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BIEL

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gard de l’Église du ciel. Homme, il est exposé à l’erreur et nous devons prier pour lui comme pour quelqu’un qui peut se tromper. Mais tant qu’il n’est pas établi avec certitude qu’il viole l’Écriture, le droit naturel ou divin, les fidèles sont tenus de lui obéir. Ses pécbés ne lui enlèvent pas sa dignité de chef de l’Eglise ; il ne la perdrait que si, tombé dans l’hérésie, il n’était plus membre de la société chrétienne. Defensorium, n. 8, 9 ; Sacr. can. mis., lect. xxiii, fol. 32, 33 ; Collect., 1. III, dist. XXXIX, q. i ; 1. IV, dist. XV, q. viii.

2. Ame et Dieu.

La psychologie et la théodicée de Biel, qui ont une si grande influence sur son système théologique, sont nettement nominalistes. Voir de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1900, p. 350-356 ; Ueberweg-Heinze, Grundriss der Geschichte der Philosophie, Berlin, 1898, t. il, p. 307-310.

Signalons seulement quelques particularités et quelques thèses fondamentales. Pas de distinction entre l’essence et les facultés. Collect., 1. II, dist. XVI. On ne saurait démontrer par la raison et on apprend par la foi seulement que l’âme est immatérielle, incorruptible et indivisible, lbid.

Notre science de Dieu est assez courte. Dans le ciel, nous le connaîtrons par intuition. Ici-bas, nous recourons, pour parvenir à lui, au procédé de l’abstraction ; mais ce procédé ne nous permet pas d’obtenir un concept de Dieu qui le désigne en lui-même d’une manière absolue et exclusive. Collect., prol., q. ii, vii, etc. La raison peut démontrer l’existence d’une cause première qui conserve le monde. Op. cit., 1. III, dist. XXIV. L’intelligence découvre aussi quelques-unes des perfections de Dieu : il est bon, vivant, sage, intelligent. Op. cit., prol., q. I. Mais les attributs du Très-Haut ne sont que des noms différents désignant une seule et même chose. Op. cit., 1. I, dist. II, q. i, il. C’est la foi seule qui prouve l’unité, l’omniscience, la toute-puissance de l’être divin ; seule, elle établit avec certitude que Dieu est la cause immédiate de tous les êtres, qu’il agit librement dans le monde et qu’il est la fin de l’univers. Op. cit., 1. I, dist. II, q. x ; dist. XXXV, q. Il ; dist. XL1I ; 1. II, dist. I, q. ii, v.

Biel affirme souvent que Dieu coagit, simul causât, est, avec la créature, la cause immédiate de tout ce qui se produit. Op. cit., 1. I, dist. XLV. Toutefois, ce fait ne suffirait pas à établir qu’il est présent partout, puisque l’action à distance est possible. Op. cit., . I, dist. XXXVIII. Mais la thèse la plus importante de la théologie de Biel, c’est son affirmation de l’indépendance totale et absolue du vouloir divin. Le Très-Haut décrète ce qui lui plaît. Ce qui est, n’existe que par son ordre, mais il aurait pu ne pas le vouloir. Il est donc libre de faire ce qui n’est pas juste ; s’il le fait, l’acte devient juste. Sa volonté libre, telle est la règle de la moralité. Op. cit., 1. I, dist. XLII ; dist. XLIII, q. i.

3. Trinité.

Dans son traité de la trinité, Biel montre bien qu’il est un des tenants de ce système norninaliste qui accorde une si grande place à la logique. La plupart des problèmes sont posés par lui en ces termes : Peut-on dire ?… Il se tient à égale distance de ceux qui comme saint Thomas et Scot, invoquent la raison à l’appui des vérités révélées et des théologiens timides, qui, comme Grégoire de Bimini, Oyta, Holkot, ne veulent pas perdre leur temps &t leur peine en parlant longuement de la Trinité. L’affirmation à laquelle Biel revient toujours est la suivante : Entre l’essence et la relation, il y a distinction formelle, autrement dit, essence et relation nous apparaissent comme une seule réalité, mais la loi nous apprend que tout ce qui est vrai de l’une ne l’est pas de l’autre. Collect., 1. 1, dist. II, q. xi ; dist. V, q. i ; dist. X, q. i ; dist. XI, q. i ; dist. XXXIV.

4. Fin de l’homme, moyen d’y parvenir : la grâce et l’œuvre salutaire. Prédestination. — Dieu est notre lin dernière et ce qui rend cette destinée surnaturelle,

c’est que le créateur a décidé de nous permettre de l’atteindre par des secours entièrement gratuits surajoutés à ceux que nous tenons de notre constitution et de nos facultés. Collect., 1. I, dist. I, q. i ; 1. II, dist. I, q. v ; dist. XXIX.

Pour parvenir à cette fin, l’homme doit produire des actes tout à la fois vertueux et méritoires. Vertueux, ils le seront pourvu qu’ils aient un objet honnête, au témoignage de la conscience, et qu’ils soient librement produits dans les circonstances requises par la raison pour la moralité. Ils deviendront méritoires s’ils sont dirigés vers Dieu aimé pour lui-même et par conséquent s’ils sont produits sous l’influence de la charité ou grâce sanctifiante. Op. cit., 1. II, dist. VII, XL, XLI ; 1. III, dist. XVIII.

La grâce sanctifiante est donc le pouvoir de faire des œuvres que Dieu, par pure bonté, daigne tenir pour dignes de la vie éternelle. C’est à ce titre qu’elle nous rend agréables à lui. Elle est un don créé et intérieur et non pas la personne du Saint-Esprit ; elle se confond du reste avec la vertu de charité. Tout cela résulte de la libre disposition de Dieu. C’est ce qui est, en fait (Biel dit : de potentia ordinata). Mais Dieu pourrait décider (potentia absoluta) qu’il en serait tout autrement, il pourrait sanctifier sans se servir d’un don créé, tenir pour méritoire de la vie éternelle un acte accompli sans la grâce, et par contre refuser la gloire à qui possède la vertu de charité. Et c’est ainsi que le mérite dépend de la pure libéralité de Dieu, c’est ainsi que nous sommes vraiment sanctifiés par sa volonté, ou suivant le langage de l’appropriation, par le Saint-Esprit. Op. cit., 1. I, dist. XIV, q. I, il ; dist. XVII, q. I, m ; 1. 11, dist. XXVI, XXIX ; 1. III, dist. XXXII.

Ce don surnaturel, Dieu ne le refuse à personne. Très souvent, Biel rappelle et applique le fameux principe : si quelqu’un fait ce qui est en son pouvoir, il recevra la grâce. Au reste, la théorie de la prédestination qu’il propose est significative. Expliquant la prescience des futurs libres, il l’avait fait dépendre de leur réalisation contingente, et il avait écrit : même si Dieu, par impossible, ne devait pas concourir à leur production, il saurait qu’ils doivent arriver librement. Op. cit., 1. I, dist. XXXVIII. Les thèses sur la prédestination sont la conclusion logique de cette affirmation. Les réprouvés sont damnés, parce que Dieu a prévu leurs fautes ; les justes sont prédestinés parce que Dieu a prévu leurs mérites ; du moins telle est la règle. Car, il est des saints à l’élection desquels on ne peut assigner d’autre motif que la volonté du Très-Haut : Biel cite la Vierge Marie, saint Paul, ceux qui ont été sanctifiés dans le sein de leur mère. A côté de ces affirmations, il est vrai, on en trouve d’autres qui rendent un son bien différent. Toute créature raisonnable prédestinée par Dieu peut être damnée : il a le droit absolu de refuser la gloire à qui a la grâce ; si, sans raison, il fait choix de certains hommes, on ne peut l’accuser d’injustice, car il est libre, ne doit rien à personne et il n’y a pas à chercher les raisons de sa suprême volonté. Op. cit., 1. I, dist. XXXIX, XL, XLVI.

5. Etat primitif de l’homme et péché originel. — Adam possédait, avec la grâce sanctifiante, le don de justice originelle, qui réfrénait en lui la concupiscence. Op. cit., 1. II, dist. XXIX, XXX, q. I. Sa faute a passé à ses descendants. Elle n’est pas un simple châtiment : nous naissons pécheurs ; mais elle n’est que l’absence en nous de la justice originelle, c’est-à-dire de cette rectitude de la volonté qui préservait de la concupiscence et que l’homme était obligé de garder. Sur les conséquences du péché originel : perte de la grâce, etc., Biel propose l’enseignement traditionnel. Il est indulgent pour les enfants morts sans baptême : la mort ici-bas, la peine du dam, mais sans douleur, en l’autre vie, tel est leur châtiment. L. II, dist. XXX,