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BÉATITUDE — BÉATITUDES ÉVANGÉLIQUES


reux, à leur impeceabilité (voir Ciel, Corps glorieux), t sur la nécessité de la grâce et du mérite pour parvenir à la béatitude (voir ces mots), enfin la question de la béatitude imparfaite ou naturelle, son existence, sa nature et sa licéité. Voir Bien. Salmanticenses, op. cit., tr. IX, disp. II-VI, t. v, p. 273-399.

A partir du milieu du xviie siècle, époque des Salmanticenses, nous ne trouvons aucun ouvrage qui ajoute un élément théologique important à la doctrine de la béatitude. Les orateurs chrétiens, Bossuet, etc., exploitent le fonds commun fourni par la tradition ; les théologiens scolastiques divisent et classifient, mais n’innovent pas. Les auteurs de théologie positive enregistrent des textes. Petau, Dogmata theol., De Deo, 1. VII, c. v, vin, Paris, 1865, t. i, p. 595, 579 ; Thomassin, Dogm. theol., dont la table par Ecalle, Paris, 1872, offre une bibliographie assez complète au mot Béatitude-. Le principal effort que l’on constate est un effort philosophique, auquel contribuent presque tous les grands noms de la philosophe moderne et contemporaine, mais ces systèmes relèvent directement de la philosophie. Exceptons Pascal qui, dans ses Pensées, conserve son rôle théologique à l’appétit de la béatitude, inspiré sans doute, en cela, par saint Augustin.

Vil. Décisions canoniques. — A l’endroit de l’objet de la béatitude, il faut noter les propositions 38e et 40° de Bosmini, faisant consister la béatitude dans la vision de Dieu en tant que créateur, condamnées en 1887 ; les erreurs des Arméniens sur la vision béatifique condamnées par Benoit XII. Voir Benoit XII. Au sujet de la nécessité du secours divin pour acquérir la béatitude surnaturelle, signalons la proposition 5e du concile de Vienne (1311) contre les béghards et les béguines, les propositions 3e, 4e, 5e, 11e, 21e de Baius, condamnées en 1567, 1579 et 1641, par lesquelles la béatitude surnaturelle est attribuée aux forces naturelles de l’ange et de l’homme. Voir col. 14 sq. Le concile du Vatican, De fide, c. il, Denzinger, p. 387, n. 1635. — Au sujet de l’acte béatificateur, la proposition 10e d’Eckart prétendant qu’il consiste dans une unité substantielle avec Dieu (1329). — Au sujet de la nécessité des mérites pour la béatitude parfaite, le concile d’Orange, 529, can. 1, 7 et conclusion, les propositions 2e, 4% 5e, 11e, 13e de Baius.

— Au sujet du degré de béatitude parfaite correspondant aux dispositions méritoires, les protessions de foi imposées aux Grecs par Grégoire XIII, aux Orientaux par Benoit XIV, le décret du concile de Florence pour l’union des Arméniens, le canon 32 de juslificatione, concile de Trente, sess. VI ; cf. Denzinger, Enchiridion, Wurzbourg, 1900.

Nous avons cité à propos de chaque section l’essentiel de la bibliographie du sujet. Nous ajouterons quelques références d’ouvrages appartenant à des ensembles de questions morales où la question de la béatitude est abordée : V. Cathrein, S. J., Moralphilosophie, 3’édit., Fribourg-en-Brisgau, 1892, 1. 1, qui renvoie à une abondante littérature (comme d’ailleurs Bardenhewer et Uberwegs-Heinze déjà cités) ; A. Stockl, Lehrbuch der Philos., 7’édit., Mayence, 1892, t. m ; Cathrein, Philos, mor., 4’édit., Fribourg-en-Brisgau, 1902 ; Gutberlet, Ethik und Naturrecht, 3’édit., Munster, 1901 ; Y. Schneider, Gôttliche Weltordnung und religionslose Sittlichkeit, Paderborn, 1900 ; A. M. Weiss, O. P., Apologie, 3’édit., 1894, t. i ; Paulsen, System der Ethik, Berlin, 1900, t. i ; M. A. Janvier, O. P., Le fondement de la morale : la béatitude, Paris, 1903, etc.

A. Gardeil.

    1. BÉATITUDES ÉVANGÉLIQUES##


2. BÉATITUDES ÉVANGÉLIQUES. Les quatre béatitudes évangéliques rapportées par saint Luc, vi, 20-22, et les huit béatitudes rapportées par saint Matthieu, v. 1-8, ont suggéré à saint Ambroise et à saint Augustin l’idée de les rattacher respectivement aux quatre vertus morales et aux sept dons du Saint-Esprit (la huitième béatitude n’étant qu’un résumé des premières). Les docteurs ont donc considéré les œuvres évangéliques qui y sont glorifiées comme des actes spéciaux, soit des

vertus, soit des dons, et les récompenses comme appropriées aux mérites des vertus et des dons. Saint Thomas a synthétisé ces données et les a fait entrer dans l’organisme de sa psychologie surnaturelle.

1° Saint Ambroise, Exposit. Evang. sec. Luc, 1. V, n. 62-63, P. L., t. xv, col. 1653, considérant, dit saint Thomas, que les béatitudes, Luc., vi, 19, ont été adressées aux foules, les rapporte aux vertus morales qui sont l’apanage de tous, tandis que saint Augustin, toujours d’après saint Thomas, Suni. theol., I a, II*, q. lxix, a. 1, ad l um, exposant les béatitudes que N. S. adresse à ses disciples (tanquam perfeclioribus) les aurait rattachées aux dons du Saint-Esprit. Les œuvres de vertu signalées dans la première partie des béatitudes de saint Luc sont donc bien les œuvres des vertus morales. La pauvreté se rapporte à la tempérance qui s’abstient des plaisirs ; la faim à la justice, car celui qui a faim compatit, et compatissant donne généreusement, et ainsi devient juste ; les pleurs à la prudence, qui pleure l’instabilité des choses terrestres ; le support de la haine des hommes à la force. Ambroise, loc. cit., n. 64-67. Selon saint Ambroise, enfin, les récompenses des béatitudes se rapportent à la vie future. Ambroise, loc. cit., n. 61. Ct.Sum. theol., I a II*, q. lxix, a. 2, 3, ad 6um.

2° Saint Augustin, De serm. Dom. in monte, 1. I, c. iv, P. L., t. xxxiv, col. 1234, pour justifier le rapprochement qu’il se propose de faire, commence par établir que l’énumération des dons dans Isaïe, xi, 2, 3 (traduction de la Vulgate) commence par les dons les plus élevés et descend graduellement jusqu’au moins digne, la crainte (c’est bien l’ordre qui convient à la plénitude de dons du Messie, remarque saint Thomas) : les béatitudes, au contraire (renfermant les actes proposés à des hommes qui montent vers la perfection), suivraient l’ordre inverse et correspondraient aux dons de telle sorte que la première répondit au dernier don énuméré dans Isaïe, la seconde au sixième, … la septième au premier.

— Quant aux récompenses, elles ne sont que des aspects divers de la première : le royaume des cieux. Ces aspects sont eux aussi appropriés aux dons. Ils désignent d’ailleurs des récompenses qui sont accordées dès cette vie aux saints, et qui l’ont été de fait, estime-t-il, aux apôtres.

3° Saint Thomas se rallie à l’exposition de saint Augustin et ne mentionne qu’en passant celle de saint Ambroise. On peut résumer sa doctrine en ces quatre points :

1. Le Saint-Esprit, tête de toute l’organisation surnaturelle du juste dans lequel il réside par la grâce et la charité, peut intervenir dans les actes humains en deux manières : en passant par l’intermédiaire de la raison (dérivation de la loi éternelle) ou, directement, par des inspirations qui ne relèvent que de sa personne. Les mœurs humaines surnaturalisées sont donc dépendantes de deux régies subalternées. Pour que cette dépendance soit connaturelle et s’exerce avec facilité, des habitudes morales sont indispensables : ce sont les vertus morales infuses qui rendent l’homme disposé à agir selon la raison, sa règle intérieure, elle-même influencée par la grâce et la charité ; ce sont aussi les dons qui rendent l’homme disposé à recevoir les inspirations du Saint-Esprit. Voir Dons. Lorsque le juste, cédant à une grâce actuelle, se résout à exercer les actes qui correspondent aux dons, il se met directement sous l’inllux du Saint-Esprit, et de cet inllux ou inspiration résultent les actes dénommés par saint Thomas, béatitudes. Hum. theol., Ia-IIæ, q. lxviii, lxix, a. 1, 2 a obj. Ces actes ne diffèrent donc pas spécifiquement des actes des vertus, mais seulement quant à la manière dont ils sont produits et, secondairement, par un degré de perfection objective plus élevé dû à ce qu’ils procèdent directement d’une régulation divine.

2. Les récompenses qui sont notées dans la soconde partie des béatitudes évangéliques peuvent concerner la vie future, mais elles peuvent aussi s’entendre de la