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BAPTÊME DES INFIDÈLES

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1° Malgré leurs parents. enfants d’infidèles malgré

Durandus in IV Sent., dist. IV, q. vii, a. 13…, si hoc sacramentum (baptismus) hebræorum aut infidelium filiis, invilis parentibus, impertitum fuerit, illud esse irritum omnino existimat… Verum hase Durandi opinio singularis nusquam aut plausum aut existimationem nacta est. B, 26.

1. Le baptême conféré aux leurs parents est-il valide ?

Durand, IV l. des Sent., dist. IV, q. vii, a. 13…, estime que si ce sacrement (le baptême) a été conféré à des enfants de juifs ou d’infidèles malgré leurs parents, il est nul… Mais cette opinion singulière de Durand n’a jamais été approuvée ni prise en considération.

Durand invoquait cet argument : c’est aux parents qu’il appartient de vouloir pour l’enfant ; s’ils refusent le baptême, l’enfant le refuse et le sacrement ne saurait être valide. Benoît XIV rappelle les critiques faites à cet argument par les théologiens. Un sacrement est réellement conféré quand le ministre a l’intention requise et emploie matière et forme prescrites. Sylvius, In lll am, q. lxviii, a. 10, Opéra, Anvers, 1714, t. iv, p. 259. A défaut des parents, l'Église demande le baptême pour l’enfant. Frassen, Scotus academicus, tr. I, disp. I, a. 2, q. iv, Paris, 1677, t. iv, p. 162. Dépourvue de base théologique, l’opinion de Durand a encore le tort d'être singulière, B, 26, et d’avoir contre elle l’autorité de la S. G. du Saint-Office. Décisions du 3 mars 1633, du 30 mars 1638, du 23 décembre 1698 et du 8 mars 1708. B, 27.

2. Le baptême conféré aux enfants d’infidèles malgré leurs parents est-il licite ?

…Docet (S.Thomas) infantes…Il (S. Thomas) enseigne

infidelium sine parentum conque les enfants d’infidèles ne sensu nequaquam baptizari peuvent pas du tout être bapposse : eaque doctrina et ab tisés si les parents n’y conaliis communiter recepta et sentent pas. Cette doctrine, cum aliorum tribunalium eccommunément admise par les clesiasticorum, tum etiam suthéologiens, a été corroborée et premoe hujus Inquisitionis senconfirmée par les décisions et tentiis atque judiciis roborata jugements des divers tribuatque confirmata est. C, 10. naux ecclésiastiques et par

ceux de la souveraine Inquisition.

Si parentes desint, infantes Si l’enfant de parents juifs

vero alicujus hebrœi tutelae est confié après la mort de commissi fuerint, eos sine tuceux-ci à un tuteur juif, il ne toris assensu licite baptizari peut aucunement être baptisé nullo modo posse. B, 14. sans le consentement de ce

dernier.

Plus d’une fois, des chrétiens baptisaient abusivement des enfants d’inlidèles malgré la volonté de leurs parents. B, 1, 27, 31. Aucun théologien n’a expressément soutenu que cette pratique est toujours légitime. Suarez, De sacramentis, disp. XXV, sect. iii, n. 1, Opéra, Paris, 1862, t. xx, p. 429. Mais Scot et beaucoup de ses disciples attribuaient aux princes chrétiens le droit de faire baptiser, malgré leurs parents, les enfants de leurs sujets juifs ou infidèles. Voir col. 283. Au milieu du xviiie siècle, cette opinion était encore soutenue. B, 5. Le pape ne dit pas en termes exprès qu’il la condamne, mais on voit qu’il la rejette ; car il se rallie à la thèse opposée soutenue par saint Thomas, B, 4, 5 ; C, 10, et déclare que ce docteur a donné la solution définitive. B, 4.

Les considérants invoqués par le pape sont les arguments de saint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. x, a. 12 ; III a, q. lxviii, a. 10 ; Quodl., ii, a. l. — a) L'Église n’a pas pour habitude de baptiser les enfants d’infidèles malgré leurs parents ; elle n’a pas consenti à le laire alors qu’elle y était invitée par des princes puissants et pieux. B, 4. Benoit XIV complète cet argument d’autorité : l’opinion de saint Thomas a prévalu devant les tribunaux, elle est plus communément admise. B, 5. Sans doute, Mathathias a fait de force circoncire des enfants. 1 Mach., ii, 46. Mais peut-être na-t-il agi ainsi

qu'à l'égard de fils de Juifs ; du moins, les lois de la guerre en usage alors réduisaient en captivité les enfants des vaincus et autorisaient Mathathias à leur imposer la circoncision, —b) Tant qu’ils n’ont pas atteint l'âge de raison, les enlants sont confiés à leurs parents, et cela, de par le droit naturel : on le violerait donc en leur imposant le sacrement malgré la volonté de ceux à la garde de qui ils sont remis. D’autre part, il serait dangereux de conférer le baptême à ces enfants : parvenus à l'âge de raison, ils seraient exposés à renier leur foi. B, 4.

Ainsi, Benoit XIV s’appuie sur le droit naturel. En même temps qu’il prouve le bien fondé de la règle générale, il indique implicitement quelles exceptions elle comporte. On pourra baptiser les enfants d’infidèles si, d’une part, les droits des parents ne sont pas violés, n’existent plus, sont primés par des droits supérieurs ; si, d’autre part, le danger d’apostasie est écarté. Lorsque ces deux conditions seront réalisées, une exception pourra être admise, quand même elle ne serait pas mentionnée expressément parmi celles que reconnaît Benoit XIV, le pape n’ayant pas voulu dresser une liste complète. B, 7, 14.

Les déclarations du pape ont donné le coup de grâce à la thèse scotiste. La règle générale posée par Benoit XIV est admise par tous les théologiens. Une instruction de la S. G. de la Propagande', 17 août 1777, Collectanea S. C. de Propiaganda fide, Rome, 1893, n. 571, l’a confirmée et sur un point particulier précisée. « En dehors du péril imminent de mort, il n’est pas permis de baptiser des enfants d’infidèles malgré leurs parents ou à leur insu, si ces infidèles se gouvernent d’après leurs propres lois ou sont seulement soumis en qualité de sujets, et non en qualité d’esclaves, au pouvoir et ati domaine des chrétiens. » Les mots « à leur insu » montrent que présumer le consentement des parents ne suffit pas. La fin de la réponse exclut nettement la thèse scotiste.

Des peines avaient été portées contre ceux qui baptisaient un enfant d’infidèle malgré la volonté des parents, voir col. 283 ; le pape les confirme. Les intentions de ceux qui commettent cette faute sont louables, leur acte est illicite ; il appartiendra donc au juge de le frapper d’une peine plus ou moins grave, selon les circonstances. Ce châtiment est d’autant plus légitime que d’ordinaire les chrétiens qui baptisent ainsi des enfants d’infidèles sont des laïques ; or il leur est interdit de conférer le sacrement, si ce n’est dans le cas de nécessité. B, 31.

Le pape déclare aussi qu’un orphelin enfant d’infidèles ne peut être baptisé malgré la volonté de son tuteur infidèle. Cette règle, répétée à deux reprises dans la lettre de 1751, C, 1, 13, est toute naturelle : la puissance des parents appartient aux tuteurs. B, 14 ; C, 13. Aussi, la plupart des auteurs l’acceptaient. C, 13.

3. Le baptême des enfants d’infidèles malgré leurs parents n’est-il pas licite, dans des cas exceptionnels ? — Première exception : l’enfant est en danger de mort.

Cum id eveniat ut ab aliquo S’il arrive qu’un chrétien

christiano hebrasorum puer trouve un enfant juif en danger

morti proximus reperiatur, rem de mort, il lera certainement

omnino laudabilem Deoque une chose louable et très agréa gratam is certe efficiet qui sable à Dieu en procurant à cet

lutem puero aqua lustralis præ- enfant par l’eau baptismale le

beat immortalem. B, 8. salut éternel.

Cette affirmation a toujours été admise. Les théologiens discutent seulement sur le motif de cette exception. Le droit des parents n’existe-t-il plus, dans le cas proposé? Ou bien, faut-il dire : Les parents ne souffrent qu’un léger dommage si dans cette circonstance on les prive de leur droit ; au contraire, l’entant perd un bien très précieux, s’il n’est pas baptisé? Les théologiens qui s’appuient sur ce second argument et repoussent le pre-