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BAPTÊME DANS L'ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIIIe SIÈCLE


VI. Sujet.

Tous les hommes peuvent-ils être baptisés, autrement dit, sont-ils les sujets du baptême ? Pour répondre plus clairement à cette question, il convient d’examiner tour à tour le cas des adultes, le cas des entants en général, et celui des enfants juifs ou infidèles en particulier. En terminant, nous dirons un mot du baptême in utero.

Baptême des adultes.

Autre chose est la réception valide du baptême, et autre chose sa réception licite

et fructueuse. Pour le recevoir validement, une seule condition est indispensable, et encore chez ceux qui sont capables de la réaliser, c’est-à-dire les adultes raisonnables. C’est l’intention ou la volonté de recevoir le sacrement tel que l'Église le confère. Roland Bandinelli, Die Sentenzen Rolands, édit. Gielt, p. 205-206 ; Ognibene, cité, ibid., p. 205, note ; S. Thomas, Sum. theol., q. lxviii, a. 7, 8, ad 3um. La nécessité de cette intention est la conséquence directe de la grande loi qui régit l'économie du salut, en exigeant la libre coopération de l’homme à la grâce. Donc : — l.Le baptême est nul, quand il est conféré par force ou par surprise, contrairement à la volonté formelle de l’adulte. Mais si celui-ci donne son consentement, même sous l’empire d’une crainte grave, il reçoit le caractère baptismal. Une décision du pape Innocent III marque bien la différence qui sépare ces deux cas : Inter invitum et invitum, coactum et coactum, alii non absurde distinguant, quod is, qui terroribus alque suppliais violenter attrahitur, et, ne delrimentum incurvât, baptismi suscipit sacramentum, talis sicut et is qui /icte ad baplismum accedit, characterem suscipit c/iristianitatis impressum et ipse tanquam conditionaliter volens, licet absolute non relit, cogendus est ad observantiam fidci Christian m… Ille vero, qui nunquam consentit, sed penitus contradicit, nec rem, nec characterem suscipit sacramenti, quia plus estexj>resse contradicere, quant minime consenlire… Denzinger, Enchiridion, n. 312. — 2. Si le baptême était conféré à un adulte pendant son sommeil, ou depuis qu’il a perdu l’usage de la raison, la validité du sacrement dépendrait de l’intention antérieure du sujet. Si l’adulte a manifesté précédemment le désir de recevoir le baptême, celui-ci est valide ; si au contraire il a refusé de se taire baptiser, ce refus est censé avoir persévéré, et le baptême est nul. C’est l’enseignement très clair du pape Innocent III : Dormientes autem et ameutes, si prius quant amentiam incurrerent aut dormirent, in contradictionc persistèrent : quia in eis intelligitur contradiclionis propositum perdurare, et si fucrint sic immersi, characterem non suscipiunt sacramenti ; secus autem si prius catechumeni exlilissent et habuissent propositum baptizandi, unde taies in necessitatis articula consuevit Ecclesia baptizare. Tune ergo characterem sacramentalis imprintit operatio, cum obicem voluntatis contrariai non invenit obsistentem. Denzinger, n. 312. Une décision du Saint-Office, rendue le 8 mars 1770, confirme la validité du baptême conféré aux hommes privés de leur raison ; elle recommande seulement aux missionnaires, qui l’avaient sollicitée, de veiller, autant que possible, ne démentes… ingrediantur templa idolorunt et ab idololatrarum cmremoniis se abstineant. Acta sanctæ sedis, t. xxv, p. 255. — 3. Celui qui se ferait baptiser sans avoir la foi, pour un motif intéressé par exemple, recevrait néanmoins le caractère baptismal, mais non la grâce sanctifiante. Recta (Ides baplizali non vequiritur ex necessitate ad baptismum sicut nec recta fides baptizantis, dummodo adsint cselcra quse sunt de necessitate sacramenti ; non enim sacramentum perfteitur per justitiam hominis danlis vel susetpientis baptismum, sed per virtutem Dei. S. Thomas, Sum. theol., III » , q. lxviii, a. 8. Voir Fiction. — On s’est demandé si la volonté expresse de recevoir le baptême considéré comme tel était strictement nécessaire, ou si la volonté générale d’accomplir ce qu’il

faut pour être sauvé était suffisante. Théoriquement, les deux opinions paraissent soutenables, et ont été soutenues de fait. Pourtant la première semble avoir rallié les suffrages des théologiens les plus autorisés, notamment Suarez, De sacrant., disp. XIV, sect. ii, n. 4, et de Lugo, De sacrant., disp. IX, sect. vii, n. 129. Pratiquement, en tout cas, c’est la plus sûre, et donc la seule qu’il soit permis de suivre. En effet, la volonté expresse de recevoir le baptême est nécessaire pour assurer avec certitude la collation du sacrement. Et l’adulte qui ne connaît pas le baptême ne peut avoir l’intention déterminée de le recevoir, même lorsqu’il veut accomplir tout ce qui est nécessaire pour le salut. Le Saint-Office a demandé, le 18 septembre 1850, que le païen moribond et privé de ses sens ait manifesté de quelque manière qu’il voulait être baptisé. Collectanea S. C. de Propaganda /ide, n. 582, ad 2um. Cependant, en cas de nécessité, par exemple en présence d’un moribond qui a perdu connaissance et qui n’a pas manifesté auparavant le refus formel du baptême, il faudrait, ce semble, administrer le sacrement sous condition, parce qu’il n’est pas certain qu’un tel baptême soit invalide, et que in extremis extrema sunt tentanda. Si le moribond revenait à la santé, réclamant le baptême, on lui donnerait à nouveau le sacrement sous condition. S’il ne voulait pas le recevoir, c’est une preuve qu’il était dans la même disposition avant la première cérémonie, et qu’il n’y a pas eu de sacrement. Pesch, Prxlect. theol., Fribourgen-Brisgau, 1900, t. vi, p. 184 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, t. il, p. 5960 ; Génicot, Theol. moralis institut., 2e édit., Louvain, 1898, t. ii, p. 151-152.

Pour recevoir le baptême d’une manière licite et fructueuse, l’intention de se faire baptiser ne suffit pas. 11 faut, de plus, avoir la foi, l’espérance, et le repentir des péchés qu’on a pu commettre. Voir Justification. L’absence de l’une ou l’autre de ces conditions empêcherait le baptisé de recevoir la grâce sanctifiante et le pardon de ses péchés. Voir deux décisions du Saint-Office, du 10 mai 1703, et du 8 mars 1770, dans les Acta sattclse sedis, t. xxv, p. 247-248, 254-255. Cf. Collectanea S. C. de Propaganda (ide, n. 549, 551, 552, 562, 569, 572, 579, 585, 587-591, 59k II n’est pas d’ailleurs tenu à la confession sacramentelle, puisque celle-ci n’a sa raison d'être que pour les personnes déjà baptisées. La seule confession nécessaire avant le baptême, dit saint Thomas, est celle qui se fait directement à ; Dieu : Talis confessio peccatorum [quse fit Deo] requiritur ante baptismum, ut scilicet homo sua peccata recogiians de eis doleat. Sum. theol., III a, q. lxviii, a. 6. Cf. a. 8. Voir l’instruction donnée par le Saint-Office, le 28 mars 1860, au vicaire apostolique des Gallas, Acta sanctæ sedis, t. xxv, p. 255-256 ; Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 588. Mais avant de se faire baptiser, il y a obligation, quand la chose est possible, de restituer le bien mal acquis, de réparer le tort causé au prochain et le scandale qu’on a pu lui donner, de quitter l’occasion prochaine du péché, etc., toutes choses qui sont nécessaires pour constituer un vrai repentir. Voir une décision du Saint-Office, du 10 mai 1703, dans les Acta sanctse sedis, t. xxv, p. 249-250. Cf. Le canoniste contemporain, 1898, p. 476-480. C’est ce qui explique la coutume, suivie jadis dans certaines églises, de faire précéder le baptême d’une confession qui n’avait d’ailleurs rien de sacramentel, mais consistait dans une simple ouverture de conscience, en vue de la direction spirituelle. Suarez, De sacrant., In III", q. lxviii, a. 6. Le 2 décembre 1874, le Saint-Office a décidé que la confession n’est pas requise avant l’administration du baptême ; elle est permise cependant, pourvu que le catéchumène sache bien qu’elle n’est pas sacramentelle et que le confesseur n’est pas tenu au secret. Toutefois, lorsque le baptême doit être conféré sous condition, les