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BACON


part. III, c. VIxi. Les contemporains de frère Roger ne semblent pas avoir eu non plus l’idée bien claire des avantages que l’exégète retire de la connaissance de l’astronomie, de la chronologie, du comput, de la géographie, de la géométrie, de l’arithmétique, de l’histoire naturelle, de la musique et de la poésie hébraïques. Ils ne soupçonnaient pas le nombre d’erreurs que ces sciences permettent d’éviter. C’est la gloire de Bacon d’en avoir fait la démonstration. Cf. Op. ma}., part. II, cm ; part. IV, p. 180-223, 236, 237 ; Op. tert., c. lii, lvi, lviii, lx, lxiv ; Comp. studii pltil., c. v, vu ; Op. min., p. 319-359.

IV. Bacon et la correction de la Vulcate.

De tous les sujets qui le préoccupent le plus, celui de la correction de la Bible est un des premiers. Il y consacre de longues et savantes pages dans ÏOpus majus et dans l’Opus minus. Il y revient encore dans l’Opus tertium. A vrai dire, depuis saint Jérôme, nul n’a traité avec autant d’érudition et de compétence cette grave question.

Le texte parisien.

Bacon est le seul qui nous

fournisse des renseignements sur cette édition de la Bible qu’il nomme le « texte parisien » . Ce qu’il nous apprend sur sa date, son origine, sa valeur, son succès, ses résultats, n’a rien qui le recommande à notre estime. « Il y a environ quarante ans, dit-il, des théologiens nombreux, presque à l’infini, et des marchands, tous gins peu avisés, mirent en circulation ce texte à Paris. Comme c’étaient des hommes illettrés, ayant femme, ils ne se soucièrent pas de son exactitude, qu’ils étaient d’ailleurs incapables de vérifier, et livrèrent des exemplaires parsemés de fautes. Après eux, des copistes sans nombre ne firent qu’augmenter la corruption en se permettant une multitude de changements. » Op. min., p. 333. Ainsi donc : 1. C’est au premier quart du xiii c siècle, à Paris même, sous les yeux de l’université naissante, qu’a lieu la mise en circulation de ce texte : les écoliers aflluent de tous les points de l’univers chrétien ; il leur faut sans retard une Bible pour suivre les leçons des maîtres. — 2. Ce sont des stationnaires ou libraires, et des gens mariés, qui se chargent de la besogne : pressés, ils font vite ; sans science, ils copient le premier texte venu et, soucieux par-dessus tout de gagner, ils vendent de nombreux exemplaires. — 3. Rédigée de la sorte et entre les mains de tous, cette recension devient le texte qu’on explique dans les cours de Paris, Revue thomiste, mai 1894, p. 149-161 ; elle se répand rapidement dans la chrétienté ; elle pénètre jusque dans les livres d’office.

2°.S’a corruption. — Malheureusement, ce texte était xiii texte sans valeur. On l’a constaté de nos jours, le manuscrit choisi comme type de cette édition représentait la recension d’Alcuin, voir t. i, col. 639, mais mêlée et altérée par les scribes postérieurs ; elle contenait un grand nombre de mauvaises leçons et d’altérations. Les plus importantes de celles-ci, ayant au moins l’étendue d’un verset, provenaient des anciennes versions latines, notamment des textes dits « européens » , et elles avaient passé peu à peu des bibles deThéodulfe dans les manuscrits de la recension d’Alcuin. Bacon se rendit compte du mauvais état de la bible parisienne. Il vit dans cette dépravation du texte biblique un des plus grands maux de la théologie : « Le cinquième péché desétudes, écrit-il, dépasse tous les précédents ; car le texte sacré est en majeure partie horriblement corrompu dans l’édition in ne, je veux dire celle de Paris ; et là où il n’est pas corrompu, il est si suspect que le doute peut raisonnablement envahir l’homme sage. » Op. min., p. 330. Il reprend la même pensée dans VOpus tertium, c. xxv, p. 92, et il ajoute : « Nul homme, sachant les faussetés et les incertitudes du texte parisien, ne peut s’en servir en conscience soit dans la prédication, soit dans l’enseignement. .., tant sont grands Le préjudice ei le déshonneur qui en résultent pour la sainte parole de Dieu. » Et dans VOpus mujus, part. III, c. IV : « Dieu sait qu’on

ne peut rien présenter au saint-siège qui ait tant besoin de correction comme ce texte infiniment corrompu. Partout dans l’exemplaire reçu le texte est faux ou douteux pour qui veut bien l’examiner. »

Il ne se contente pas de ces simples affirmations ; il démontre longuement ce qu’il avance par des raisons concluantes. « Je vais le prouver, écrit-il, sans contestation possible. » Op. maj., loc. cit. La raison fondamentale qu’il invoque constamment est la contradiction du texte parisien avec les anciennes bibles et les anciens textes. « Au dire de saint Augustin dans ses livres contre Fauste, quand les manuscrits latins sont discordants, il faut recourir aux plus anciens et au plus grand nombre : les anciens doivent être préférés aux nouveaux, le grand nombre au petit nombre. Or, toutes les bibles antiques existant dans les monastères et non encore glosées ou retouchées renferment la véritable version reçue dès le principe par la sainte Église romaine qui la fit adopter par toutes les autres Églises ; et ces bibles antiques diffèrent à l’infini de l’exemplaire parisien. Il y a donc grande nécessité qu’il soit corrigé à l’aide de ces mêmes bibles. De plus, saint Augustin écrit qu’il faut recourir à l’hébreu et au grec, si les antiques bibles laissent encore quelque doute ; saint Jérôme, tous les Pères redisent le même avis. Or, le grec et l’hébreu s’accordent avec les bibles anciennes contre le texte parisien. 11 faut donc le corriger. » Ibid. « Il faut que le texte parisien cède le pas aux anciens, d’abord à raison de sa nouveauté, et ensuite à cause de sa singularité ; car il est, en vérité, le seul à peu près qui altère ainsi toute l’Écriture. » Op. min., p. 331.

Et les exemples abondent sous sa plume, « afin de montrer comment on corrompt le texte par addition, par omission, par substitution, par confusion ou séparation des phrases, des mots, des syllabes, des diphthongues, des accents. » Op. tert., c. xxv, p. 93 ; cf. Op. maj., part. III, c. v. Il fait observer que « presque tous les chiffres de la Bible sont altérés » , et il en cite toute une grande page. Cf. J. H. Bridges, op. cit., t. il, p. 221, 222. Dans VOpus minus, p. 331, 332, il apporte un luxe de preuves pour démontrer la fausseté de Marc, VIII, 38, où on lisait de son temps : Qui me confessus fuurit… confitebitvi, au lieu de : Qui n >e confusus fuerit… confundetur. Après avoir établi grammaticalement que les termes confusus, confundetur ne sont pas des fautes de latin, comme on le royait à tort, il confirme leur exactitude : a) par les antiques manuscrits non glosés répandus dans les divers pays de la chrétienté ; b) par le texte grec original ; c) par saint Augustin et Bède ; d) et par les canons d’Eusèbe, dans lesquels les trois synoptiques rapprochés offrent un sens identique. Ailleurs, Op. maj., part. III, c. v, il cite Ps. XLI, 3, où on lisait alors : Sitivit anima mea ad Deum fontem vivum, et il démontre qu’il faut lire forlem : a) par l’hébreu et le grec ; b) par la version hiéronymienne faite sur l’hébreu ; c) par la double correction des Septante, œuvre de saint Jérôme ; d) par tous les antiques psautiers des monastères qu’il affirme avoir examinés attentivement. On le voit, son argumentation serrée n’admet pas de réplique.

Ses premières corrections.

Le mal était donc

criant. On le constata bientôt. « Dans le principe, ajoute Bacon, Op. min., p. 333, les nouveaux théologiens n’eurent pas la possibilité d’examiner les exemplaires ; ils se fièrent aux libraires. Plus tard, toutefois, ils s’aperçurent que le texte était plein d’erreurs, de fautes ri d’interpolations. Aussi se proposa-t-on de le corriger, surtout dans deux ordres religieux. On a même commencé..Mais, faute de chef, chacun a travaillé à sa guise jusqu’à ce jour. Par suite de la diversité des sen «  timents, on rencontre dans les textes corrigés des variétés à l’infini, "Il est plus explicite encore dans l’Opus majus, part. 111, c. iv, et dans VOpus tertium, c. xxv,