Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée
523
521
BECANUS — BEDE LE VÉNÉRABLE


sieurs écrivains catholiques. Le réformateur y donne pour instruction à ses partisans « de tuer les jésuites ou, si cela ne se pouvait aisément, de les exiler, et en tout cas de les accabler sous les mensonges et les calomnies » . On ne trouve rien de semblable dans les écrits de Calvin, bien qu’ils contiennent d’ailleurs l’expression d’une vive rancune contre les jésuites. Voir Institution chrestienne, 2e édit. donnée par Calvin, Genève, 1559, p. 388. Des protestants ont donc accusé Becanus d’avoir calomnieusement prêté ce dire atroce à Calvin. Il est vrai que, parmi les Aphorismes calvinistes, opposés par Becanus comme juste rétorsion aux Aphorismi doctrinse jesuitarum et aliorum aliquot pontificiorum doctorum, libelle calviniste largement répandu en lalin, en français et en anglais, on rencontre cet Aphorismus XV : Jesuitae vero qui se maxime nobis opponunt, aut necandi, aut si id commode fieri non potest, ejiciendi, aut certe mendaciis ac calumniis opprimendi sunt ; mais Becanus ne le donne nullement comme une citation ou une assertion de Calvin ou d’un auteur calviniste. En réalité, il ressort du titre même qu’il a donné à son écrit : Aphorismi doctrinse calvinistarum, exeorum libris, dictis et FACTis collecti, cum brevi responsione ad Aphorismos falso jesuitis impositos, et surtout de la manière dont il développe chacun de ces « aphorismes » , qu’il a prétendu seulement y formuler les principes que les calvinistes de son temps professaient explicitement ou implicitement ou du moins suivaient en pratique. Qu’ils se conduisissent réellement à l’égard des jésuites comme s’ils avaient eu pour mot d’ordre le « xve aphorisme » , Becanus le prouve par des faits incontestables. Becanus, Opuscula théologien, in-fol., Paris, 1642, p. 233. Sur la « fausse citation » de Calvin voir A. Sabatier, Calvin, Pascal, les jésuites et M. F. Brunetière, dans le Journal de Genève, 26 janvier 1896, ou Revue chrétienne, 1 er mars 1896, p. 161 ; J. Brucker, Calvin, les jésuites et M. A. Sabatier, dans les Études, 15 avril 1896, p. 683 ; A. Sabatier, Histoire d’une fausse citation, Réponse au P. Brucker, dans le Journal de Genève, 10 mai 1896 ; Revue chrétienne, 1 er juin 1896, p. 457 (M. Sabatier reconnaît s’être trompé en supposant que Becanus « donnait ses aphorismes comme tirés textuellement des œuvres de Calvin » ) ; J. Brucker, Observations sur une réponse de M. A. Sabatier, dans les Études, 15 juillet 1896, p. 511. Mentionnons, pour finir, un petit ouvrage de Becanus se rapportant à l’Écriture sainte : Analogia Veteris et Novi Testamenti, in- 12, Mayence, 1623, souvent réédité, encore dans le Scripturse S. cursus de Migne, t. ii, col. 9-336.

Pour la liste détaillée des ouvrages de Martin Becanus, voir De Backer et Sommervogel, Bibliothèque de lu C" de Jésus, t. i, col. 1C91-1111 ; t. viii, col. 1789-1790. Cf. Hurter, Nomenclator literarius, 2.’édit., t. I, p. 293-294 ; Stanonik, dans le Kirehenlexikon, 2’édit., t. ii, col. 161-162 ; Werner, dans l’Allgemeine deutscite Biographie, t. vi, p. 199-200 ; E. Colmans, dans la Biographie nationale (de Belgique), t. il, p. 70-71. Sur les rapports de Becanus avec son impérial pénitent, voir B. Dudik, O. S. B., Korrespondenz Kaisers Ferdinand H und seiner erleuchten Familie mit den kaiserlichen Beichtvdtern P. Martinus Becanus und P. W. Lamormaini S. J., dans Archiv fur osterreichische Geschichte, Vienne, 1877, t. uv, p. 226 sq., 258 sq.

Jos. Brucker.

    1. BEDE LE VÉNÉRABLE##


BEDE LE VÉNÉRABLE. - I. Vie. II. Ouvrages. III. Influence.

I. Vie.

Bède, le plus grand personnage intellectuel de son pays et de son siècle, l’émule des Cassiodore et des Isidore de Séville, naquit en 673, à Jarrow, sur les terres de l’abbaye de Wearmouth, dans le Northumberland. Orphelin, il fut confié, dès l’âge de sept ans, par ses proches au saint et savant abbé de Wearmouth, Benoit Biscop. Mais, trois ans après, celui-ci confia l’enfant à son coadjuteur Ceolfrid, qui allait fonder avec quelques religieux, près de l’embouchure de la Tyne, la colonie de Jarrow. C’est là que Bède reçut, à dix-neuf ans,

DICT. DE TIIÉOL. U.TI10L.

le diaconat et, à trente ans, la prêtrise des mains de saint Jean de Beverley. C’est là qu’élève tour à tour et maître, il passa, sauf les voyages nécessités par ses études, le reste de sa vie, au milieu de ses confrères et de la foule des disciples qu’attirait sa renommée, en relations familières, sinon intimes, avec ce que l’Angleterre avait de plus grand et de meilleur, Ceowulf, roi des Northumbriens, saint Acca, évoque d’Hexham, Albin, le premier abbé anglo-saxon du monastère de Saint-Augustin à Cantorbéry, l’archevêque d’York, Egbert, etc., sans autre récréation que le chant quotidien du chœur, sans autre plaisir, à ce qu’il dit lui-même, que d’apprendre, d’enseigner et d’écrire. Bède mourut à Jarrow, en odeur de sainteté, le 27 mai 735 ; ses reliques, dérobées au xie siècle et transportées à Durham, pour être réunies à celles de saint Cuthbert, n’échappèrent pas, sous Henri VIII, à la profanation générale des ossements des saints de la Northumbrie. La voix populaire, en saluant Bède, au ixe siècle, du nom de Vénérable, l’avait canonisé. Par un décret du 13 novembre 1899, Léon XIII l’a honoré du titre de docteur et a étendu sa fête à toute l’Église, en la fixant au 27 mai, jour de sa mort. Canoniste contemporain, 1900, p. 109-110. Cf. Analecta juris ponti/icii, Rome, 1855, t. i, col. 1317-1320.

IL Ouvrages. — A la sincérité, à l’ardeur de la foi chrétienne, Bède allie, comme plus tard Alcuin, l’admiration, le goût, dirai-je le regret de la littérature classique. Saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire le Grand, lui sont très familiers ; mais Aristote, Hippocrate, Cicéron, Sénèque et Pline, Lucrèce, Virgile, Ovide, Lucain, Stace, reviennent aussi dans sa mémoire. Il est théologien de profession ; mais l’astronomie et la météorologie, la physique et la musique, la chronologie et l’histoire, les mathématiques, la rhétorique, la grammaire, la versification le préoccupent vivement. C’est un moine, un prêtre, la lumière de l’Église contemporaine ; mais c’est en même temps un érudit, un lettré. L’humble moine de Jarrow maniait également le vers et la prose, l’anglo-saxon et le lalin ; et nul doute qu’il ne sût le grec.

Vers.

Les œuvres poétiques de Bède sont, relativement,

de peu de valeur. Dans la liste que Bède a rédigée lui-même, Hist. eccl., 1. V, c. xxiv, P. L., t. xcv, col. 289-290, trois ans avant sa mort, de ses quarante-cinq ouvrages antérieurs, il mentionne deux recueils de poésies, un livre d’hymnes, les unes métriques, les autres rythmiques, et un livre d’épigrammes. Le Liber epigrammatum est perdu ; quant aux hymnes qui ont trouvé place dans les éditions de Bède, P. L., t. xciv, col. 606-638, l’authenticité en est contestée. Un Martyrologe en vers, attribué à Bède, est tenu pareillement pour apocryphe, lbid., col. 603-606. Le poème Vilametrica sancti Cuthberli episcopi Lindisfarnensis, ibid., col. 575-596, témoigne, sinon du génie poétique de l’auteur, du moins de son goût et de sa rare culture d’esprit. Bède nous a conservé, en l’insérant dans son Histoire, 1. IV, c. xx, P. L., t. xcv, col. 204-205, l’hymne métrique, hymnus virginitatis, qu’il avait dédié à la reine Etheldrida, l’épouse vierge d’Egfrid, un bienfaiteur insigne de l’abbaye de Wearmouth. Des vers anglo-saxons de Bède il ne nous reste rien, hormis les dix vers qu’un de ses disciples, témoin oculaire de ses derniers jours, avait recueillis sur les lèvres du moribond.

Prose.

Bien autre est l’importance de ses ouvrages

en prose. On peut les diviser en quatre classes : 1. œuvres théologiques ; 2. œuvres scientifiques et littéraires ; 3. œuvres historiques ; 4. lettres.

1. Les œuvres théologiques de Bède, avant que la théologie chrétienne n’eût revêtu le caractère et la forme d’une vaste synthèse, ne pouvaient guère être que des études d’exégèse sacrée. De fait ce sont, ou des commentaires sur divers livres de l’Écriture, ou des dissertations soit sur quelques parties isolées, soit sur quelques

IL - 17