Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée
531
532
BÉGHARDS, BÉGUINES HÉTÉRODOXES


réclames de l’autorité de l’illustre dominicain, et que cela n’ait pas été étranger aux démêlés d’Eckart avec l’Inquisition. Cf. VV. Preger, Meister Eckart utid die Inquisition, Munich, 1869. Des provinces rhénanes où ils étaient persécutés, les béghards se réfugièrent en Thuringe, en Hesse, dans la Saxe inférieure. À Metz, en 1331, des béghards furent livrés au bûcher pour leurs théories sur la valeur de la pauvreté volontaire. Il y eut une recrudescence de l’hérésie au commencement du pontificat d’Innocent VI ; le pape en profita pour tenter d’introduire en Allemagne l’Inquisition pontificale (1353). En 1356, le béghard Berthold de Rohrback, précédemmentarrêtéà Wurzbourg et relâché après une rétractation, est saisi à Spire où il propage ses doctrines, et condamné au supplice du feu. Guillaume de Gennep, archevêque de Cologne, constate les progrès des béghards, au synode de 1357, et s’occupe de les entraver. En 1367, à Erfurt. a lieu l’interrogatoire du béghard Jean Hartmann ; le document qui nous l’a transmis, comme celui qui nous a conservé la confession antérieure du béghard Jean de Brùnn, est des plus instructifs. En 1369, après diverses tentatives partiellement infructueuses, l’Inquisition papale « se trouva pour la première fois organisée et dotée d’une existence réelle en Allemagne, à l’heure même où elle tombait en désuétude dans les pays qui l’avaient vu naître » . Lea, Histoire de l’Inquisition, trad. Reinach, t. ii, p. 464. Les 9 et 10 juin, l’empereur Charles IV lança deux édits qui assuraient un plein concours aux inquisiteurs et mettaient au ban de l’empire les sectaires béghards et béguines. On rendit la vie dure aux béghards ; on brûla leurs livres écrits en langue vulgaire et l’on pourchassa les personnes. Vers la fin du XIVe siècle, les béghards se raréfient. Des exécutions sont signalées, par les chroniqueurs, à Erfurt, en 1392, à Cologne, en 1393. A Bàle, en 1411, les associations des béghards sont dissoutes. Le concile de Constance défend aux seigneurs temporels de prendre sous leur protection les communautés de béghards et de béguines, dont la conduite serait suspecte, et d’empêcher les prélats de les visiter. En revanche, le dominicain Mathieu Grabon, qui attaque vivement les frères de la vie commune institués par Gérard de Groote, les béghards et les béguines et, d’une façon générale, toutes les associations distinctes des anciens ordres religieux et dans lesquelles on ne fait point les trois vœux monastiques, est condamné le 20 mai 1419. Le pape Eugène IV, à son tour, en 1431, intervient en faveur des béghards et des béguines orthodoxes, injustement persécutés ; ceci lui vaut l’indignation du pamphlétaire Félix Hemmerlin, de Zurich, lequel, entre autres choses, explique la manière d’agir du pontife romain en affirmant qu’il a lui-même jadis été un béghard à Padoue. En Suisse, dans le Wurtemberg, en Souabe, çà et là, des béghards hérétiques furent encore exécutés. Le béghardisme, diminué mais tenace, survécut à tous les mauvais traitements et alla se perdre dans le protestantisme.

IL Doctrines. — Les béghards et les béguines hérétiques se rattachent aux frères du libre esprit, dont il est permis de croire, « sans qu’on puisse l'établir d’une manière irréfutable, » que les doctrines théoriques « procèdent directement des idées d’Amaury de Bène et de ses disciples, et, par leur intermédiaire, du panthéisme de Scot Érigène » . Delacroix, Essai sur le mysticisme spéculatif en Allemagne au xive siècle, p. 132. Les frères du nouvel esprit, comme on les appela dès le commencement, c’est-à-dire au xiiie siècle, ou du libre esprit, comme on les nomma au xive siècle, admirent l’identité de la créature et de Dieu. Ils en tirèrent cette conclusion que Dieu agit dans l’homme, que dans toutes les œuvres de l’homme qui est arrivé à la conscience de son unité avec Dieu, l’esprit apporte la vie et la sainteté, et qu’ainsi l’homme est libre, dégagé de toute loi, impeccable quoi qu’il fasse. Jusqu’où les frères du libre es prit tirèrent les conséquences immorales de ces théories, c’est ce que nous n’avons pas à rechercher pour le moment. Voir Frères du libre esprit.

La secte du libre esprit troua, pour se répandre, un merveilleux véhicule dans les associations des béghards et des béguines. « Gens incultes pour la plupart, mendiants et vagabonds, ils étaient facilement gagnés à des doctrines qui séduisaient leur imagination, et cela d’autant plus qu’ils les comprenaient moins ; ce qui les attirait plus encore que la métaphysique, c'étaient les principes et les promesses communistes. » Ch. Schmidt, Précis de l’histoire de l’Eglise d’Occident pétulant le moyen âge, Paris, 1885, p. 282. Dans les griefs formulés contre les béghards, en 1306, par Henri de Virnebourg, archevêque de Cologne, apparaît déjà le fond du système : ils disaient agir par l’esprit de Dieu et n'être point soumis à la loi, ajoutant qu’on ne pouvait se sauver que chez eux, et que la simple fornication n’est pas un péché. Cf. J.-L. Mosheim, De beghardis et beguinabus commentarius, Leipzig, 1790, p. 211-219. Pareillement, Marguerite Porete enseigna que l'àme, absorbée dans l’amour divin, peut et doit, sans péché et sans remords, accorder à la nature tout ce qu’elle désire. Cf. les continuateurs de Guillaume deXangis, dans l'édition delà Chronique de Guillaume de Nangis publiée par H. Géraud, Paris, 1843, t. i, p. 379. Au concile de Vienne, les doctrines des béghards et des béguines apparurent sous une forme plus complète. Deux des Clémentines leur sont consacrées. La première, 1. III, tit. xi, De religiosis domibus ut episcopo sint subjectw, c. i, se borne à dire des béguines qui sont condamnées qu’elles se livrent à des discussions sur la Trinité et l’essence divine, et que, sur les articles de la foi et les sacrements de l'Église, elles introduisent des opinions contraires à la foi catholique. La seconde, 1. V, tit. iii, De hmreticis, c. ii, énumère les erreurs professées par les béghards et les béguines ; elles sont au nombre de huit. Cf. Denzinger-Stahl, Enchiridion symbolorum et definitionum, 9e édit., Wurzbourg, 1900, n. 399-406.

L Quod homo, in vita præsenti, tantum et talem pertectionis gradum potest acquirere quod reddetur penitus impeccabilis et amplius in gratia proficere non valebit, nam, ut dicunt, si quis semper posset proficere, posset atiquis Christo perfectior inveniri.

2. Quod jejunare non oportet hominem nec orare, postquam gi’adum perfectionis hujusmodi fuerit assecutus, quia tuncsensualitas est itaperfecte sph’itui et rationi subjecta quod homo potest libère corpori concedere quidquid placet.

3. Quod ilti, qui sunt in prædicto gradu perfectionis et spiritu libertatis, non sunt humanas subjecti obedientise, nec ad aliqua præcepta Ecclesiæ obligantur quia, ut asserunt, ubi spiritus Domini ibi libertas.

4. Quod homo potest ita finalem beatitudinem, secundum omnem gradum perfectionis, in pra : senti, assequi sicut eam in vita obtinebit beata.

5. Quod quælibet intellectualis natura in seipsa naturaliter est beata, quodque anima non indiget lumine glorias ipsam élevante ad Deum videndum et eo béate fruendum.

C. Quod se inactibus exerceie

1. L’homme, en cette vie, peut acquérir un si grand et tel degré de perfection qu’il devienne tout à tait impeccable et ne puisse plus croître en grâce, car, disent-ils, si quelqu’un pouvait toujours progresser, il pourrait devenir plus parlait que Jésus-Christ.

2. Il ne faut pas que celui-là jeûne ou prie qui aura atteint ce degré de perfection, parce que, dans cet état, les sens sont assujettis à l’esprit et à la raison si parfaitement quel’homme peut librement accorder au corps tout ce qui plait.

3. Ceux qui sont parvenus a ce degré de perfection et à cet esprit de liberté ne sont plus assujettis à l’obéissance humaine, ni obligés d’accomplir les préceptes de l'Église, car, disent-ils, où est l’esprit du Seigneur là est la liberté.

4. L’homme peut atteindre, dans cette vie, la béatitude finale, au point d’obtenir le même degré de perfection qu’il aura dans la vie béatitîque.

5. Toute nature intellectuelle est naturellement bienheureuse en elle-même, et l’homme n’a pas besoin de la lumière de gloire pour s'élever à la vision et à la jouissance béatiliquc de Dieu.

G. S’exercer aux actes des