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BARNABÉ (ÉPITRE DITE DE SAINT)

argument contre les apôtres. Cont. Cels., i, 63. P. G., t. xi, col. 777. Clément d’Alexandrie, au dire d’Eusèbe, H. E., vi. H, P. G., t. xx, col. 549, et même Origène, In Rom., I, 24, P. G., t. xiv, col. 860, la tinrent en si haute estime qu’ils la citaient comme Écriture. I A partir du IXe siècle, le silence se fait sur cette épître ; on n’en parle plus ; on ignore son existence. Mais, au XVIIe siècle, elle est retrouvée dans un texte grec fort mutilé, auquel manquent les cinq premiers chapitres, et dans une version latine, très ancienne, à laquelle manquent les quatre derniers chapitres. Texte et traduction se complétaient et permirent de reconnaître l’épître que l’antiquité chrétienne attribuait à saint Barnabe. La première édition, préparée par l’Anglais Usher, fut détruite dans un incendie, en 1644 ; celle de dom Ménard fut publiée par dom d’Achéry, en 1645. Grâce à la collation de nouveaux manuscrits, Isaac Voss en donna une nouvelle, moins imparfaite, en 1646. Dans la suite, Cotelier en 1672, Lemoyne en 1685, Leclerc en 1698, Russel en 1746, Gallanden 1765 et Hefele en 1839, entre autres, s’appliquèrent à améliorer le texte. Dressel put utiliser des manuscrits nouveaux et publia, en 1857, l’édition la moins incorrecte. Mais jusque-là on n’avait pu retrouver le commencement du texte grec, qu’on était obligé de remplacer provisoirement par la vieille traduction latine. Heureusement qu’en 1859 Tischendorf découvrit au couvent de Sainte-Catherine, sur le mont Sinaï, un codex du ive siècle, où le texte grec de l’épître était intégralement transcrit à la suite des livres du Nouveau Testament. Il publia le tout, en 1862, à Saint-Pétersbourg, et, en 1863, à Leipzig. Aussitôt parurent les nouvelles éditions critiques de Dressel, en 1863 ; de Volkmar, en 1864 ; d’Uilgenfeld, en 1866 ; de Muller, en 1869 ; de Gebhardt en 1875. En 1875, nouvelle découverte : l’archimandrite Philothée Bryennios trouva à Constantinople un codex du xie siècle renfermant dans leur intégrité les épîtres de Clément de Rome et de Barnabe ainsi que la Didaché. Se contentant de publier d’abord l’épître de saint Clément, il transmit une copie fidèle de celle de saint Barnabe à Hilgenfeld, qui l’utilisa dans son Der Brief des Barnabas, 1877, Leipzig ; il la publia à son tour avec la Didaché, en 1883, à Constantinople. Entre temps, Gebhardt et Harnack donnèrent la seconde édition de leurs Patrum ajiostolicorum opéra, Leipzig, 1878. Enfin, Funk, tenant compte des récentes découvertes, inséra l’épître de saint Barnabe en tête de ses Palrum apostolicorum opéra, Tubingue, 1881, avec une traduction latine et des notes critiques. C’est cette dernière édition qui sera citée dans le courant de l’article. Une troisième édition a paru en 1901.

11. Contenu. — L’épître de Barnabe, qu’on regarde comme un traité apologétique contre les Juifs ou comme une homélie prèchée à un auditoire chrétien, se divise en deux parties très distinctes et d’inégale longueur : première, i-xvi ; seconde, xvii-xxi. — Première partie. — Après avoir salué ses destinataires et loué les dons spirituels qu’ils ont reçus de Dieu, l’auteur regarde comme une joie et un devoir de leur écrire pour rendre leur foi et leur science parfaites, non pas à titre de docteur, mais comme l’un d’entre eux (i). Les jours sont mauvais : il s’agit de rechercher les justifications du Seigneur. Or Dieu a prévenu par ses prophètes qu’il n’a besoin ni de sacrifice, ni d’holocauste, ni d’ohlation : tout cela est abrogé. C’est maintenant la loi nouvelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il importe de la bien comprendre, d’accomplir avec soin son salut et de déjouer les séductions du Mauvais (n). Dieu ne veut pas le jeûne corporel, mais celui qui consiste dans l’abstention de toute injustice et la pratique de la charité. Il nous en a prévenus d’avance pour que nous ne soyons pas affligés par la loi comme de simples prosélytes (m). Ce qui sauve actuellement c’est de fuir les œuvres d’ini quité, d’éviter tout contact avec le péché et les méchants ; car l’heure a sonné du scandale prédit par les prophètes : donc se garder d’accumuler faute sur faute, sous prétexte d’être couvert parle testament nouveau. Caries Juits, en se tournant vers les idoles, ont perdu pour toujours le testament qu’ils avaient reçu par Moïse. Attention donc aux derniers jours. Pour interdire au Noir l’entrée de nos âmes, il faut fuir la vanité, haïr les œuvres de la voie d’iniquité, devenir le temple spirituel et parfait de Dieu ; car si, malgré les miracles et les prodiges, les Juits ont été écartés, prenons garde d’être rejetés comme eux (iv). Le Fils de Dieu est venu ; il s’est incarné ; il a répandu son sang sur le bois pour racheter nos péchés (v). Tout cela, incarnation, passion, a été préfiguré (vi). Le bouc émissaire (vu), la vache rousse, double image du Christ, inintelligible à quiconque n’a pas entendu la parole de Dieu (vin). Dieu a circoncis nos oreilles et notre cœur. Quant à la circoncision, dans laquelle les Juifs mettaient leur confiance, elle a été abrogée. Dieu n’a pas prescrit la circoncision de la chair ; en la pratiquant, les Juifs, trompés par le mauvais ange, ont outrepassé ses ordres. Sans doute la circoncision charnelle a été donnée par Abraham à ses 318 serviteurs ; mais c’est là un mystère relatif à Jésus ; car 18 s’écrit t ?), commencement du nom de’Irjffoûç, et 300 s’écrit t, qui est le signe de la croix (ix). En interdisant certains mets, Moïse n’a eu en vue qu’un sens spirituel (x). — Dieu nous a également annoncé d’avance le mystère de l’eau et de la croix : l’eau c’est le baptême qui efface les péchés (xi) ; Moïse, priant, les bras étendus, et le serpent d’airain représentent Notre-Seigneur sur la croix (xii). Reste à savoir quel est le peuple héritier, celui auquel appartient le testament. Jacob, cadet d’Ésaù, et Éphraïm, cadet de Manassé, sont les préférés de Dieu et présagent ainsi notre élection (xm). Dieu a donné un testament aux Juifs, mais les Juifs, par leurs péchés, s’en sont rendus indignes, et c’est nous qui, par Jésus, avons été choisis à leur place (xiv). Le sabbat du décalogue figure le jour du repos éternel (xv). Le temple n’est pas celui de pierre, orgueil des Juifs et déjà détruit ; c’est notre cœur devenu, par la rémission des péchés, l’espérance et la foi, le tabernacle de Dieu (xvi).

Seconde partie. — Passons à un autre enseignement : il y a deux voies, celle de la lumière et celle des ténèbres, bien différentes l’une de l’autre. A la première président les anges de Dieu ; à la seconde, les anges de Satan. Il faut suivre l’une et éviter l’autre pour parvenir heureusement à la résurrection et à la récompense future (xvii-xx). Le jour du Seigneur est proche : je vous en conjure, soyez à vous-mêmes de bons législateurs, de bons conseillers ; écartez toute hypocrisie ; et que Dieu, le maître du monde, vous donne la sagesse, l’intelligence, la science, la connaissance du commandement, la persévérance (xxi).

L’auteur ne parle pas de la parousie comme la Didaché, mais il semble croire à l’imminence de la fin du monde. En conséquence il désire que « ses fils » soient prêts et n’imitent pas la fausse sécurité des Juifs. Il n’est pas dit que ces Juifs, à l’exemple des judaïsants, aient cherché, à imposer le joug de la Loi comme condition nécessaire avant de devenir chrétien ; mais à coup sûr ils s’abusent sur la valeur de leur alliance et méconnaissent le rôle du testament nouveau. C’est pourquoi l’auteur de l’épître, dépassant ici la pensée de saint Paul, ne se borne pas à prouver que la Loi a perdu sa valeur et que le rituel mosaïque est abrogé, il va jusqu’à prétendre que l’ancienne alliance a été brisée le jour même où furent brisées par Moïse les tables de la loi, que les diverses pratiques juives n’ont pas eu Dieu pour auteur, que les Juifs se sont trompés en prenant les prescriptions au pied de la lettre. Car ce que Dieu demandait, c’étail non pas les sacrifices sanglants, mais un Cœur contrit, non pas un jeune corporel, mais la pratiqua