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BERNARD (SAINT)

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lequel il a détruit la mort en la subissant. Retrancher ce dernier point des deux autres, c’est peindre sur le vide. Il n’est certes rien de grand et de nécessaire comme cet exemple d’humilité ; il n’est certes rien de plus grand et de plus digne de reconnaissance que cet exemple de charité, mais ni l’un ni l’autre n’ont de fondement ni de consistance sans la rédemption. » lbid., c. ix, n. 25, col. 1072.

VI. MARIOLOGIE ET INTERCESSION DES SAINTS.

Opposition à la fête de l’immaculée conception.

Bernard est l’un des plus grands serviteurs de Marie. Cependant son horreur des nouveautés lui fit suspecter une fête qui commençait à s’introduire en France de son temps : la fête de la Conception de la sainte Vierge. Son épître clxxiv, P. L., t. lxxxii, col. 332, dont on a contesté à tort l’authenticité, Ballerini, Sylloge monumentorum ad mysterium conceptionis immacutatx Virginia Deiparee illustrandum, Rome, 1856, t. ii, p. 709-821, contient à cet égard l’expression de sa pensée. L’établissement d’une telle fête ne lui paraît fondé ni en autorité ni en raison.

D’autorité, il n’en connaît pas d’autre que la légende de l’apparition de la Vierge à Helsin, moine de Ramsay, en Angleterre. On racontait que ce religieux, assailli par une tempête en traversant la Manche, avait invoqué Marie, qui était venue à son secours et, pour prix de sa protection, lui avait enjoint de célébrer désormais la fête de sa Conception, le 8 décembre. L’abbé de Clairvaux regarde à bon droit cette légende comme apocryphe.

Les raisons qu’on allègue en faveur de l’institution nouvelle ont-elles plus de valeur ? Bernard ne le croit pas. k On veut honorer, dit-il, la conception, sous le beau prétexte qu’elle a précédé la naissance, qui est sainte. Mais, à ce compte, il faudrait honorer aussi le père et la mère de Marie, qui existaient avant elle, et même tous ses aïeux. D’où viendrait la sainteté de la conception ? Dira-t-on que Marie fut sanctiliée, en même temps que conçue ? Mais elle n’a pu être sainte, avant d’être ; or elle n’était pas avant d’être conçue. Dira-t-on que la sainteté s’est mêlée à la conception ? Mais la raison n’admet pas cela. Comment y aurait-il sainteté, où n’est pas l’Esprit sanctificateur ? et comment le Saint-Esprit serait-il où est le péché ? car le péché était certainement là où était la concupiscence, ubi libido non defuit, à moins qu’on ne dise que Marie a été conçue du Saint-Esprit, ce qui est inouï… Si donc elle n’a pu être sanctifiée avant sa conception, parce qu’elle n’était pas ; si elle n’a pu l’être dans sa conception même parce que le péché y était, il reste qu’elle ait reçu la grâce sanctifiante après la conception, et existant déjà dans le sein de sa mère. C’est cette grâce qui, chassant le péché, a rendu sainte sa nativité, mais non pas sa conception. » Epist., clxxiv, n. 7. Ces derniers mots sont très significatifs : Restât ut post conceptioneni, in utero jam existens, sanctificationem acccpissc credatur, quee, excluso peccato, sanctam fecerit nalivitatem, non tamen et conceptioneni.

On a épilogue sur ce texte et on a prétendu qu’il pouvait se concilier avec le dogme de l’immaculée conception. Il faut répudier ces subtilités. Ce qui est sûr, c’est que l’abbé de Clairvaux n’admettait pas qu’on pût honorer la conception de Marie. Pourquoi ? Parce qu’elle n’était pas sainte, en d’autres termes, parce qu’elle n’était pas immaculée. Voilà le lait brutal. Il y a plus : tous ses contemporains, ses défenseurs aussi bien que ses adversaires, ont compris sa pensée de la même îaçon. Déjà sa théorie avait été refutée par Osbert de Clare, qui établit une heureuse distinction entre la conception active et la conception passive. Qu’importe que la concupiscence ait été mêlée à la génération de l’être qui fut Marie, si, par un privilège particulier, en vertu des mérites du Rédempteur, cette Vierge sainte fut exempte du péché originel ? Apprenez, disait le savant moine aux adversaires du culte de la conception, que cette fête a pour objet, non pas l’acte du péché, mais les prémices de notre rédemption : Desinant ergo infidèles et heeretici de hac sancta solemnitate in sua vanilate mulliplicia loqui, et discant quia filii matris gratiee non de actu peccali celebritatem faciunt, sed de primitif redemptionis nostrse. Osbert de Clare, dans Downside Beview, 1886, t. v, n. 2, p. 117. On ne pouvait mieux dire, et on peut regretter que Bernard n’ait pas connu, avant d’écrire sa lettre, ce langage d’une si ferme précision théologique. Du reste l’abbé de Clairvaux n’est ni un « Infidèle » ni un « hérétique » , pour avoir soutenu une opinion contraire. En cela, comme en tout point de doctrine, il soumet expressément son avis à l’autorité de l’Église romaine, tout disposé à croire ce qu’elle décidera. Epist., clxxiv, n. 9. Pour plus de détails sur ce sujet, voir Vacandard, Vie de saint Bernard, Paris, 1895, t. ii, p. 84-87 ; llànsler, De Mariée plenitudine gratifB secundum S. Bcmardum, Fribourg, 1901, p.11-39.

2 » Prérogatives de Marie. — C’est à la maternité divine de Marie que Bernard rattache les dons spirituels qui parent cette âme virginale où le ciel mit toutes ses complaisances. Et les deux vertus qui attirèrent plus particulièrement sur elle les regards de Dieu sont à ses yeux l’humilité et la virginité. Cette doctrine est répandue dans un grand nombre de ses sermons, P. L., t. clxxxiii, notamment dans les homélies Super Missus est, dans le sermon De aquxductu, et dans les sermons sur l’Assomption. « Si elle a plu par sa virginité, dit-il, c’est par son humilité qu’elle a conçu. » Super Missus est, homil. I, n. 5. Toutefois la vertu de virginité devait jouer un rôle essentiel dans la vocation de Marie. « En toute convenance, un Dieu ne pouvait naître que d’une vierge, et par la même raison, une vierge qui enfante ne pouvait mettre au monde qu’un Dieu. » lbid., homil. il, n. 1. Bernard emprunte cette belle pensée à l’hymne de saint Ambroise, Bedemptor omnium, qui fut le premier Noël chanté dans les églises d’Occident :

Ostende partum Virginis…

Talis decet partus De a m.

Marie était donc digne de porter ce grand nom de mère de Dieu : Magnum illud nomen Qioiôy.o-^.Sermo in dominica in oct. Assumpt., n. 4. Aussi ne faut-il pas s’étonr.er que Dieu ait « déposé en elle la plénitude de tout bien » . In Pentecost., serm. il, n. 1 ; In Nativit. Mariée, n. 6. Mais cette gloire fait aussi notre richesse. « Pleine de grâce pour elle-même, elle est pour nous surpleine et surabondante ; » Plena sibi, nobis superplena et supercf/luens. In Assumpt., serm. ii, n. 2. A sa grandeur est attachée une fonction. Marie, associée à Jésus pour l’œuvre de la rédemption du monde, Dominica infra oiiav. Assumpt., n. 1, 2 ; Super Missus est, homil. il, n. 3. est devenue après lui et par lui la dispensatrice de toutes les grâces. « La volonté de Dieu, dit l’abbé de Clairvaux, est que nous ayons tout par Marie. » Sic est voluntas cjus, qui tolum nos habere voluil per Mariant. In Nativit. Mariée, n. 7. — Niltilnos Deus I/abere volait quoi I per Mariée manus non transiret. In vigil. Nalivit. Christi, serm. ni, n. 10. Et pour faire entendre ce mystère, Bernard emprunte au livre des Juges une ingénieuse comparaison. Marie est semblable à la toison de Gédéon, qui humecta l’aire environnante. Lorsque Dieu voulut répandre sur l’aire une rosée céleste, il commença par verser cette rosée tout entière dans la toison. Ainsi, pour sauver le genre humain, il a mis d’abord en Marie tout le prix de notre rédemption. In Annunliat., serin., ni, n. 8 ; In Nalivit. Mariée, n. 6 ; Super Missus est, homil. ii, n. 7. Elle est le canal ou aqueduc par lequel toutes les eaux du ciel viennent en nous. Serm. de aquxductu, in Nalivit. Marix, tout entier.