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BAYLE


comètes ne sont le présage d’aucun malheur, in-12, Cologne, 1 682 : une seconde édition parut à Rotterdam en 1683. 2 in-12. Le but de ce livre est de montrer l’absurdité du préjugé populaire et l’inanité des raisons par lesquelles on voudrait le justifier. Une objection bizarre que Cayle expose et réfute longuement l’amène à exposer sur l’athéisme des opinions fort singulières. Si l’on prétendait que Dieu forme les comètes pour révéler aux païens l’existence de sa providence et pour les empêcher de tomber dans un athéisme destructeur de toute société humaine, il faudrait répondre, selon Bayle, qu’une intervention de ce genre est inadmissible, car l’idolâtrie seule en bénéficierait et Dieu ne peut le vouloir ; de plus l’athéisme, à tout prendre, vaudrait mieux que l’idolâtrie ; l’athéisme, en effet, ne conduit pas nécessairement à la corruption des mœurs, pas plus que le christianisme ne mène nécessairement à la sainteté ; une société d’athées pourrait fort bien se concevoir, s’organiser et vivre en se conformant aux principes de bienséance, d’honneur et de justice naturels à l’homme ; ces principes, fortement sanctionnés par la loi civile, sont plus efficaces que la foi aux dogmes d’une religion révélée ; il est des athées irréprochables malgré leur athéisme et bien des chrétiens sont vicieux malgré leurs croyances. Cette apologie voilée de l’athéisme valut à son auteur une foule de critiques ; Jurieu entre autres, dans sa Courte revue des maximes de morale et des principes de religion de l’auteur des Pensées diverses sur les comètes, le dénonce comme un athée à peine dissimulé, comme un ennemi de toutes les religions et il le signale au consistoire de Rotterdam. Bayle se défendit dans une Addition aux Pensées diverses sur la comète, 1691 ; plus tard, revenant encore sur ce même sujet, il donne une Continuation des Pensées diverses… ou réponse à plusieurs difficultés que Monsieur " a proposées à l’auteur, Rotterdam, 1701.

Au mois de juin 1682, parut la Critique générale de l’Histoire du calvinisme du P. Maimbourg. L’ouvrage publié à Villefranche, c’est-à-dire à Amsterdam, d’abord sans nom d’auteur, comprenait trente lettres soi-disant adressées à un gentilhomme du pays du Maine et publiées par celui-ci à l’insu de celui qui lesavait écrites. Bayle se nomma dans la’2'- édition, en novembre 1682 ; 3e édition en mai 1681. Bayle n’entend point refaire toute l’histoire du calvinisme, mais seulement rectifier sur certains points les récils du P. Maimbourg et surtout ruiner les arguments que celui-ci tirait des faits contre la légitimité de la Réformes La violence à laquelle les protestants ont eu recours trop fréquemment, l’immoralité notoire des premiers chefs du protestantisme, infidèles à leurs vœux de chasteté, la révolte contre l’autorité du prince et de l’Eglise constituaient contre la légitimité de la Béforme une sérieuse objection. Bayle s’efforce d’en éluder la rigueur par une série d’arguments ad hominem. Ces violences et ces désordres que l’on reproche aux réformés, on en trouve de semblables et de pires chez les catholiques (lettres viii, ix) ; si les calvinistes français se sont révoltés, c’est que les rois de France ont les premiers méconnu dans leurs sujets la liberté de conscience (lettre xvii) ; s’ils ont eu torl de s’attacher à des doctrines que l’Église romaine condamne comme hérétiques, pourquoi les prétentions des souverains pontifes à l’infaillibilité reposent-elles sur des textes équivoques, sur des preuves incertaines, diversement interprétées par les théologiens les plus orthodoxes ? Profitant habilement des restrictions apportées par les gallicans à l’autorité du pape, de leurs discussions sur le sujet et les conditions de l’infaillibilité, des contradictions flagrantes qui existent entre leurs principes et leur conduite, il les accuse de méconnaître en droit et en fait cette autorité souveraine qu’ils reprochent aux protestants de dédaigner. Cette argumentation est piquante dans la bouche d’un redonné’; il eût été difficile

aux théologiens gallicans d’y répondre d’une manière pleinement satisfaisante. Au reste. Bayle ne s’en tient pas là : il nie complètement l’infaillibilité de l’Eglise. En France, remarque-t-il, on soutient librement que l’Église est sujette à l’erreur dans les questions de fait ; mais alors son infaillibilité prétendue n’est plus qu’un vain mot, car toute définition dogmatique se résout à une question de fait : définir un article de foi, n’est-ce pas avant tout déclarer qu’une doctrine est en fait contenue dans la révélation ? Si donc on peut dénier à l’Église l’infaillibilité dans les questions de fait, il ne reste plus rien du privilège qu’on lui attribue (lettre xxix). La Critique de l’Histoire générale du calvinisme ne pouvait manquer de plaire aux protestants ; trois éditions furent rapidement enlevées ; en France, l’ouvrage fut brûlé publiquement par la main du bourreau. Le P. Maimbourg ne répondit pas à son contradicteur, mais celui-ci trouva d’autres critiques. Dans de Nouvelles lettres sur l’Histoire du calvinisme, Villefranche (Amsterdam), 1685, Bayle signale les plus importants des reproches qu’on lui adresse : on a blâmé son scepticisme historique, sa tolérance poussée jusqu’à l’entière indifférence ; on a fait voir les conséquences fâcheuses qui découlent de ses théories sur les droits de l’Église et des souverains. Bayle ne prend pas la peine de répondre à tout : il explique son scepticisme en rappelant les difficultés que rencontre l’historien, lorsqu’il s’agit de dégager la vérité dans la multitude des documents contradictoires (lettre il sq.) ; les droits de la conscience errante égaux en tout, lorsque la bonne foi accompagne l’erreur, aux droits de la conscience vraie, expliquent et justifient la tolérance absolue qu’il réclame (lettre ix) ; puis reprenant encore une fois la question du mariage des premiers réformateurs, il l’excuse en soutenant que leurs intentions étaient pures et qu’il leur eût été facile, en restant dans l’Église romaine, de s’abandonner impunément à leurs mauvaises passions.

La révocation de l’édit de Nantes irrita profondément les protestants en France et à l’étranger. Bayle s’en plaint avec amertume dans l’opuscule intitulé : Ce que c’est que la France toute cathol’uque sous le règne de Louis le Grand. Cet écrit est une réplique à un ouvrage de même titre publié en 1685, à Lyon, par un nouveau converti du nom de Gautereau. Des trois pièces qui le composent, la première est une lettre soi-disant adressée d’Angleterre à un prêtre français par un huguenot réfugié ; elle contient une critique très vive de la politique de Louis XIV, de la conduite du clergé et des catholiques de France ; la seconde est une courte lettre de ce prêtre, transmettant à un autre protestant le document qu’il a reçu ; la troisième est la réponse de ce dernier. L’auteur de cette lettre annonce, en la terminant, qu’un savant presbytérien anglais, bon philosophe, a fait un Commentaire philosophique sur les paroles de J.-C. « Co>itrains-les d’entrer » , commentaire encore inédit, dont on prépare une traduction française. Ce commentaire n’était point d’un presbytérien anglais, mais de Bayle lui-même ; il parut en 1686, 2 in-12, à Cantorbéry (Amsterdam), comme traduit de l’anglais du sieur Fox de Bruggs par M..I. F. ; édit. allemande, 2 in-12, Hambourg, 1688. Bayle y soutient « qu’il n’y a rien de plus abominable que de faire des conversions par la contrainte et combat tous les sophismes des convertisseurs à contrainte et en particulier l’apologie que saint Augustin a faite des persécutions ". Dans les paroles : Compelle intrare, Luc, xiv, 23, beaucoup voyaient un argument en faveur des mesures rigoureuses adoptées par le roi de France. Bayle s’efforce de montrer quèces

paroles ne peinent ni ne doivent se prendre au sens littéral. Ainsi comprises, elles sont déraisonnables, car il est absurde d’exiger par la violence un assentiment

qui doit être libre ; contraires à l’Évangile, qui prêche

la douceur et non la contrainte ; pleines de conséquences