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253 BAPTÊME DANS L’ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIIIe SIÈCLE 254

date impossible à déterminer. Les Pères indiquent généralement quelque moment précis de la vie du Sauveur.

— 5. Reste une dernière opinion, celle qui croit que le sacrement fut établi lors du baptême de Notre-Seigneur. Elle a un fondement incontestable dans l’Écriture, et surtout cbez les Pères. Mais elle ne peut invoquer en sa faveur aucun argument décisif, et elle soulève même des objections qui ne sont pas sans importance. Voir Tfieol. Wirceburg., Paris, 1880, t. IX. p. 162 sq. C’est néanmoins l’opinion la plus probable, parce qu’elle repose sur les autorités les plus fortes. Le catéchisme du concile de Trente l’adopte sans hésitation, et conseille aux pasteurs de l’enseigner aux fidèles. Part. II, c. xix. Il importe seulement, selon la judicieuse remarque du savant Melchior Cano qui traite la question en détail, de ne pas transformer en dogme proprement dit une opinion qui ne dépasse pas les limites de la probabilité. De lacis theol., 1. VIII, c. v, dans Migne, Cursus théologies, t. i, p. 517.

III. Matière.

Il faut distinguer la matière éloignée et la matière prncltaine du sacrement.

Matière éloignée.

Les scolastiques sont unanimes à dire, après l’Écriture et les Pères, que la matière éloignée du baptême est l’eau naturelle. Les données scripturaires et traditionnelles sont trop catégoriques sur ce point, pour permettre aux théologiens une hésitation quelconque. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lvi, a. 3, 4. L’eau exigée comme matière valide du sacrement est toute espèce d’eau naturelle, qui mérite vraiment ce nom d’après l’estimation commune : l’eau de source, de rivière, de pluie, de mer, de glace ou de neige fondue, etc. Deux décisions pontificales du xiir siècle condamnent l’emploi de la bière et de la salive dans l’administration du sacrement. La première fut donnée par le pape Grégoire IX à un archevêque de Norvège, qui l’avait consulté sur la validité du baptême que certaines personnes avaient conféré dans son diocèse avec de la bière, parce qu’elles manquaient d’eau. Le pape lui répondit que ces baptêmes étaient nuls. Raynaldi, Annal, eccles., ann. 1241, n. 42. La seconde décision, portée par Innocent III, déclare également invalide le baptême que certaines personnes ignorantes avaient cru pouvoir conférer avec de la salive : Postulasti utrum parvuli sint pro christiania habendi, quos, in articulo morlis constitutos, propter aquæ penuriam et absentiam sacerdotis, aliquorum simplicitas in caput ac pectus et inter scapulas pro baptismo salivai conspersione linivit… Dubitare non debes illos verum non habere baptismum. Denzinger, Enchiridion, n. 345. On a prétendu, il est vrai, que le pape Etienne II avait donné une décision contraire, en déclarant valide un baptême qui avait été conféré avec du viii, faute d’eau naturelle. Mais il est reconnu depuis longtemps que ce rescrit, dont la teneur est absolument invraisemblable, n’est pas authentique. Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. iv, p. 485.

Les scolastiques ont soin d’indiquer, après les Pères, les raisons de convenance qui ont motivé l’emploi de l’eau comme matière du baptême. Il convenait, disent-ils, que l’eau qui sert à purifier les souillures du corps et des vêtements, servit aussi à purifier les souillures de l’âme, et que, possédant la vertu naturelle de rafraîchir, elle fût appelée dans le baptême à calmer les ardeurs futures de la concupiscence. De même, disent-ils encore, que l’eau naturelle féconde la terre et est la condition indispensable de toute végétation, de même l’eau baptismale féconde l’âme régénérée, y dépose le germe des vertus et es le principe de sa croissance surnaturelle. Alexandre de Halès, Summa, part. IV, q.n, m. iii, a. 2 ; S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 3. Roland Randinelli, Die Sentenzen Rolands, édit. Gietl, p. 207-208, et Ognibene cité, ibid., note, avaient ajouté la grande facilité de se procurer l’eau, matière d’un sacrement nécessaire.

Dans la discipline actuelle de l’Église, il faut se servir toujours, dans l’administration solennelle du baptême, et autant qu’on le peut dans la collation privée, au moins pour la licéité, de l’eau solennellement bénite les veilles de Pâques et de la Pentecôte, ou, à son défaut, de l’eau bénite suivant une formule plus courte du rituel. Plusieurs anciennes décisions du Saint-Office à ce sujet ont été publiées dans les Acta sanctæ sedis, Rome, 18921893, t. xxv, p. 242, 215, 2 « 3, 264. Tout en maintenant ces prescriptions, les Congrégations romaines ont, à diverses reprises, permis aux missionnaires de conlérer le baptême avec de l’eau naturelle seulement, à délaut d’eau bénite ou dans des cas do nécessité. Collectanea b. C. de Propaganda fide, n. 499-515.

Matière prochaine.

Elle consiste dans 1 application de l’eau ou ablution, qui peut se laire de trois manières : par immersion, par infusion et par aspersion. La plupart des théologiens admettent généralement que le baptême fut administré par immersion totale depuis les temps évangéliques jusqu’au XIVe siècle environ ; qu’on employa, du XIIIe siècle au XVe siècle, l’immersion partielle du corps avec infusion sur la tête, et qu’à partir du xve siècle, l’infusion seule remplaça l’infusion accompagnée d’immersion. L’abbé Corblet a cru pouvoir contester ces faits dans son Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881. L’étude des textes et des monuments archéologiques l’a conduit aux conclusions suivantes pour l’Occident : « Du iv c au viiie siècle, immersion partielle dans les baptistères, avec addition d’infusion. — Du viie au xie siècle : immersion verticale et complète des entants dans les cuves. A cette époque et dans tout le cours du moyen âge, procédés divers pour le baptême des adultes qu’il n’était pas possible d’immerger dans le bassin des lonts. — Du xr au xiiie siècle : immersion horizontale et complète dans les cuves. — Aux xiiie et xive siècles : tantôt immersion complète, tantôt immersion partielle accompagnée d’infusion, rarement infusion seule. — xve et xvie siècles, rarement immersion complète, parfois immersion avec infusion, le plus souvent infusion seule. — xviie et xviiie, règne de l’infusion seule ; immersion conservée jusqu’à nos jours dans les rites mozarabe et ambrosien ; rétablissement de l’immersion dans quelques sectes religieuses. — xixe siècle : progrès rapide de l’immersion dans diverses communions religieuses, surtout en Amérique et en Angleterre. » Op. cit., t. i, p. 248-219.

Les assertions doctrinales des scolastiques cadrent bien, en somme, avec ces taits historiques. Pour eux, jusqu’au XIIe siècle, c’est toujours l’immersion, faite trois fois, en l’honneur des trois personnes divines, qui est régulièrement. la matière prochaine du baptême. Mais ils laissent entendre clairement que ce mode d’ablution n’est pas de nécessité absolue pour la validité du sacrement. Quelques-uns même en font la remarque expresse, Walafrid Strabon entre autres : Nolandum autem non solum mergendo, verum eliam desnper fundendo, mullos baptizatos fuisse, et adhuc passe ita baplizari si nécessitas sit… Hoc etiam solet evenire cum perfectiorum granditas corporum in minoribus vasis hominem tingi non patitur. De rébus eccl., xxvi, P. L., t. exiv, col. 959-960. Les scolastiques du xiiie siècle enseignent la même doctrine d’une façon plus didactique. Alexandre de Halès est le premier à parler de l’infusion in pelvi vel scypho. Summa, part. IV, q. XIII, m. IV, a. 1. Il cite plusieurs cas dans lesquels l’immersion n’est pas possible : lorsque la foule des néophytes est trop considérable, lorsque le prêtre n’a pas la force d’immerger l’entant, vel propter modicitatem aqux vel quia consuetuda est patriaz. Saint Thomas, examinant la question de savoir si l’immersion est nécessaire necessitate baptismi, la résout dans le sens négatii, et reproduit à peu près les mêmes arguments que Strabon. Il reconnaît d’ailleurs que la triple immersion est communior et