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BIEN (LE)


posséder par parties. De là les essences, VIe Ennéad. 1. VII, 15, les types intelligibles, dont le caractère général est d'être conformes au bien. Ce caractère commun tonde l’unité de l'être universel, divisé par l’intelligence, indivisé dans sa relation au Bien. VIe Ennéad., 1. IV, V. L’intelligence est donc multiple et une, « non comme une maison, mais comme une semence intérieurement multiple. » Elle possède le bien par les formes. Elle n’est pas le Bien : elle n’est que bonne. VIe Ennéad., 1. VII, 7. — L’essence intelligible, illuminée par le Bien, est divisée à son tour par l’Ame universelle. VI' Ennéad., 1. VII, 21. Cette illumination est nécessaire, car tout aspire au Bien, mais non pas à l’Intelligence. Ibid., 20. Par cette aspiration l'âme reçoit de l’Intelligence les raisons séminales ou formes auxquelles, sous son influence démiurgique, la matière participe, constituant ainsi le monde. Ve Ennéad., 1. IX, 3. La matière par elle-même est le non-être, l’informe, II' Ennéad., 1. IV, 10, le mal, ibid ?, 16. dont l’existence procède cependant du bien par l’intermédiaire de l'âme : elle marque le dernier degré possible de l'éloignement du bien. 1™ Ennéad., 1. VIII, 7 ; cf. trad. N. Bouillet, t. iii, p. 129, note. Le monde, au contraire, est bon, suspendu au bien. 111e Ennéad., 1. II, 3.

5° Le pseudo-Denys VAréopagiteivsiède). — Si Plotin prétend donner le sens exact de Platon, le pseudo-Denys l’Aréopagite entend fonder sa doctrine, spécialement celle des Noms divins où se trouve son exposition du Bien, uniquement et exclusivement sur la sainte Ecriture. De div. nom., c. i, 2, 4, P. G., t. iii, col. 587, 598 ; c. ii, 1, col. 635 ; c. iv, 4, col. 699, etc. ; cf. Corderii observ. générales in Dionys. op., P. G., t. iii, col. 78. C’est en conformité avec la parole de l’Exode, m, 14 : Je suis Celui qui suis, qu’il reconnaît l'Être à Dieu, au degré éminent de super-essence, uv èoriv ô 0eôç 'j7 ; îpou(7t(i> ;. De div. nom., c. i, 6, P. G., t. iii, col. 596 ; c. ii, H, col. 650 ; c. v, 2, col. 817. Le Bien en Dieu n’est pas d’ailleurs une autre réalité que l'Être. Ibid. Il est véritablement existant, ovtw ; ô'v. Dieu est la cause de toutes les eboses existantes, contenant en soi absolument et inliniment tout l'Être. Ibid., 4, col. 818. L’usage fréquent que le pseudo-Denys fait du mot ûuep en l’accolant à tous les attributs ontologiques pour les transposer en Dieu, indique sa préoccupation de concilier Platon, qui nomme Dieu, et la Bible, qui déclare son nom incommunicable et inaugure le moyen de solution par attribution éminente que développera la théologie traditionnelle. Cependant les préoccupations platoniciennes reprennent le premier pas quand il s’agit de comparer les noms de Bien et d’Etre. Le nom d'Être ne convient à Dieu qu'à raison de son premier don, tbç div, 6 0îô ; ève Tr, ç 7rp£<jêuTÉpa< ; tùv à).).u>v a-JTO - j 8topEô)v û|r/EÏTat, De div. nom., c. v, 5, 6, P. G., t. iii, col. 820, tandis que le nom du Bien est au-dessus de toutes les émanations, c. ni, 1, col. 679. Ce nom surpasse tout autre nom, c. i, 7, 8, col. 598. Il désigne l’essence divine elle-même, l’origine de la divinité, c. iv, 1, col. 693. — Cette priorité du Bien surl'ËIre provient du point de vue dynamique où se place le pseudo-Denys. Il suit l’ordre des émanations, dit Corderius, P. G., t. iii, col. 686, de causalité, dit saint Thomas, Sum. theol., l*, q. vi, a. 2, ad lum^ 1 "" ; q. XII, a. 11, ad 2um, ainsi* qu’il appert de nombreux passages, par exemple De div. nom., c. iv, 10, P. G., t. iii, col. 705. De là vient que le Bien est, dans la pensée du pseudo-Denys, plus universel que l'être, s'étendant à ce qui n’est pas, c’est-àdire à la matière, qui, pour le pseudo-Denys, contre Platon, a une bonté, De div. nom., c. iv, 38, P. G., t. iii, col. 730, tandis que l'être n’embrasse que ce qui est, ibid., c. ni, iv, 3, col. 698 ; c. v, 1, col. 817, extension qu’il faut entendre avec saint Thomas dans l’ordre d’inlluence causale (loc. cit.). — Les hypostases plotiniennes sont reconnaissableschez le pseudo-Denys,

malgré les métamorphoses subies. A l’Intelligence sont substitués les anges, à l’Ame universelle les âmes créées, particulièrement les âmes saintes, au monde les corps célestes, les substances corporelles, la matière première. lbid., c. iv, 2-4, col. 696-697. Tous ces êtres naissent et vivent par le désir du Bien. Mais l’intuition extatique I du Bien par la première Intelligence est remplacée par l’Amour, et c’est un lien d’amour qui soude entre eux et au Bien les degrés hiérarchiques des êtres. Ibid., c. iv, 10, 11, col. 705-714.

6° Proclus († 485). — Il a influencé la théologie du bien par sa crror/eiaxiiç eeoXoyixirj, dont saint Thomas parait avoir eu en main la traduction par G. de Mœrbeke (1268) lorsqu’il commente le livre De causis, qui n’est lui-même que le traité susdit de Proclus, remanié par un Arabe du Xe siècle. S. Thomas, In lib. de causis comment., lect. i. Cf.. Bardenhewer, Die pseudoaristotelichè Schrift ïiber der Reine GïUe, Fribourg-enBrisgau, 1882. Proclus se rattache à l'école néoplatonicienne, mais débarrassée définitivement de toute préoccupation éléatique. Jules Simon, dans le Dictionnaire philos, de Franck, Paris, 1851, t. v, p. 237. C’est dire qu’il considère Dieu et la créature comme deux êtres distincts et les rattache nettement par le lien créateur. L’influence platonicienne est exclusive dans ses commentaires sur Platon sur les endroits cités plus haut des IIe et IVe livres de la République et du Tintée. Il distingue trois sortes de biens comme Platon (voir les textes cités par Petau, Dogmata theol., Paris, 1865, p. 489, 495, 496, notes, et par Thomassin, Dogmata theologica, 1. II, c. vii, n. 5, Paris, 1864, t. I, p. 109), caractérisés : 1° par le bien absolu, 2° l’intelligence et l’essence et 3° la puissance, mais ces trois dieux ne semblent plus être, dans le traité des causes du moins, qu’une seule chose : Non est bonilas nisiper suum esse et suumens et suatn virtutem : siquidem bonilas et virtus et ens sunt resuna, trad. latine suivie par saint Thomas, De causis, lect. xx. Ailleurs : Res autem simplex quse est bonilas est una, et unitas ejus est bonitas, et bonilas est res una. Ibid., lect. xxii. C’est par la création que Dieu communique sa bonté. Quoniam creans est res. Ibid., lect. xxii. L’intelligence est la première causée. Ibid., lect. xxin. Par elle la bonté première cause l'âme universelle, la nature et les autres choses. Ibid., lect. ix. Mais, et c’est ici l'élément original que Proclus cède à la théologie scolastiquo, la production des choses par un agent inférieur n’empêche pas la causation directe de ces choses selon un mode supérieur, par la cause première. Ibid., lect. I. Si omnis causa dat causato suo aliquid, tune proculdubio ens primum dat causalis suis omnibus esse. Ibid., lect. xviii. Prima rerum creatarum est esse. Lect. iv. Ens primum quielum est causa causarum et si primum ipsum dut esse omnibus tune ipsum dat eis per modum creationis. Lect. xviii. Le premier Bien identique à l'Être et créateur de l'Être en toutes choses, telle est la notion que la philosophie néoplatonicienne livre dans son dernier effort, le traité des causes, à la théologie traditionnelle. On trouvera dans Thomassin une intéressante exposition critique, ad trulinam SS. Patrum, des doctrines philosophiques platoniciennes concernant le Bien. Dogmata theologica, Paris, 1874, t. i, p. 107-119.

/II. docthines TRADITIONNELLES. — Nous entendons par là la théologie du bien, qui se tonde uniquement sur les textes de l'Écriture dont elle emprunte les locutions, où les préoccupations d'École n’apparaissent que passagèrement sous la forme du langage courant. Certains psaumes où il est question de la bonté de Dieu, par exemple cv, evi, cxvii, cxviii, ou encore certains mots de l'Évangile, par exemple : Nemo bonus nisi unus Deus, Marc, x, 18, ou encore la réfutation par l’Ecriture des opinions gnostiques manichéennes ou ariennes, sont l’occasion de ces exposés. Ce n’est guère que chez saint