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BAPTÊME DANS L'ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIIIe SIÈCLE

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notamment, est très embarrassé pour lui trouver une explication satisfaisante. Il est possible, dit-il, que pour les empêcher d’attribuer une trop grande importance à la personne même du ministre, les apôtres, éclairés par une inspiration du Saint-Esprit, leur aient donné cette formule particulière. Mais, en tout cas, ce n'était qu’une concession provisoire, et voilà pourquoi les grecs sont coupables de l’employer actuellement. Ou bien, dit-il encore, il est possible qu’on sous-entende dans la formule l’action personnelle du ministre ; et dans ce cas, ajoute-t-il, tolerari potuit ad tempus, propter scandaIttni, et ex imperio Spiritus Sancti inspirante Ecclesiam.ln l V Sent., 1. IV, dist. III, a. 2, Opéra, 1651, t. xvi, p. 37. Albert le Grand va jusqu'à prétendre que le pape Grégoire IX aurait eu des inquiétudes sur la validité de la formule déprécatoire : Papa in hoc dubius fuit, quia de illis qui sunt in Dalmatia primo respondit quod rebaptizarentur, et postca permisit, et ut caveretur in posterum præcepit. Loc. cit. Les hésitations dont parle le savant dominicain ne prouvent pas que le pape ait eu des doutes sérieux sur la validité de la formule grecque elle-même ; ses réponses différentes peuvent très bien s’expliquer par une différence radicale qui a pu se glisser dans l’emploi de la formule par tel ou tel ministre. Quoi qu’il en soit, la seconde et dernière réponse de Grégoire IX montre bien qu’il regardait la formule grecque comme valide. Il est possible que cette décision ait exercé une certaine intluence sur l’enseignement des scolastiques postérieurs. Dans son Commentaire sur les Sentences, saint Thomas constate encore les hésitations de quelques théologiens à cet égard, mais ne semble pas les éprouver lui-même : Utrurn autem ipsi [grœci] mutent aliquid quod sit de substantiel formée, ut sic oporteat rebaptizari, quamvis quidam dicant hoc, non tamen est de terminal uni. In IV Sent., 1. IV, dist. III, q. I, a. 2 ; q. il, ad l um. La Somme théologique est plus explicite, et suppose clairement la validité de la formule grecque. III a, q. i.xvi, a. 5, ad 2um. Ce fut dès lors l’enseignement commun, et le concile de Florence le sanctionna plus tard de son autorité suprême : Forma autem [baptismi]est : Ego tebaptizo innomme Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Non tamen negamus quin et per illa verba : Baptizatur talis servus Chris ti in nomine Patris, et Fillii, et Spiritus Sancti ; vel : Baptizatur manibus meis talis in nomine Patris, etc. verum perficiatur baptisma. Denzinger, Enchiridion, n. 591. A la place du mot baptizatur, le Bullaire de Chérubini donne la formule déprécatoire baplizetur, les différentes éditions duconcile ne s’accordantpas entre elles. Morin, De psenit., 1. VIII, c. xvi, n. 16, Anvers, 1682, p. 364. Les scolastiques comparent quelquefois les deux formules, celle des La tins et celle des Grecs, et proclament nettement la supériorilédela formule latine. S.Thomas, In IV Sent., loc. cit. Mais ils ne demandent pas, surtout après le xiiie siècle, qu’on rebaptise les Grecs, sous prétexte que leur formule serait invalide. Les Grecs, au contraire, émettent souvent la prétention de rebaptiser les Latins, ne jugeant pas leur formule suffisante. Cette prétention fut condamnée par le IVe concile général de Latran, en 1215. Denzinger, Enchiridion, n. 361. Quoi qu’en aient dit certains scolastiques, le baptême serait valide, mais cependant illicite, s’il était administré par un latin avec la formule grecque, ou par un grec avec la formule latine. Suarez, De sacramentis, disp. XXI, sec t. n.

2° L’invocation distincte des trois personnes de la sainte Trinité est nécessaire pour que le baptême soit valide. — C’est la doctrine commune des scolastiques, confirmée par les décisions pontificales et conciliaires. Au vin » siècle, il arriva qu’un prêtre de Bavière, fort ignorant, se mit à baptiser In nomine patria et filia et Spiritus Sancti. Saint Boniface, archevêque de Mayence, Courut des doutes sur la validité de ce baptême et en

référa au pape Zacharie. Celui-ci répondit, le 1° juillet 744, que si le prêtre en question avait employé cette formule uniquement par ignorance grammaticale, et sans qu’il eût des sentiments hérétiques vis-à-vis de la sainte Trinité, le baptême était valide, conformément aux anciennes décisions de l'Église. Cette réponse ne calma point toutes les inquiétudes de saint Boniface. Il lui semblait difficile d’admettre qu’un baptême conféré avec les mots patria et filia pût être considéré comme ayant été donné au nom des personnes divines. Il soumit de nouveau la question au pape, alléguant la coutume suivie et prescrite par les missionnaires romains qui avaient évangélisé les Anglo-Saxons, et d’après lesquels la mention des trois personnes divines était nécessaire pour la validité du baptême. Le pape, dans sa réponse du 1 er mai 748, approuve sans réserve les canons anglosaxons, et confirme sa première décision, qui déclarait que le baptême est valide ou nul, suivant qu’il a été ou n’a pas été administré au nom de la Trinité tout entière : Si mersus in fonte baptismatis quis fuit sine invocatione Trinitatis, perfectus non est, nisi fuerit in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti baplizatus. Epist., xi, P. L., t. lxxxix, col. 943 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, g 363. L’invocation des trois personnes divines est également présentée comme nécessaire par le IVe concile général de Latran (1215), par le pape Clément V au concile œcuménique de Vienne (1312) et par le concile général de Florence. Denzinger, Enchiridion, n. 357, 410, 591. La raison principale que donnent les théologiens scolastiques de cette nécessité est la volonté positive de Jésus-Christ qui a institué cette formule. Tradi débet [baptismus] informa a Christo inslituta, scilicet in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Roland Bandinelli, Die Sentenzen Bolands, édit. Gietl, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 203. Les autres théologiens tiennent le même langage. Voir, entre autres, Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, part. VI, c. ii, P. L., t. clxxvi, col. 443 ; Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. III, n. 2, P. L., t.cxcil, col.813 ; S. Thomas, Sum. theol., III » , q.LXi, a. 5, 6. Il convenait, dit ce dernier, que le baptême fût conféré au nom des trois personnes divines, parce qu’elles en sont la cause efficiente principale, et que la passion du Christ, par exemple, n’est elle-même qu’une cause instrumentale vis-à-vis d’elles. Cf. Instruction de la Propagande, du 29 mai 1838. Collectanca, n. 523.

Nous n’insistons pas davantage sur ce point de vue général, et nous préférons examiner brièvement, avec les scolastiques, certains cas plus ou moins hypothétiques de suppression, d’addition ou de substitution des termes qui comprennent l’invocation des trois personnes divines. La solution de ces différents cas et autres semblables repose sur le principe suivant, qu’il ne faut jamais oublier : c’est que la forme employée par le ministre doit montrer clairement que le baptême est conféré par l’autorité des trois personnes divines et consacre le baptisé à la Trinité tout entière. — Selon la plupart des théologiens, la suppression des mots ni nomine entraînerait la nullité du sacrement. Chr. Pesch, Prsclectiones dogmaticæ, Fribourg-en-Br., 1900, t. VI, p. 160. Voirpourtanten sens contraire Estius, In IV Sent., 1. IV, dist. III, S 6. A plus forte raison l’omission d’une des trois personnes divines rendrait-elle le baptême invalide. Mais il n’en serait pas de même, d’après la plupart, pour la suppression de la particule in. La S. C. du Concile a reconnu valide un baptême où une sage-femme du diocèse de Fiésole avait employé cette formule Io ti baltizo nome de Padre, di Figliulo, e dello Spirito Sancto.Thesaur. résolut., t.i.xvii, p. 211.— Saint Thomas, examinant le cas où l’on emploierait la formule : Ego tebaptizo tu nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, et beatæ Virginia Mariée, répond que la validité du baptême dépendrait de l’intention du ministre. S’il a