Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée
453
454
BASILE (SAINT)


est propre à l’unité. C’est ici que le docteur cappadocien rencontrait le mystère : Comment peut-il y avoir trois hypostases en une unique substance ? Eunome prétendait que le nombre trois introduisait en Dieu la multiplicité. Afin d’expliquer que trois hypostases ne constituent pas trois êtres, saint Basile écrivit une lettre sur la différence entre l’essence et l’hypostase. Epist., xxxviii, P. G., t. xxxii, col. 325-340. Il étudie la question en philosophe et adopte la définition de l’individu, donnée par Ammonius, disciple de Porphyre, comme base de cette distinction. Distinguant entre le commun et le singulier, il déclare que l’essence répond au concept du commun, et l’hypostase à celui du singulier. Il en fait l’application à l’histoire de Job, telle qu’elle est rapportée dans l’Ecriture, et il assure qu’on n’errera pas en transportant cette distinction dans le dogme trinitaire. Tout ce que nous penserons de l’essence du Père, nous le dirons du [’ils et du Saint-Esprit ; tous trois, par exemple, sont incréés et incompréhensibles. Mais si l’essence est commune, les hypostases sont distinctes. Saint Basile reproduit plusieurs fois cette distinction, et il fait consister la distinction des hypostases divines dans la paternité, la filiation et la puissance sanctificatrice. Epist., ccxiv, 4, P. G., t. xxxii, col. 789. Cf. Epist., ccxxxvi, C, ibid., col. 884. Par cette doctrine, l’évêque de Césarée conçoit en Dieu un mystère ineffable de communauté et de distinction : la différence des hypostases ne détruit pas le continu de la nature, et la communauté de substance ne confond pas les caractéristiques personnelles. Et il se sert de l’exemple de l’arc-en-ciel qui, selon lui, est à la fois continu et divisé, pour faire comprendre d’une certaine manière qu’un même sujet est à la fois conjoint et distinct. Epist., xxxviii, 4, 5, ibid., col. 332-333.

2. Le Verbe.

Saint Basile a été toute sa vie le défenseur du « consubstantiel » . Au concile de Nicée, dit-il, « les trois cent dix-huit Pères n’ont parlé que par l’inspiration du Saint-Esprit. » Epist., cxv, P. G., t. xxxii, col. 529. Quand le préfet de Cappadoce le somma d’obéir à Valens en supprimant du symbole le mot ôfioci-jo-ioç, il répondit « qu’il était si éloigné d’ôter ou d’ajouter quelque chose au symbole de la loi, qu’il n’oserait pas seulement y changer l’ordre des paroles » . Ses deux ouvrages dogmatiques et beaucoup de ses lettres contiennent la démonstration de la « consubstantialité » du Verbe. L’épître lii, P. G., t. xxxii, col. 393, expose les raisons qui ont fait adopter tô ô(ioo-j<Tiov par le concile. Basile explique ailleurs pourquoi il ne peut être question, à propos du Père et du Eils, de « similitude » ou de « dissimilitude » , ccjte ô’|xoiov cjte àvô|xoiov, mais seulement de « consubstantialité » , tô ôlioo-jenov. Epist., viii, ibid., col. 249.

Cependant, pour ne pas contrarier le mouvement qui entraînait les semi-ariens vers la foi de Nicée sans effacer encore leurs préventions contre le mot « consubstantiel » , saint Basile se contente volontiers d’équivalents, pourvu qu’il ne puisse y avoir de doute sur le sens. Aussi déclare-t-il accepter l’expression « semblable en essence » , fiiioiov xax’oùat’av, à condition qu’on y ajoute : « sans différence aucune, » àuapaXXaxTÔx ;, comme signifiant la même chose que « consubstantiel » , <o ; e !  ; toiutôv ni) âu.oou(rcco çspouaav. Epist., IX, ibid., col. 272. A-t-il été plus loin dans ses concessions de langage, et a-t-il vraiment écrit à Apollinaire que le mot « semblable sans aucune différence t, îj roO àirapaXXcxxTtoç itLofou çtov/), est plus convenable que le mot « consubstantiel » , |j.âXXov T, 7 : ep 7) to’j 6u.ooy<rfou àp|x6ruecv ? Epist., CCCLXI, ibid., col. 1 101 On comprend que d’excellents critiques aient hésité à lui attribuer cette phrase, et aientdès lors considéré comme apocryphe sa correspondance avec Apollinaire. Mais peut-être l’argument n’est-il pas bon, car, même ailleurs, saint Basile, en ces délicates matières,

ne semble pas avoir toujours évité l’impropriété ou l’imprécision du langage. Ct. Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1901, p. 534.

3. Le Saint-Esprit.

Sur la doctrine du Saint-Esprit, Basile ne s’est pas montré moins conciliant dans la forme, tout en restant aussi ferme pour le tond. Il considérait la troisième personne de la sainte Trinité comme « consubstantielle et égale en dignité » , ôiioo-jo-iov xot ôfjumu, ov, aux deux premières. S. Grégoire de Nazianze, Urat., xliii, 69, P. G., t. xxxvi, col. 590. Le IIIe livre de son Contra Eunomium et le traité De Spirilu Sancto sont consacrés à l’établir. Le nom de Dieu, que ce soit un nom de nature ou d’opération, convient au Saint-Esprit, parce qu’il y a identité de nature et d’opération dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Epist., viii, 11, P. G., t. xxxii, col. 264-265 ; clxxxix, 7, col. 683. Cependant il arriva à Basile dans ses prédications d’omettre à dessein le nom de Dieu en parlant du Saint-Esprit. Il employait alors des expressions équivalentes, afin de ménager des auditeurs dont la foi hésitante n’était pas encore soutenue, sur ce point, par une définition conciliaire. Cf. S. Grégoire de Nazianze, Orat., xliii, 68, col. 588. Cette réserve trouva des censeurs. S. Grégoire de Nazianze, Epist., lviii, P. G., t. xxxvii, col. 113 ; S. Basile, Epist., lxxi, P. G., t. xxxii, col. 436. Attentif, dans l’état de crise où étaient alors les Églises d’Asie, à écarter les obstacles du chemin des hommes de bonne volonté, il recevait dans sa communion tous ceux qui confessaient que le Saint-Esprit n’est pas une créature. Epist., cxiii, exiv, P. G., t. xxxii, col. 525, 528, 529. Cf. Epist., cclviii, 2, col. 949. Sur cette conduite de saint Basile vis-à-vis des semi-ariens, voir les réllexions de M. de Broglie, L’Église et l’empire romain, t. v, p. 121-123.

En ce qui concerne la « procession » du Saint-Esprit, il suffit, croyons-nous, de lire sans parti pris les deux traités dogmatiques de saint Basile pour reconnaître que dans son enseignement, la troisième personne de la Sainte Trinité procède du Père et du Fils, ou, selon la formule orientale, du Père par le Fils. Même si l’on ne se sert pas du texte contesté au concile de Florence par les Grecs, et reproduit seulement en note dans l’édition des bénédictins, P. G., t. xxix, col. 655, note 79, la pensée de Basile ressort d’autres passages de ses écrits. Après avoir dit, dans l’homélie xxiv : « L’Esprit procède du Père, » tô Ilvsû[i.a h. to-j IlaTpô ; âxirope-jETai, il complète cette parole parla phrase suivante : « Le Fils est du Père par la génération, l’Esprit, d’une manière sacrée et mystérieuse, est de Dieu, » àXX’ô [iev Ylbt £x toO IlaTpô ; ysvvt|t<oç, tô 8s llve-jjj.a àpprjTtoç èx toù ©eo-j. P. G., t. xxxi, col. 616. « La bonté essentielle, la sainteté essentielle et la dignité royale, dit-il ailleurs, découlent du Père par le Fils unique sur l’Esprit, » y| <puai/.Y) àya06f<îç, xoù 6 xaTa çvaiv àyiao-jj-b ;, xoù tô fiaaiXixôv àSjtioita ex Ilarpoç Sa xoO Movoyevoûç êtl tô IIveviax StrjXEi. De Spiritu Sancto, 18, P. G., t. xxxii, col. 153. Et encore : « L’Esprit est un, relié au Père par le Fils, et complétant par soi la glorieuse et bienheureuse Trinité, » Êv 8è xai tô àytov IIv£Ù[j.a, xai a - JTÔ iiovaSixtii ; âi ; aYYEXX6[j.£vov, 6c’Évô ; YcoO t<ô Évk IlaTpi (Tv)vaiTTÔ|/.Evov, xa 8c’ÉauTO-j <rvtX71>.-’ipoûv ™i v itoXu-ju, v^tov xai paxapîav TpciSa. Ibid., col. 152.

Sur la doctrine trinitaire de saint Basile, voir Th. de Bégnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, 1°’série, Paris, 1892, passim ; Schwane, Histoire des dogmes, trad. Degert, Paris, 1903, t. ii, p. 232 sq. ; Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1903, p. 687689.

Hært, dans Acta sanctorum, 1008, junii t. ii, p. 807-938 ; Tillemoni, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 1703, t. ix, p. 1-804, 628-691 ; Garnier,

1721, dans Migno, P. G., t. XXIX, col. CLXXVH-CCXl i ; Foliricius, ibid., cul. ccxli-ixlxxv ; Ceiltier, Histoire générale des au-