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BAPTÊME POUR LES MORTS


prouver la résurrection de la chair. L’Ambrosiaster a donné la même interprétation : In tantum ratam et stabilem cuit ostendere resurrectionem mortuorum, ut exeynplum det eorum, qui tam securi eranl de futura resurreclione, ut etiam pro mortuis baplizarentur, si quem mors prævenisset ; timentes ne ant maie aut non resurger, ’t, qui baptizatus non fuerat, rivas nomine mortui tingebatur… Exemplo hoc non factum illorum probat, sed fixant /idem in resurrectionem ostendit. Comment. iu epist. ad Cor. I, xv, 29, P. L., t. xvii, col. 265, 266. La plupart des commentateurs ont ainsi entendu ce passage de l’Apôtre et ont admis l’existence du baptême pour les morts chez les Corinthiens. Haymon d’Halberstadt, In I Cor., P. L., t. cxviii, col. 598 ; Hervée, In I Cor., P. L., t. clxxxi, col. 983. Cf. Schanz, Die Lehre von den iieiligen Sacramenten, l’ribourg-en-Rrisgau, 1893, p. 257.

Si les Corinthiens avaient attribué au baptême pour les morts la même efficacité qu’au sacrement de baptême, leur pratique eût été abusive, - car la réception du baptême est chose essentiellement personnelle ; et aucune substitution ni aucun vicarium baptisma ne sauraient profiter à quiconque n’a pas été baptisé de son vivant. On ne peut pas même dire avec Schmœger, Das Leben Jesu Christi, Ratisbonne, 1860, t. III, Introd., p. xv, et avec l’abbé P. Rambaud, Les Épitres de S. Paul, Paris, 1888, t. i, p. 454-455, que par une intention spéciale de Jésus-Christ, les effets du sacrement de baptême pouvaient, aux temps apostoliques, être appliqués par manière d’indulgence aux âmes des Juifs et des païens morts en état de grâce avant la promulgation du baptême et détenus au purgatoire pour l’expiation de leurs péchés véniels. Aussi, beaucoup d’exégètes à la suite de saint Chrysostome, In I Cor., homil. xl, 1, P. G., t. lxi, col. 347, ont pensé que saint Paul n’aurait pu tirer un argument d’une pratique erronée, qu’on ne retrouve plus tard que chez les hérétiques, sans la condamner ou la blâmer. Il est néanmoins permis de penser que certains néophytes de Corinthe, peu instruits encore de la doctrine chrétienne, croyaient bien agir en se faisant baptiser pour des catéchumènes morts avant d’avoir re< ; u le sacrement de la régénération. Ils manifestaient ainsi que le défunt avait la foi et méritait de participer aux suffrages de l’Église. Pierre le Vénérable, Tract, cont. Petrobrusianos, P. L., t. clxxxix, col. 831-832, et avant lui, saint Éphrem, Testament, Opéra grœco-latitta, Rome, 1743, t. ii, p. 401 (trad. franc, par M’J r Lamy, Compte rendu du 4e Congres scientifique, l re section, sciences religieuses, Fribourg, 1898, p. 185), en concluent que les vivants peuvent oifrir leurs sull’rages pour les morts. Comme cette pratique n’était entachée d’aucune superstition, saint Paul a pu la tolérer. Elle n’a été condamnée que plus tard, lorsque les hérétiques l’ont égalée au baptême chrétien et l’ont tenue comme un moyen efficace de saluf.

Pour écarter cette difficulté, de nombreux exégètes ont nié l’existence du baptême pour les morts â Corinthe du temps de saint Paul et ont interprété la parole de l’Apôtre dans des sens différents. Rornons-nous à indiquer les principales de ces explications. Pans les unes, le verbe baptizari est pris dans un sens distinct du baptême chrétien et désigne ou bien un rite juif, une lustration destinée à faire disparaître les impuretés légales des défunts, ou bien une affliction, une mortification, supportée pour le soulagement des morts. Dans d’autres, il est entendu du baptême chrétien, mais il signifie ou bien lr baptême des cliniques, reru â l’article de la mort, S. Épiphane, Hær., 1. I, hær, xxviii, 6, /’. I’, ., I. xi.i. col. 385 ; ou bien, le baptême conféré après la profession de foi en la résurrection des corps, symbolisée par L’émersion hors de la piscine baptismale, S. Cbrysostome, In I Cor., homil. XL, : i. /’. < !., I. i SI, toi. 318 ; Théodoret, Interp. epist. I ad Cor., xv, 29,

P. G., t. lxxxii, col. 361 ; Œcuménius, Comment, in epist. I ad Cor., xv, 29, P. G., t. cxviii, col. 876-877 ; Théophylacte, Exposit. in epist. I ad Cor., xv, 29, P. G., t. cxxiv, col. 768 ; ou bien, ce baptême en tant qu’il est efficace par la mort du Christ et qu’il exige la mort au monde, Pseudo-Jérôme, Comment, in I Cor., P. L., t. xxx, col. 766-767 ; Julien d’Éclane, cité par S. Augustin, Cont. secund. Juliani respons. opus imperf., 1. VI, 38, P. L., t. xlv, col. 1597 ; Primasius, In 1 Cor., P. L., t. lxviii, col. 550 ; Sedulius, Collect. in 1 Cor., P. L., t. ciii, col. 159 ; ou bien, cet effet du baptême qui efface les œuvres mortes, c’est-à-dire les péchés, Pierre Lombard, Collect. in epist. S. Pauli, P. L., t. cxci, col. 16821683 (les autres explications sont aussi indiquées) ; ou enfin le baptême conféré au-dessus des morts, sur le tombeau des martyrs et des saints. Ces interprétations s’écartent toutes plus ou moins du sens propre des mots, et quelques-unes sont tout à fait arbitraires.

Bellarmin, Controv.. De purrjatorio, 1. I, c. iv, Opéra, Lyon, 1590, 1. 1, col. 1388-1391 ; Suarez, In III-, q. lvi, disp.L, sect. l, n. 10-18, Opéra, Paris, 1877, t. xix, p. 916-919 ; Dissertation de dom Calmet sur ce sujet, Commentaire littéral sur tous les livres de l’A. et du N. T., 2- édit., Paris, 1726, t. viii, p. 1651172 ; R. Cornely, Comment, in S. Pauli I Epist. ad Cor., Paris, 890, p. 482-484 ; L. Diirselen, Die Taufe fur die Toten, dans Tkcol. Stud. u. Krit., 1903, p. 291-308.

IL Chez les hérétiques. — Quelle que soit l’interprétation de ce texte, il est certain que des hérétiques s’en autorisèrent, en le prenant à la lettre, pour pratiquer le baptême en faveur des morts, soit en baptisant les catéchumènes défunts, soit en baptisant à leur place et dans leur intérêt des personnes vivantes. Ils prêtaient ainsi au baptême une efficacité que l’Église ne lui reconnaissait pas ; mais leur erreur prouve l’idée qu’ils se faisaient de la nécessité du baptême, au moins pour pouvoir participer à la résurrection.

Saint Irénée parle d’une certaine consécration des mourants. Cont. hær., I, xxi, 5, P. G., t. vii, col. 665. S’agit-il, en réalité, du baptême des morts ? Le texte n’est pas assez explicite pour l’affirmer. Saint Épiphane relate comme une ancienne tradition que les corinthiens pratiquaient le baptême pour les morts et justifiaient leur pratique par le texte de l’Apôtre. Hær., 1. I, hær. xxviii, 6, P, G., t. xli, col. 381. C’était aussi le cas de certains montanistes, car saint Philastre dit des cataphryges : Hi mortuos baptizant. Hær., xlix, P. L., t. xii, col. 1166.

Plusieurs critiques concluent des textes de Tertullien cités plus haut que les marcionites avaient coutume de baptiser les morts ; mais rien n’autorise cette conclusion. Toutefois saint Cbrysostome nous révèle le subterfuge employé par les marcionites de son temps. Lorsque, chez eux, dit-il, un catéchumène vient à mourir, ils font cacher quelqu’un sous sa couche funèbre ; puis ils s’approchent du mort et lui demandent s’il ne veut pas recevoir le baptême. Comme naturellement il ne répond pas, celui qui est caché sous le lit répond à sa place qu’il veut être baptisé. Alors ils baptisent cet homme au lieu du trépassé, s’en rapportant à saint Paul : Ceux qui sont baptisés pour les morts. Ce sont là des maniaques avec lesquels il n’y a pas à discuter ; car à quoi bon s’amuser à déchirer des toiles d’araignée ? Avec un tel système plus personne qui reçût désormais le baptême ; d’ailleurs ce ne serait pas la faute du mort, mais plutôt celle des vivants, et rien n’empêcherait que les gentils et les Juifs ne fussent rangés ainsi au nombre des fidèles, d’autres se faisant complaisaminent baptiser pour eux. In I Cor., homil. xl, 1, P. G., t. lxi, col. 347. Cf. Théophylacte, In 1 Cor., P. G., t. CXXtV, col. 768.

Théodoret, Ilurrl. fabul., . I, 11, P. G., t. LXXXIII,

col. 361, rapporte que les archontiques avaient le baptême en exécration, mais que cependant quelques-uns d’entre eux répandaient de l’eau et de l’huile sur la tête des dé-