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BAPTÊME (SORT DES ENFANTS MORTS SANS)


impossible de leur conférer le baptême. D’après lui, « ce serait agir prudemment et d’une manière irrépréhensible

que de donner la bénédiction au nom de la sainte Trinité aux entants qui seraient en danger dans le sein de leur mère, laissant d’ailleurs à Dieu de juger à son tribunal le fond de la question. Qui sait si la divine miséricorde n’accepterai ! pas vin tel baptême qu’accompagnerait le vœu des parents, lorsque ce ne serait pas une négligence coupable, mais une impossibilité excusable, qui empêcherait d’administrer ce sacrement. » Pallavicini, Histoire du concile de Trente, 1. IX, c. viii, édil. Migne, p. 358. Cette opinion parut suspecte, à bon droit, aux théologiens du concile de Trente, et il fut même question de la condamner. On s’abstint finalement de toute censure, voir col. 305-306, mais le pape Pie V ordonna de rayer cette opinion des œuvres du savant cardinal. Le dominicain D. Soto, du même ordre que Cajetan, sans aller jusqu’à traiter d’hérétique l’opinion de son confrère, la déclare fausse. Voir col. 326 — 2. Gerson, Durand, Eusèbe Amort et quelques autres croient que les prières des parents peuvent quelquefois, à titre exceptionnel et quasi miraculeux, obtenir de Dieu le salut éternel de leurs enfants, quand le baptême est impossible. « Qui sait, dit Gerson, si Dieu n’exaucera point ces prières, et ne doit-on pas espérer qu’il aura égard aux humides supplications de ceux qui auraient mis en lui toute leur confiance ? » Serni. de Nativ. Virg. Mariée, part. III, consid. 2, Opéra, Anvers, 1706, t. iii, p. 1350. Voir, dans le même sens, Amort, Theol. moral., Inspruck, 1758, t. il, p. 120 sq. Une doctrine analogue fut soutenue, en 1855, par l’abbé Caron, archiprêtre de Montdidier, dans son ouvrage La vraie doctrine de la sainte Eglise catholiijue sur le salut des hommes, suivie d’un appendice sur le sort des enfants morts dans le péché originel, in-8°, Paris, 1855, p. 269, et appendice. L’ouvrage ayant été mis à l’Index, fut aussitôt retiré du commerce par le pieux archiprêtre. — On prête aussi d’ordinaire cette opinion à saint Bonaventure. Voir, entre autres, Hurter, Theol. dogm. comp., Inspruck, 1891, t. iii, p. 612. Perrone, cependant, soutient que cette attribution est inexacte. Prœlectiones theologiæ Paris, 1842, édit. Migne, t. ii, p. 111, en note. La vérité est que le docteur séraphique, moins explicite d’ailleurs que Gerson, semble bien admettre la possibilité d’une dérogation exceptionnelle à la loi baptismale : Privalus haptismo aquse caret gratia Spirilus Sancli (parvulus) quia aliter ad gratiam nonpotest dispani, quantum est de jure commun !, nisi Deus facial de privilegio speciali, sicut in sanctificatis in utero. In 1 V Sent., 1. IV, dist. IV, part. II, a. 1, q. i, Opéra, Lyon, 1668, p. 53. Évidemment, si l’on n’envisage que la question de possibilité, cette opinion est soutenable. Mais, si on l’envisage in concreto, on ne peut pas admettre une dérogation ou un privilège comme celui dont parle saint Bonaventure, à moins que Dieu lui-même n’en révèle l’existence. Les exceptions à une loi universelle ne doivent pas se présumer, mais se prouver. Saint Bonaventure ne parle que des personnages que Dieu a sanctifiés dans le sein de leurs mères et qui ont revu ainsi la grâce par un privilège spécial. Voir Suarez, qui réfute longuement toutes ces conjectures. De sacramentis, disp. XXVII, sect. iii, n. 6.

— 3. Plus hypothétique encore, et par conséquent plus condamnable, est l’opinion soutenue par le P. Bianchi, de la congrégation des clercs réguliers, dans son ouvrage De remédia œlernx salutis pro parvulis in utero clausis sine baplismate morienlibus, Venise, 1768. D’après lui, les enfants qui meurent sans baptême dans le sein maternel seraient sauvés, si la mère a soin de protester, au nom de l’enfant, que celui-ci accepte la mort comme preuve de son désir de recevoir le baptême. Cette opinion singulière fut réfutée par le camaldule Biaise, dans un livre intitulé : Dissertatio adversus novum si/stema P. Bianchi, de remédia, nie, Fænza, 1770. — 4. Mon moins

hasardée est l’opinion de ceux qui ont prétendu, avec Klee, que les enfants auxquels il est impossible de conférer le baptême étaient éclairés, avant la mort, d’une illumination soudaine qui leur permettait de désirer le sacrement. Klee, Kalhol. Dogm., Bonn, 1835, t. iii, p. 158. Cette hypothèse est inadmissible, non seulement parce qu’elle exige des miracles continuels, mais surtout parce qu’elle est inconciliable avec les décisions de l’Église que nous avons rapportées, et qui supposent clairement qu’on peut mourir et qu’on meurt de fait avec le seul péché originel. Or, dans l’hypothèse de Klee, ce cas n’arriverait jamais. Voir Hurter, Theol. dugm. comp., Inspruck, 1891, t. iii, p. 612. - 5. H. Schell, Kathotische Dagmalik, Paderborn, 1893, t. iii, p. 479-480, regarde comme possible que la souffrance et la mort des enfants avant le baptême soient, en vertu des souffrances volontaires de Jésus-Christ, un quasi-sacrement, le baiser de la réconciliation, une partie du baptême de pénitence qui supplée au baptême d’eau. Soto, De natura et gratia, 1. II, c. x, Lyon, 1581, p. 89, avait jugé sévèrement une assertion analogue : JVani si intelligerent (les partisans du sentiment qu’il réfute) habituros gloriam qui non discesserunt in gratia, non essent audiendi. Si vero ftngerentquod gratiam susciperentin illo puncto (mortis), uti est gratia quse martyribus impenditur plenissimx remissionis, temeraria esset assertio quod parvulus, non occisus pro Christo, per fortuitam mortem absque aliquo actu proprio, vel sacramento exlrinsecus adhibito, abstergeretur originali macula. Le quasi-sacrement, admis par M. Schell, n’a pas un fondement suffisant dans l’Ecriture et la tradition. Les souffrances et la mort des chrétiens sont méritoires ; elles n’obtiennent pas la première grâce. — 6. Enfin on a prétendu que le baptême n’était pas nécessaire pour la rémission du péché originel, déjà pardonné par le sacrifice de la croix, mais seulement pour l’agrégation des âmes à la vie sociale de l’Eglise. En conséquence, dit-on, il est permis de croire que les petits enfants morts sans baptême sont sauvés. Voir l’exposé de ce système dans Didiot, Morts sans baptême, Lille, 1896, p. 112 sq. Il est réfuté d’avance par ce que nous avons dit plus haut. Bien que le péché originel soit pardonné en principe par le sacrifice de la croix, le baptême n’est pas moins nécessaire, d’une nécessité absolue, pour appliquer pratiquement aux enfants le mérite de ce sacrifice. Et il reste toujours vrai de dire que les enfants morts sans baptême sont exclus de la vision béatifique. Cette exclusion ou privation est appelée la peine du dam, parce qu’elle est pour eux une perte, un dommage (ilamnum) réel, analogue à celui qu’on éprouve, lorsque, par suite de circonstances involontaires, on est frustré d’un héritage magnifique, auquel on n’a d’ailleurs aucun droit. En ce sens, on peut dire que les enfants morts sans baptême sont danniés, bien qu’il soit préférable, dans le langage ordinaire, d’employer une autre formule, exempte de toute équivoque.

IL Les enfants morts sans baptême ne souffrent pas la peine du sens. — Celle proposition est aujourd’hui moralement certaine, bien qu’elle ait été autrefois contestée par saint Augustin et plusieurs autres. Nous allons montrer : 1° que l’Écriture ne fournit aucun argument contre cette thèse ; 2° que la tradition dans son ensemble lui est plutôt favorable ; 3° que les théologiens scolastiques l’ont presque tous adoptée ; 4° qu’elle a un fondement solide dans les décisions des papes et des conciles.

1 » Doctrine de l’Écriture. — Saint Augustin, suivi par quelques autres, a cru que le passage évangélique où il est question du jugement général, Matth., xxv, 31 sq., impliquait la condamnation des enfants morts sans baptême aux supplices plus ou moins rigoureux de l’enfer éternel. Ces enfants, dit-il, ne seront pas à la droite du souverain juge avec les élus, puisqu’ils sont