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BÉATIFICATION


a latere. Il n’appartient pas davantage aux assemblées, quelle que soit leur autorité ou leur importance ; et il ne rentre dans les attributions, ni du sacré collège, ni même des conciles généraux, pendant la vacance du saint-siège.

IV. LE PATE EST-IL INFAILLIBLE, EN PRONONÇANT DES

béatifications ? — Presque tous les auteurs s’accordent à dire que, dans les béatifications, même formelles, le jugement du souverain pontife n’est pas infaillible et ne toucbe pas à la foi. La vérité de cette assertion est démontrée par un raisonnement fort simple. L’infaillibilité pontificale ne s’exerce que par des définitions qui s’imposent à la foi de tous les chrétiens. Une définition, qu’elle concerne un point de doctrine ou de morale, ou même un fait dogmatique, renferme donc un précepte rigoureux. Or, dans la béatification même formelle, il n’y a pas de précepte : c’est une simple permission. En outre, ce n’est pas un acte définitif ; mais seulement un acte préparatoire, un acheminement vers une décision ultérieure, qui sera la conclusion dernière de cette affaire. Il n’y a donc là aucune des circonstances qui, selon l’avis unanime des théologiens, doivent accompagner une sentence prononcée ex cathedra, définissant et prescrivant.

Une autre preuve évidente que les souverains pontifes eux-mêmes ne considèrent pas comme infaillible leur jugement porté dans les béatifications, c’est que, lorsqu’il s’agit de procéder à la canonisation, ils veulent que la S. C. des Rites soumette à un nouvel examen les vertus, ou le martyre, et les miracles déjà approuvés dans le précédent procès terminé par la béatification. Auparavant, et jusqu’à Clément IX, cet examen se faisait, dès que l’on reprenait la cause, en vue de la canonisation. De nos jours, quoique la procédure ait changé dans quelques détails, elle reste la même substantiellement. Ce nouvel examen ne se fait plus dès la reprise du procès, mais beaucoup plus tard, après que la S. C. des Rites, ayant approuvé les nouveaux miracles qui ont suivi la béatification, a résolu favorablement, dans une assemblée générale où tous les cardinaux sont appelés à voter, le doute an luto deveniri possil ad canonizalionem. A ce moment, tout paraîtrait fini. Au contraire, tout recommence. La cause est de nouveau examinée dans son entier, et le pape réclame, une fois encore, le suffrage des cardinaux. A moins de regarder cette dernière phase du procès comme une pure formalité ou une cérémonie accidentelle, ce qui ne saurait être admis, selon Benoit XIV, op. cit., 1. I, c. xlii, n. 10, il faut bien conclure que les souverains pontifes eux-mêmes ne considèrent pas comme infaillible et touchant la foi leur sentence précédemment portée dans l’acte de la béatification, car ce qui est une fois défini n’est jamais plus soumis à un jugement ultérieur.

Néanmoins, on ne pourrait excuser de témérité grave celui qui prétendrait que le pape s’est trompé dans telle ou telle béatification, et qui, de sa seule autorité privée, réprouverait un culte que le chef de l’Église aurait approuvé, ne serait-ce que tacitement.

En effet, quoique le pape n’ait pas eu l’intention de porter une sentence définitive, dans la plénitude de sa puissance apostolique, il n’en a pas moins agi avec une grande sagesse et une extrême prudence, même dans la béatification équipollente. Si son jugement n’est pas infaillible et n’engage pas la foi, il émane cependant de la plus haute autorité qui soit sur la terre, et il est certain d’une certitude morale. Ce n’est pas sans de fortes preuves que le souverain pontife s’est déterminé. La béatification formelle a été précédée d’un long et rigoureux procès. D’autre part, la béatification équipollente a été accordée en considération d’une réputation de sainteté basée sur des fondements très sérieux, et qui a résisté à l’action destructive des siècles. Toutes ces circonstances réunies forment ensemble un faisceau de

preuves, dont nul n’a le droit de méconnaître la valeur. Sans doute, même avec ces garanties si fortes, une erreur est parfois possible ; mais de la seule possibilité il serait illogique et présomptueux de conclure à la réalité du fait lui-même, car, selon l’expression de Benoit XIV, loc. cit., n. 9, nec enim ex erroris possibilitate valet illatio ad ipsum errorem. Il y aurait donc une coupable témérité à s’inscrire en faux contre un jugement si respectable du pouvoir suprême, même quand il ne définit pas et qu’il se borne simplement à permettre.

V. Effets de la. béatification. — Nous avons déjà dit que la béatification n’autorise qu’un culte restreint. Cette restriction doit s’entendre et des lieux auxquels s’étend ce culte, et des actes par lesquels il se manifeste. Ce culte diffère selon les cas, et la première obligation en ceci consiste à s’en tenir rigoureusement aux termes des induits particuliers. Décréta authentica S. C. Rit., n. 942. En dehors des prescriptions spéciales, la matière est régie par un décret général de la S. C. des Rites, du 27 septembre 1659, confirmé par Alexandre VII. Décréta authentica, n. 1130, Rome, 1898, t. I, p. 231232. En voici les principales clauses : 1° Le nom des bienheureux ne doit pas être inscrit dans les martyrologes, ni dans les calendriers des localités ou des ordres religieux. 2° Leurs images, tableaux, statues ne peuvent, sans une permission expresse du saint-siège, être exposés publiquement dans les églises, oratoires et chapelles. Si un induit permet de les fixer aux murs intérieurs des églises, on n’est pas autorisé pour cela à les placer sur les autels, à moins que l’induit ne concède en même temps la célébration de la messe. Cf. n. 1097, 1156, 1162. La permission de solenniser leur fête, ou de leur dresser des autels, n’entraîne pas celle de réciter leur office ou de célébrer la messe en leur honneur. 3° Leurs reliques ne doivent pas être portées en procession, à moins que la récitation de leur office et la célébration de la messe ne soient permises. 4° On ne peut, sans induit, les choisir comme patrons ou titulaires des églises, et, si cette autorisation est accordée, leur fête néanmoins ne comporte pas d’octave. Cf. n. 2353. 5° Enfin, leur office ou leur culte, concédé pour un lieu, ne peut pas, sans induit, être étendu à un autrei D’autre part, leurs noms ne doivent pas être inscrits au martyrologe romain. Décréta, n. 1651.

Le principal auteur à étudier, et celui qui fait le plus autorité en ces matières, est évidemment Benoit XIV, De servorum Dei beatifleatione et beatorum canonizatione. Cet ouvrage a eu de nombreuses éditions : Rome, 1747, 1783 ; Venise, 1767 ; Bologne, 1734 ; Naples, 1773, etc. Voir surtout les deux premiers livres.

Pour les béatifications dans l’antiquité chrétienne et au moyen âge, consulter Mabillon, Acta sanctorum ordinis S. Benedicli in sxculorum classes distributa, 9 in-fol., Paris, 1668-1702 ; Venise, 1733. (Cette dernière édition, quoique plus récente, et faite après la mort de l’auteur, est moins estimée.) Chaque volume est précédé d’une préface, vrai chef-d’oeuvre d’érudition et de méthode. Les coutumes du moyen âge y sont mises en lumière et beaucoup de points obscurs y sont éclaircis. Cet ouvrage est complété par les Annales ordinis S. Benedicti, in quibus non modo res monastiese, sed etiam ecclesiasticæ historiée non minima pars conlinetur, 6 in-fol., Paris, 1703-1739 ; Lucques, 1736.

Enfin, pour tout ce qui concerne le vaste sujet des béatifications, on lira avec fruit les grands canonistes : Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. III, tit. xlv, § 1, Naples, 1738, t. iii, p. 483, réédité à Rome en 1845, et jouissant toujours d’une grande autorité auprès des Congrégations romaines ; Reiftenstuel, Jus canonicum universum, 1. III, tit. xlv, § 1, 5 in-fol., Venise, 1775, t. iii, p. 553, réédité à Rome, 1831, et à Paris, 1864 ; Ferraris, Prompta bibliutlieca canonica, v* Veneratio sanctorum, nombreuses éditions, depuis celle de Rome, 1766, jusqu’à celle de Paris, 1884 ; Gardellini, Décréta authentica Congregatiunis sacrorum Rttuurn, Rome, 1857 ; ou mieux l’édition officielle, 5 in-4-, Rome, 1898-1901 (d’après l’Index generalis, t. v, p. 38).

Quant à la procédure à suivre dans les procès de béatificatii ii,