, c. m ; De natura boni ; Liber Lxxxvii quæst. ; pseudo-Denys et S. Maxime, De div. nomin., c. iv.

Solutions.

Elles répondent à deux questions

bien distinctes : Quel est le principe constituant le bien comme tel, en tant qu’il est identique à l’être en gêné-