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BAPTÊME (SORT DES ENFANTS MORTS SANS)


q. v, a. 3, ad 4um. D’autre part, dit saint Thomas, le corps des enfants morts sans baptême sera impassible, non sans doute par une qualité intrinsèque, comme celui des bienheureux, mais parce qu’il n’y aura plus aucune cause extrinsèque de souffrance. Corpora puerorum non erunt impassibilia defectu potentim ad patiendum in ipsis, sed defectu exterioris agent is in ipsa ; quia post resurrectionem nullum corpus erit agens in aliénai}, prxcipue ad corruptionem inducendam per actionern naturx, sed erit actio tantum ad puniendum ex ordine divinse justitix. Unde Ma corpora pœnam non patientur, quibus pœna sensibilis ex divina justilia non debetur. Corpora auteni sanctorum erunt impassibilia, quia deficiet in eis potentia ad patiendum : et ideo impassibilitas erit in eis dos, non in pueris. In IV Sent., 1. II, dist XXXIII, q. ii, a. I, ad5 un >. —L’opinion de saintThomas est devenue celle d’un très grand nombre de théologiens. Plusieurs sont même plus explicites que le maître. Suarez n’hésite pas à dire que les enfants morts sans baptême aiment Dieu par-dessus toutes choses, et qu’ils sont à l’abri de tout désordre, de tout malaise et de toute souffrance, lnfero fore ut Mi parvuli habeanttunc [sicut nunc] veram Dei cognitioneni naturalem et amorem ejus super omnia atque adeo reliquas vir tûtes natur aies et corpora impassibilia. …Unde non indigebunt cibo neque polu, quia omnis alteratio tune cessabit, Deo ila providenle. Itaque neque patientur rebellionem carnis neque interiorem neque exteriorem pugnam, quia etiam hxc esset pœna sensibilis, et omnia hxc pertinent ad viani, Mi vero suntsuo modo in termino. Algue in his fere conveniunt theologi ; solum deloco, in quo erunt, dubitant aliqui… Solo vv.lt futuros in loco inferni prorsus tenebroso… Céleri vero pie et p7*obabiliter censent habilationem illorum futuram in hoc mundo. De pecc. et vitiis, disp. IX, sect. vi. Lessius est d’avis que ces enfants possèdent « une connaissance insigne des choses corporelles et spirituelles » , qui les aide à aimer, à bénir et à louer Dieu pendant l’éternité. Longe perfectior quam in hoc mundo habemus] in Ma renovalione dabitur [parvulis cognitio], ut innumerabilis Me infanlium populus in suo ordine non sit oliosus, ne frustra in mundo esse videatur, sed ut ex cognitione sui et aliarum rerum creatarum auctorem suum et mundi totius illustri modo cognoscant et cognoscendo ament et laudent et gratias ei de beneficiis acceptis in omnem xternitatem aganl. Ce qui ne veut pas dire, ajoute Lessius, que ces enfants posséderont la béatitude naturelle pure et simple : la tache du péché originel s’y opposera toujours. De perfect. divin., 1. XII, c. xxii, n. 144 sq., Paris, 1881, p. 444. Le cardinal Sfondrate va jusqu’à soutenir que l’état d’innocence personnelle où meurent ces enfants constitue, de la part de Dieu, un bienfait supérieur, sous certains rapports, à la grâce proprement dite. « Ce bienfait de l’innocence personnelle et de l’exception du péché est si grand, que ces enfants aimeraient mieux être privés de la gloire céleste que de commettre un seul péché ; et tout chrétien doit être de cet avis. Donc il n’y a pas lieu de se plaindre ni de s’aflliger à propos de ces enfants, mais il convient plutôt de louer et de remercier Dieu à leur sujet. » Nodus prxdestinationis dissolulus, Rome, 1687, p. 120. Parmi les théologiens contemporains, M. le chanoine Didiot, ancien doyen de la taculté de théologie de Lille, s’exprime ainsi : « Les enfants morts sans baptême n’ont que des facultés naturelles, que des tendances et des aspirations naturelles vers Dieu. Ils ont en lui leur vie, leur lumière, leur joie, leur bonheur ; mais d’ordre seulement naturel et à travers le voile et les ombres de leurs pensées, de leurs raisonnements de leurs méditations humaines. Ils adhèrent à lui sans pouvoir jamais être séparés de lui, mais il y a une distance et un milieu entre eux et lui… Ils sont ainsi dans un état de perfection et de béatitude finales,

auquel le genre humain tout entier eût été convié par la providence, si elle ne lui eût lait de plus hautes destinées en l’élevant à l’ordre surnaturel. » Morts sans baptême, Lille, 1896, p. 67-68. Ce théologien se dit, en outre, « tout disposé à croire que des relations sont possibles et même fréquentes entre le ciel des élus et le limbe des enfants ; que le lien du sang conservera sa force dans l’éternité, et que la famille chrétienne, reconstituée là-haut, ne sera pas privée de la joie de retrouver et d’aimer ses chers petits associés d’un jour. » Ibid., p. 60. Ceci évidemment n’est qu’une hypothèse, et le savant auteur n’a sans doute pas l’intention de la présenter comme une vérité acquise. Quoi qu’il en soit, la doctrine de saint Thomas, même dégagée de tous ces commentaires accessoires, est l’enseignement de beaucoup le plus commun, à l’heure actuelle ; et nous ajoutons volontiers qu’elle aide singulièrement l’apologiste à justifier la conduite de la divine providence.

IV. Objections et réponses.

La doctrine catholique soulève, dans l’espèce de graves difficultés. On ne voit pas trop, en eflet, de prime abord, comment elle se concilie avec la sagesse, la justice et surtout la bonté de Dieu.

4 re objection. — La sagesse de Dieu, dit-on, paraît en délaut, puisque la religion chrétienne, qui fournit au reste de l’humanité des moyens de salut supérieurs à ceux de l’ancienne loi, met au contraire, sous ce rapport, les enlants morts sans baptême dans une situation inférieure à celle des enfants qui ont vécu avant le christianisme. Ceux-ci, en effet, étaient à même de bénéficier beaucoup plus facilement, soit de la circoncision mosaïque, soit du sacrement de nature, qui, n’étant réglé par aucun cérémonial précis, pouvait procurer la rémission du péché originel par une simple prière des parents, une offrande de l’enfant à Dieu, un sacrifice offert pour les nouveau-nés, etc. Voir Sacrement de nature. Peut-on dire dès lors que l’institution du baptême chrétien ait été un bien réel pour les petits enfants ? — Réponse. Oui, sans aucun doute. D’abord, il est clair que le baptême est d’un usage plus commode et plus universel que la circoncision, réservée aux seuls garçons juifs âgés de huit jours. D’autre part, « l’administration du baptême, par le clergé surtout, est plus sûrement valide que la collation, toujours un peu douteuse et un peu insaisissable, de l’antique sacrement de nature. Évidemment aussi, tous les fidèles qui seraient capables de conférer ce sacrement primitif, s’il n’était supprimé, le sont de baptiser en danger de mort ; et le cas est rare, où ils manqueraient absolument d’eau pour le idire. Évidemment enfin, le nombre des chrétiens aptes à donner un baptême valide est de beaucoup supérieur dans le monde, depuis dix-huit siècles, à celui des juifs et des païens en étal de donner validement autrelois le sacrement de nature. Si l’œuvre de l’évangélisation des hommes n’est pas encore achevée, par leur faute assurément et non par celle de Dieu, elle est si rapidement conduite de nos jours, que l’on peut entrevoir l’époque où nulle tribu, nulle famille peut-être ne sera dans l’impossibilité de baptiser ses enfants. En même temps l’hygiène, la thérapeutique, la chirurgie obstétricale lont de tels progrès, que le nombre des enlants morts sans baptême diminue dans une très notable proportion, et que probablement il diminuera davantage encore, au grand profit de la céleste Jérusalem… Si quelques-uns eussent pu être sauvés par le sacrement de nature et n’ont pu l’être par le baptême, ce fait, assurément fort rare, n’est après tout qu’une des inévitables imperfections inhérentes aux plus miséricordieuses institutions de la providence. Et l’on doit dire de ces enfants, comme des autres, que la loi du baptême ne leur est pas une cause de perte et de damnation, puisque, en vérité, l’on n’est pas perdu quand on atteint sa fin dernière de quelque læon, dans un ordre même simple-