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la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés » (a. 14). Cet article, objet de tant et de si vives discussions, n’établit pas des droits absolus, mais seulement des droits politiques, puisqu’il réprime les délits ; il ne déclare pas tous les cultes également bons, également utiles à la société ; mais, comme la Constitution proclame la liberté individuelle, elle garantit à chacun la liberté de professer son culte et de manifester sa pensée. Les nombreux catholiques, qui faisaient partie du Congrès, savaient parfaitement que le culte catholique est le seul vrai, le seul qui procure le salut éternel ; leur but n’était pas de le mettre sur le même pied que les cultes juifs ou protestants ; mais ils voulaient empêcher le retour des vexations dont le culte catholique avait été l’objet sous le gouvernement néerlandais. Ce gouvernement avait en effet appliqué à la religion catholique les articles organiques du Concordat, réprouvés par le saint-siège, et soumis l’exercice public du culte, notamment les processions, aux règlements de police. Les catholiques voulaient que désormais aucune entrave ne pût être mise à l’exercice du culte catholique. Ils rejetèrent l’amendement suivant : < L’exercice d’aucun culte, hors des temples, ne peut être empêché qu’en vertu d’une loi. » En vertu de cet article de la Constitution l’exercice public du culte catholique, non seulement à l’intérieur de l’église, mais à l’extérieur, est entièrement libre ; les processions des rogations et du Saint-Sacrement, l’acte de porter solennellement le Saint-Sacrement aux infirmes et aux mourants, d’accompagner un convoi funèbre, ne sont soumis à aucune autorisation et ne peuvent être empêchés par aucune loi ni par aucune mesure préalable. La police locale ne peut pas plus, sous prétexte de la crainte d’un désordre éventuel, interdire l’exercice public d’un culte, qu’elle ne pourrait, sous le même prétexte, empêcher la publication d’un journal politique hostile aux ministres. Mais un ministre du culte qui, en chaire, calomnierait le gouvernement ou une personne privée serait passible des tribunaux.

La liberté de manifester publiquement ses opinions comme toutes les autres libertés, a ses limites dans le respect dû aux droits d’autrui. « Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos » (a. 15). En vertu de cet article on a retranché de la formule du serment judiciaire : « Ainsi m’aident Dieu et ses saints » le mot « saints » , parce que l’invocation des saints est un acte du culte catholique. « L’Etat n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication » (a. 16). Cet article a supprimé le placet royal avec toutes ses vexations. Dans la plupart des États modernes, sans excepter ceux où la religion catholique est, comme en Belgique, celle de l’immense majorité de la population, aucune encyclique, bulle, bref, rescrit, mandat, de la cour pontilicale, ne peut être reçu, publié et mis à exécution sans l’autorisation préalable du gouvernement. Le chef de l’État y nomme ordinairement les évéques, tandis que l’intervention du souverain pontife se borne à leur conférer ou refuser l’institution canonique. La Constitution belge supprime ces entraves. L’État n’intervient pas dans la nomination des ministres du culte : le pape nomme librement les évéques sans aucune intervention du gouvernement, et les évéques nomment les chanoines, les curés et les vicaires conformément aux lois canoniques. Cette disposition de la Constitution belge a toujours été fidèlement observée ; elle est pour la religion d’une valeur inappréciable et produit le plus grand bien. Mais d’un autre côté il n’j a plus de privilèges

pour les ecclésiastiques et les religieux ; ils doivent payer l’impôt comme tout le monde et sont soumis aux mêmes tribunaux. L’État accorde cependant aux prêtres l’exemption de la milice. « L’enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la répression des délits n’est réglée que par la loi. L’instruction publique donnée aux frais de l’État est également réglée par la loi » (a. 17). Cette décision du Congrès national n’a pas été moins favorable à l’Église que la précédente. Les catholiques belges n’ont pas tardé à profiter du pouvoir que leur donnait le Congrès. Dès 1831 ils ont érigé l’université’catholique de Louvain, qui s’est développée et compte aujourd’hui environ cent professeurs et deux mille étudiants et a peuplé la Belgique de magistrats, d’hommes politiques et d’avocats, de médecins et d’ingénieurs. Les loges maçonniques de leur côté ont créé l’université libre de Bruxelles avec le concours de la ville et de la province ; mais elles en sont demeurées là, tandis que les catholiques ont fondé l’enseignement à tous les degrés ; ils ont établi des grands et des petits séminaires, des collèges et des pensionnats dans toutes les villes, des écoles normales, des écoles primaires presque partout pour les garçons, des écoles et des pensionnats pour les tilles. Des congrégations religieuses se sont formées pour donner l’enseignement ; les jésuites se sont voués à l’enseignement moyen, les frères de la doctrine chrétienne à l’enseignement primaire. Tous les pensionnats de jeunes filles sont aux mains des religieuses. A peine compte-t-on quatre ou cinq pensionnats laïques. Les religieuses avec les institutrices qu’elles ont formées dirigent toutes les écoles primaires ; il n’y a guère que les écoles communales de Bruxelles et des trois grandes villes qui fassent exception. Les catholiques ont fait des sacrifices énormes pour l’enseignement à tous les degrés. L’université de Louvain coûte, à elle seule, aux catholiques environ cinq cent mille francs par an. Malgré les services qu’elle rend, particulièrement à la ville de Louvain, elle ne reçoit aucun subside ni de la ville ni de la province, tandis que l’université maçonnique de Bruxelles reçoit de ces deux sources le plus gros de ses revenus.

L’enseignement est une de ces matières mixtes qui intéressent à la fois l’Eglise et l’État. Il n’est pas de question où la bonne entente des deux pouvoirs soit plus nécessaire au bien de la société. Par suite des guerres l’enseignement avait été furt négligé. Le Congrès voulut qu’il fût réorganisé dans le nouveau royaume par de bonnes lois. C’est ce qui fut fait. L’État créa deux universités, l’une à Gand et l’autre à Liège, établit dans les villes des athénées et des collèges et organisa par la loi de 1842 l’enseignement primaire pour les deux sexes. La religion fit partie du programme.

La liberté des opinions demande la liberté de la presse pour les exprimer. L’opinion publique exaspérée par les tracasseries du gouvernement hollandais et inlluencée par les doctrines lamennaisiennes la réclamait impérieusement ; le gouvernement provisoire l’avait décrétée ; le Congrès statua : « La presse est libre ; la censure ne pourra jamais être établie » (a, 18). Comme pour les autres libertés, seuls les délits sont prohibés. Les catholiques n’ont pas profité de la liberté’de la presse comme de la liberté d’enseignement et jusqu’aujourd’hui ils n’ont su combattre assez efficacement l’action dissolvante et destructive des mauvais journaux et de la mauvaise presse sur la foi et les moins. Ils ont mieux profité de l’article’21) : « Les Belges oui le droil de s’associer ; ce droil ne peut « Mie soumis à aucune mesure préventive. » Cet article abolit l’article 29 du code pénal de 1810 et sanctionne l’arrêté du gouvernement provisoire portant : « Il est permis aux citoyens de s’associer, comme ils l’entendent, dans un but politique,

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