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BENOIT XII

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nam, ut contemplantes gloriam Dei, et cjus faciem intuentes, eum laudemus m selernum, ibid., col. 412 ; Serai., ccxxxx, c. v, où la vie que possèdent maintenant les martyrs, est appelée paria particula promissionis, imo solalium dilationis, P. L., t. xxxviii, col. 1283 ; Rat racial., 1. I, c. XIV, n. 2 : de sanctis hominibus jam defunclis, utrum ipsi saltem dicendi jam in illa possessions (beatitudinis) consisterc, merito quxritur. P. L., t. xxxii, col. G(J6.

A ses deux principales autorités, Jean XXII en ajoutait quelques autres : S. Fulgence, cité faussement sous lr nom d’Augustin, De fide ad Petrum, c. xliii, P. L., t. xl, col. 777 ; Cussiodore, In Ps. ci, 17 : videbitur in majestate sua, quando hsedos segregat ab agnis ; In Ps. xxiv, 12 : ad hue prsemia illa suspensa sunt, quæ nec oculus ridit, etc., P. L., t. lxx, col. 713, 180 ; S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, 1. IV, c. xxvii : anibo (l'âme et le corps) simul aut prsemiis aut pœnis af/icientur… Judicium post resurrectionem, ac merces operum, P. G., t. xciv, col. 1219, 1227 ; S. Bède, Explanatio Apocalypsis, vi, 11, P. L., t. xciii, col. 148 ; Hugues de Saint-Victor, De sacra/mentis christianse fidei, part. XVIII, c. xiv, xvi, P. L., t. clxxvi, col. 612, 61 i. Tous ces textes, très inégaux du reste sous le rapport de la clarté et de la valeur probante, tendaient à confirmer cette assertion fondamentale : Avant la résurrection des corps, les âmes séparées ne possèdent ni la vie éternelle, ni la béatitude proprement dite, ni par conséquent la vision béatitîque.

De cette doctrine découlait une conséquence que Jean XXII insinua dans son second sermon, et qu’il développa peu après, le 5 janvier 1332, veille de l’Epiphanie, en prêchant sur ce texte : Toile puerum et matrem ejus. Ce troisième discours n’est connu que par les extraits qu’en ont donnés Nicolas le Mineur, op. cit., fol. 255 b, et Occam, Compendium errorum Johanuis papse XXII, c. vil, imprimé à la suite du Dialogus magistri Guillenni de Œkam docloris famosissimi, L^on, 1494. Voici, d’après ces auteurs, comment le pape exprima la conséquence dont il s’agit : « Dieu, ai-je dit, n’est pas plus prompt à damner qu'à rétribuer ou à récompenser ; il ne damnera pas les méchants tant qu’il n’aura pas récompensé les bons. Mais nous avons vu qu’avant le jour du jugement, les bienheureux n’iront pas à la vie éternelle ; de mêmedonc, avant le jour du jugement, les méchants n’iront pas au supplice éternel, à l’enfer où il y aura des pleurs et des grincements de dents. » L’orateur appliquait ensuite cette doctrine aux démons, mais d’une façon encore plus absolue, grâce à ce raisonnement : « Ils ne pourraient pas nous tenter, s’ils étaient placés dans l’enfer. Il ne faut donc pas dire qu’ils sont en enler, mais bien dans cet air ténébreux, d’où il leur est loisible de nous tenter. » Tels sont les principaux sermons de Jean XXII sur l'état des âmes après la mort. Dans la suite il ne revint qu’en passant sur ce sujet dans ses prédications. Ainsi, en 1332, partant, le jour de la Purification sur ce texte : Slalim veniet ad templum sanctum suum, il énonça cette idée : Le Christ léguera jusqu’au jour du jugement, puis il cessera de régner comme homme, ce qui est imparfait cessant à ce moment, quia tune cessabit quod ex parte est ; alors les élus verront face à face le Dieu un etlrine. Enfin, le 5 mai 1334, en la fête de l’Ascension, le pape émit de nouveau les mêmes idées en développant ce thème : Astrndii iler pandens anle eos. Nicolas le Mineur, »ji. cit., lui. : ii » -2, 304.

Il est facile île voir par ce qui précède en quoi consistait exactement l’opinion de.ban XXII, mal présentée souvent par des ailleurs qui ne l’ont pas jugée pièces en main, ou défigurée par d’autres qui voulaient y trouver une arme contre 1 infaillibilité pontificale. Il ne s’agissait nullement de mettre en question l’immortalité de famé, comme l’a prétendu Calvin, ni de révoquer en

doute que lésâmes humaines, une fois séparées de leurscorps, sont immédiatement jugées et reçoivent un commencement de récompense au ciel ou de châtiment en enfer. Aussi Jean XXII n’a jamais fait appel, en faveur de son opinion, à ces anciens Pères, comme saint Justin, saint Irénée, Tertullien, Lactance et autres, qui, sous l’intluence des idées millénaristes, différaient le jugement des âmes ou leur entrée au ciel jusqu'à la fin du monde. Dans son second sermon, il a répété par deux fois et avec insistance, que les âmes pariaitement pures ou purifiées vont immédiatement au ciel : Ego id concedo, et hoc idem concedit B. Bernardus, quod ad patriam evolant prolinus, hoc est ad ceelum ; mais, ajoutait-il, il ne s’ensuit pas qu’elles voient la divinité lace à face, leur vue s’arrête à l’humanité du Christ, sed non sequitur propter hoc quod vident divinitateni visione faciali, sed humanitatem Ch>isti lantum, loc. cit., fol. 5 b. Qu’on apprécie dès lors la valeur historique de cetteaffirmation, avancée par M. Lea dans son Histoire de l’Inquisition aumoyen âge, trad. par S. Reinach, Paris, 1902, t. iii, p. 713 : » En octobre 1326, Jean XXII reconnut une hérésie, qu’il convenait d’extirper parmi les Grecs, dans le fait de croire que les saints n’entreront pas au paradis avant le jour du jugement ; mais, peu après, il changea d’opinion : son orgueilleuse confiance en son savoir théologique et en son érudition ne lui laissa pas de repos tant qu’il n’eût pas contraint la chrétienté à changer d’avis en même temps que lui. » Jean XXII ne changea nullement d’avis sur ce point, pas plus qu’il ne se mit en contradiction avec la profession de foi, qu’il avait imposée au roi d’Arménie ; car ce qu’il avait affirmé dans ces documents dogmatiques, c'était, pour les âmes justes, non la vision intuitive de Dieu, mais l’entrée immédiate au ciel, mox in cselum recipi, et pour les âmes pécheresses, la descente immédiate en enfer, mox in infernum descendere. Seul, ce dernier point pourrait faire quelque difficulté, à cause du sermon prononcé le 5 janvier 1332. Mais, pour comprendre exactement la pensée du pontife, il importe de se rappeler le parallélisme qu’il établit dans ce discours entre les bons et les méchants, sous le rapport de la récompense et du châtiment. Les deux ternies de ce parallélisme sont la vie éternelle et le supplice éternel ; la vie éternelle étant pour les bons la vision béatitîque, le supplice éternel étant pour les méchants la peine du feu, suivant ces paroles : Ite, maledicti, in igneni œternum. Par conséquent, ce que Jean XXIl différait jusqu’au jour du jugement pour les pécheurs, ce n'était pas la descente immédiate dans l’enfer, ni tout châtiment, mais seulement ce qu’il regardait comme constituant proprement le supplice éternel. Aussi, dans la préface de son traité De statu animarum, Benoit XII lait-il dire aux partisans de cette opinion : « Bien que ces âmes soient dans un état de souffrance, elles ne seront cependant placées dans le feu de l’enfer, qu’après avoir repris leur corps au jour de la résurrection générale, alors qu’elles entendront cette sentence de la bouche du Christ leur juge : Discedite a me, maledicti, in iyuem œtemum. » Raynaldi, op. cit., ann. 1335, n. 13, t. VI, p. 28. Cf. Villani, 1. X, c. ccxxvii, dans Muratori, op. cit., t. xiii, p. 739.

Ajoutons, et le point est important, que Jean XXII s’est posé dans ses sermons, non pas en pape qui parle ex cathedra, mais en docteur privé qui émet son opinion, luute opinionem, et qui, tout en cherchant à la prouver, la reconnaît discutable. Dans son second discours, on lit ces paroles, loc. cit., fol. 10 : Dico euni Augustino, quod si decipior hic, qui melius sapit corrigat me. Michi aliud mm videtur nisi ostenderetur determinatio eçclesie contraria vel auctoritates sacre scripiure qum hoc clarius dicerent quam dicant supradicta. Aussi, en face des franciscains schismatiques qui avaient intérêt à grossir les choses, le théologien