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BERENGER DE TOURS


assemblée de niais. De sacra cœna, p. 36, 44, Les injures à la Luther sont prodiguées : Saint Léon IX est non ponlificem sed pompificem et pulpifœem, e saint-siège est le siège de Satan, l’Eglise romaine est vanitatis conciluim et Ecclesiammalignanliuni, elle est entachée d’hérésie, et la véritable Église subsiste en Bérenger et en ceux qui le suivent. Cf. Bernold de Constance, De Beringerii hæresiarchee damnatione mulliplici, c. vi, P. L., t. cxlviii, col. 1456 ; Durand de Troarn, Liber de corpore et sanguine Christi, c. xxxiii, P. L., t. cxlix, col. 1422 ; Lanfranc, De corpore et sanguine Domini, c. xvi, P. L., t. cl, col. 426, 442.

Bérenger écrit, dans une lettre qui est des environs de 1048, que l’évêque de Poitiers, en excommuniant un diacre parce que celui-ci s’est marié, lui semble avoir agi contre les canons. Le texte publié par Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. i, col. 195-196, ajoute : « à moins peut-être que l’obstination du diacre n’ait forcé l’évêque à agir ainsi ; » mais ce membre de phrase est absent du manuscrit édité par Sudendorf, Berengarius Turonensis, Hambourg, 1850, p. 200, et semble une addition postérieure qui ne serait pas de Bérenger. Cf. Sudendorf, ibid., p. 92.

Théoduin de Liège, P. L., t. cxlvi, col. 1439, de qui dépend Guitmond, De corporis et sanguinis Christi veritate in eucharislia, 1. I, P. L., t. cxi.ix, col. 1429, dit que Bérenger et Eusèbe Brunon, « renouvelant les antiques hérésies, rejetaient les mariages légitimes et, autant qu’ils le pouvaient, le baptême des enfants. » Si Bérenger enseigna ces erreurs, ce fut seulement aux origines de sa campagne ; cela ressort du passage de Guitmond que nous avons indiqué. Une lettre du cardinal Humbert à Eusèbe Brunon, publiée par Brucker, L’Alsace et l’Église au temps du pape saint Léon IX, 1. il, p. 393-395, prouve que l’évêque d’Angers parut suspect dans la question du divorce ; peut-être l’accusation de Théoduin de Liège a-t-elle sa source dans ce fait. Peut-être encore Théoduin, inlluencé par le souvenir des nouveaux manichéens d’Orléans (1022) et d’Arras (1025), cf. Mansi, Conciliorum amplis, colleclio, Florence, 1764, t. xix, col. 373, 423, a-t-il conclu trop vite que Bérenger renouvela leurs hérésies sur le baptême et le mariage, en même temps que leurs négations antieucharistiques. Nous savons, du reste, que l’aflaire des hérétiques d’Orléans avait eu sa répercussion dans l’école de Fulbert de Chartres. Cf. Clerval, Les écoles de Chartres au moyen âge, p. 132. Voir aussi Dollinger, Beitràge zur Scktengeschic/ite des Miltelalters, Munich, 1890, t. I, p. 71-72.

L’abbé Wolphelme de Brauweiler, P. L., t. cliv, col. 412, et Guitmond, De corporis et sanguinis Christi veritate in eucharislia, 1. III, P. L., t. cxi.ix, col. 1480, attribuent à Bérenger cette assertion que le Christ ressuscité n’entra pas auprès de ses apôtres januis clausis. Le même Guitmond, 1. I, col. 1429, parle, mais sans les spécifier, des impiétés assez nombreuses que Bérenger proféra.

II. l’eucharistie. — Il est certain que Bérenger nia la transsubstantiation. Nia-t-il également la présence réelle ? A peu près tous les théologiens répondent affirmativement, à la suite de saint Thomas, S uni. theoh, III a, q. lxxv, préambule de la question, et a. 1, qui, se demandant utrum in hoc sacramento (l’eucharistie) sit corpus Christi secundum veritatem, an soluni seàundum figuram vel sicut in signo, dit que Bérenger lut le premier à enseigner corpus et sanguinem Christi non esse i » hoc sacramento nisi sicut in signo. La plupart des historiens ecclésiastiques ont fait la même réponse, par exemple Noël Alexandre, Hist. eccles., Venise, 1778, t. vii, p. 213. D’autres, et non des moindres, r.ir exemple Mabillon (avec des réserves, cf. p. xxix), Acta sanct. ordinis S.Bettedicti, sa>c. vi, part. II, p.xxii xxxi, Martène etDurand, Thesauru snoims anecdotorum, Paris, 1717, t. IV, col. 101-102, Mansi, dans ses notes sur Noël Alexandre, loc. cit., p. 213-214, ont pensé que Bérenger ne combattit que la transsubstantiation. L’un des plus doctes théologiens sorbonistes, Witasse, Traclalus de augustissimo eucharislise sacramento, Paris, 1720, t. i, p. 431-439, croit que Bérenger varia sur la question de la présence réelle. La publication, en 1834, du De sacra corna de Bérenger a aidé à mieux connaître la pensée de l’hérésiarque. Or si, aux yeux de Franzelin, Traclalus de ss. eucharistise sacramento et sacri/icio, 2e édit., Home, 1873, p. 196, n. 2, cet écrit prouve que Bérenger rejeta la présence réelle, Gore, Dissertations on subjects connecled with the Incarnation, Londres, 1895, p. 256, voit, dans le De sacra cmna, l’affirmation de la présence réelle, sauf à préciser le sens où elle est admise. Dans un récent travail sur l’hérésie de Bérenger, dorn Renaudin conclut, L’université catliolique, nouv. série, Lyon, 1902, t. xl, p. 442, que & Bérenger a enseigné, le plus souvent, la présence figurative de Notre-Seigneur dans le sacrement de l’autel ; c’est donc à juste titre qu’on l’a nommé le précurseur des sacramentaires » .

Parmi ces divergences d’opinions, il importe de recourir aux textes originaux. Ils sont nombreux, et se composent des écrits de Bérenger, des actes des conciles réunis contre lui, des lettres de ses partisans et de ses adversaires, des traités consacrés à la réfutation de ses doctrines. Nous nous bornerons à citer les contemporains de l’écolàtre de Tours et, parmi eux, ceux-là seulement qui l’ont entendu ou lii, car il est difficile que la transmission des idées subisse sans dommage l’épreuve de la double distance des lieux et du temps. En outre, nous suivrons l’ordre chronologique, qui permet de iixer, s’il y a lieu, les variations doctrinales. Avant de passer en revue les textes principaux, deux points se présentent, qui sont en connexion étroite avec l’erreur antieucharistique de Bérenger : l’un est celui de sa philosophie, l’autre celui des autorités dont il se réclame.

La philosophie de Bérenger.

S’il n’a pas une

philosophie originale ou même tant soit peu complète, Bérenger a du goût pour la philosophie. Il est féru de dialectique ; il parle le langage d’Aristote et de Porphyre, et c’est en leur nom qu’il proteste contre les décrets des conciles. Hugues de Langres lui dit, P. L., t. CXLH, col. 1328, que, dès qu’il s’agit des mystères, « sa philosophie n’a qu’à s’en tenir à ce qui est écrit. » Guitmond expose, De corporis et sanguinis Christi veritate in eucharistia, 1. I, P. L., t. cxlix, col. 1433, 1434, que, pour acquérir le renom d’une science singulière, il affecta de donner aux mots des « sens nouveaux » et que, dans son enseignement sur l’eucharistie, il s’attacha « au témoignage des sens » et à ces « petites raisons » dont toutes les hérésies se prévalent. A Lanfranc, qui lui reprochait, De corpore et sanguine Domini, c. vii, P. L., t. cl, col. 416, l’abandon des autorités sacrées en matière de foi et le recours à la dialectique, mais qui, d’ailleurs, acceptait de le suivre sur ce terrain, Bérenger répondait avec chaleur : « Nul ne contestera, à moins d’être stupidement aveugle, que, dans la recherche de la vérité, la raison est incomparablement le meilleur des guides. Le propre d’un grand cœur est de recourir toujours à la dialectique ; y recourir, c’est recourir à la raison, et qui ne le fait pas renonce à ce qui l’honore le plus, car ce qui est en lui l’image de Dieu c’est sa raison. » De sacra cœna, p. 100 ; cf. p. 33, 102, sur Veminentia rationis, et la lettre à Adehnan, dans Martène et Durand, T hesaurus novus anecdotorum, t. IV, col. 113.

Ainsi Bérenger passe au creuset de la raison les données de la foi. Ouant à la raison, il la soumet aux sens et réduit toute connaissance à l’expérience sensible. Les