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BAPTÊME DES INFIDÈLES


l'éducation des enfants. C, 26. Sans doute encore, la volonté des tuteurs est méconnue, mais on peut écarter des tuteurs lorsqu’on soupçonne raisonnablement qu’ils nuiront à leur pupille. C, 24.

b) Doit-an toujours accéder au désir de celui des parents qui demande ? — Évidemment l’enfant présenté par l’un ou l’autre des parents ne pourra être baptisé que s’il ne court pas grand danger de perversion. Les trois lettres de Benoit XIV supposent l’existence de ce principe. Si le pape interdit le baptême des infidèles malgré leurs parents, c’est en partie à cause de ce péril. De plus, le souverain pontife reconnaît le droit de présenter l’enfant, au père, à la mère, à l’aïeul, à l’aïeule, mais seulement s’ils sont chrétiens ; pourquoi cette restriction, sinon afin qu’il soit possible d’assurer à l’entant l'éducation religieuse ? Enfin si Benoit XIV ne pose pas en termes exprès le principe, il l’applique dans la lettre de 1744. Le cas de conscience à résoudre était le suivant : l’enfant d’un Turc et d’une chrétienne peut-il être baptisé si sa mère le demande ? Béponse : sauf pour le cas de danger de mort, il est impossible de donner une règle générale. Le prêtre pèsera les circonstances, il recherchera surtout si l’on peut espérer que l’enfant persévérera dans le respect de la loi évangélique et le culte de la foi. Après avoir pieusement confié l’affaire à Dieu, s’il juge bon d’accorder le baptême, qu’il le fasse, mais il avertira la mère qu’elle est tenue de donner à l’enfant une éducation chrétienne. A, 8. Cette sage solution a été rappelée par la S. C. du Saint-Office, 18 novembre 1745, Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 560, et par Benoit XIV lui-même dans la lettre de 1747. B, 23. On peut donc affirmer que la demande de l’un ou de l’autre des parents doit être acceptée si raisonnablement on espère pouvoir assurer l'éducation religieuse de l’enfant.

3° Si des hérétiques, schismatiques, apostats demandent le baptême pour leur enfant, peut-on accorder le sacrement ? — Benoît XIV n'étudie pas ex professo ce cas ; mais il rappelle incidemment la solution donnée par la S. C. du Saint-Office, le 3 mai 1703. Si des chrétiens, vivant comme des païens, demandent le baptême pour leurs enfants, il est permis d’accéder à leur désir, mais à condition que ces enfants pourront être instruits par des prêtres ou d’autres personnes, en temps opportun. B, 23. Le 25 août 1885, la S. C. du Saint-Office a déclaré qu’on ne peut baptiser un enfant d’hérétiques, présenté par ses parents, si ceux-ci ne veulent pas s’engager à le faire élever conformément à la foi catholique. Collectanea, n. 595.

II. Baptême des adultes infidèles.

1° A quel âge un enfant peut-il demander et recevoir le baptême, malgré la volonté de ses parents ? — C’est évidemment quand il a la possession de ses facultés, tous les théologiens le disent ; d’ailleurs, quand l’enfant est arrivé à l'âge de raison, peut user de son libre arbitre, il lui appartient de respecter ce qui est de droit naturel ou de droit divin. B. 32, 36. Sans doute, il est impossible de fixer une règle uniforme, mais plerumque, regulariter, la plupart du temps, d’ordinaire, c’est à sept ans que les enfants ont l'âge de raison. B, 37. Les canonistes qui veulent reculer jusqu'à la douzième année s’appuient sur des textes surannés ; ils ont contre eux l’enseignement commun et une décision de la S. C. du Concile du 16 juillet 1039. B, 32. Le pape la reproduit : elle est la meilleure expression de sa pensée :

Filios judœorum non esse

invitis parentibus baptizandos,

donec perveniant ad aatatem

legitimam et tune, si ipsi con sentiant : aetatem vero legiti mam regulariter censeri com plète septenuio.

Les fils de juifs ne doivent

pas être baptisés malgré leurs

parents s’ils ne sont pas arri vés à l'âge légitime, et alors,

ils ne peuvent l'être que s’ils y

consentent. L'âge légitime d’or dinaire est la septième année

accomplie.

Ainsi, pour savoir si l’enfant peut être baptisé, il faudra non pas seulement tenir compte de l'âge, mais par des moyens appropriés rechercher si sa raison est suffisamment éveillée. B, 32, 34. Si, cette enquête accomplie, on doute, que faire ? De Lugo, à qui on posa un jour cette question, a composé une petite dissertation très approfondie sur ce sujet. Responsa moralia, 1. I, dub. iv, Paris, 1869, t. viii, p. 11. Benoît XIV la cite et adopte la conclusion : le baptême doit être différé, mais l’enfant qui a demandé le sacrement sera gardé et instruit jusqu'à ce qu’il puisse le recevoir. Le pape pense que tel est l’avis de Suarez. B, 31-. Sans doute, des théologiens, de Lugo les énumère, loc. cit., estimaient, au contraire, que l’enfant devait alors être toujours rendu aux parents, sous prétexte que, dans le doute, meilleure est la condition de celui qui possède. Le pape répond : Ce principe s’applique lorsque la situation des deux ayants droit est égale ; mais, ce n’est pas le cas, les intérêts de l’enfant l’emportent sur ceux du père. B, 33.

Il est permis de remarquer que ces décisions indiquent ce qui, en droit strict, est licite, ou encore ce qui à Borne, à cette époque, était possible, opportun et non pas ce qui devra être fait partout et toujours. Sans doute, l'âge de l’enfant lui donne le droit de solliciter le sacrement. Lehmkuhl, op. cit., t. ii, n. 80, p. 61 ; Génicot, op. cit., t. ii, n. 151, p. 154. Mais, d’abord, il est permis, il est même prescrit d'éprouver sa volonté 1 ; Benoit XIV le reconnaît. B, 41. D’autre part, on peut se demander si la collation du baptême n’entraînera pas de très graves conséquences : revenu dans sa famille, l’enfant sera-t-il libre de professer sa religion ? pourra-t-il être instruit chrétiennement ? ne sera-t-il pas exposé presque infailliblement à apostasier ? Puis, la collation du sacrement necompromettra-t-elle pas l’action de l’Eglise ? ne provoquera-t-elle pas de terribles représailles de la part des infidèles ? Si, pour parer à l’un ou à l’autre de ces périls, on peut éloigner l’enfant de sa famille, le placer dans un milieu chrétien, qu’on donne le sacrement. Lehmkuhl, loc. cit. Mais si ces dangers existent et si l’on n’est pas en état de les écarter, on sera en droit, parfois même on fera bien de refuser le baptême. Génicot, loc. cit. L'Église ne veut pas qu’on donne le sacrement aux petits enfants en danger de mort malgré leurs parents, quand on ne peut le faire sans de très graves inconvénients ; à plus forte raison, en face des mêmes dangers, autorise-t-elle le prêtre à différer la collation du baptême à des adultes, puisqu’ils peuvent se sauver par leur bon désir, par la charité parfaite.

2° Le baptême conféré à un adulte malgré sa volonté est-il licite ?

Hebræis igitur, utbaptismum User de violence à l'égard

accipiant, vim facere netas est. des juifs pour les obliger à B, 40. recevoir le baptême est interdit.

Ainsi l’enseigne saint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. x, a. 12. B, 36. Ainsi l’ont déclaré papes et conciles. B, 37. Adrien I er, observe Benoit XIV, a félicité Charlemagne de ce qu’il a obtenu le baptême des Saxons, mais ces infidèles ne paraissent pas avoir été injustement contraints de recevoir le sacrement ; de plus, Adrien ne dit pas que Charlemagne a bien fait de forcer les Saxons à devenir chrétiens. Quant au roi des Wisigoths Sisebut, qui a obligé par violence des juifs à recevoir le baptême et que le concile de Tolède de 633, n. 57, appelle un prince très religieux, Mansi et Hefele, loc. cit., il n’a pas été approuvé de tous, même dans cette assemblée, puisqu’elle défend d’imiter sa conduite ; il a pu obtenir cette épithète flatteuse à cause de son zèle et de ses pieuses intentions ; puis, les évêques espagnols de cette époque qui lui donnent ce titre n'étaient pas assez indépendants de la volonté royale ; enfin, autre est la conduite des princes, autre celle des particuliers, un chef d'État peut penser qu’il est de