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7 BAPTÊME DES HERETIQUES (CONTROVERSE RELATIVE AU)

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qui ne partageraient pas son avis ; en estimant que la divergence d’opinions sur ce point particulier ne doit entraîner personne à rompre l’unité, semble autoriser à croire qu’il s’est placé à un point de vue exclusivement disciplinaire ; d’autant plus que ce qu’il désire par-dessus tout c’est le maintien de l’unité, de l’union et de la paix : Servetur a nobis patienter et leniter cltaritas animi, collegii honor, dilectionis vinculum, concordia sacerdotii. Epist., lxxiii, 26, P. L., t. iii, col. 11-27. Et, quand on allègue que la coutume des hérétiques est de ne point baptiser ceux qui, déjà baptisés, viennent à eux, il répond que l’Église n’a pas à prendre modèle sur les hérétiques ni à leur emprunter leur discipline. Epist., lxxiv, 4, P. L., t. iii, col. 1131. Mais, d’autre part, il n’est pas moins incontestable que les arguments qu’il fait valoir, soit pour soutenir son opinion, soit pour attaquer l’opinion contraire, indiquent qu’il y voit quelque chose de plus qu’une simple question de discipline. Toutefois, on peut penser que, s’il avait vii, engagée dans le débat, une question appartenant clairement et exclusivement à la régula (idei, son langage aurait été moins hésitant et plus catégorique ; car, devant la règle de foi, les divergences d’opinion ne sont point tolérées ; il n’est permis à aucun évêque de s’en affranchir ou de s’en écarter ; chacun doit s’incliner. C’est dire que l’ambiguïté de son langage provenait de la difficulté même de la question, qui n’avait pas encore été pleinement élucidée. De là ces paroles de saint Augustin : Nec nos ipsi taie aliquid auderemus asscrere nisi universæ Ecdesiæ concordissima auctorilate firmati ; cui et ipse sine dubio cederet, sijam Mo tempore quæslionis hujus veritas eliguata et declarata per plenarium concilium solidaretur. De bapt., H, 4, 5, P. L., t. xliii, col. 129. Cf. P. von Hoensbroech, dans la Zeilschrift fur katholischc Tlienlogie, 1891, p. 727-736 ; J. Ernst, Zur Auffassung Cyprians von der Ketzertaufe, ibid., 1893, p. 79-103.

On en peut dire autant de Firmilien. Lui aussi argumente comme Cyprien. Mais, bien qu’il connaisse l’autorité du xavwv iy./.>r, Tia’7Tiy.éç, pourquoi juge-t-il que la divergence des coutumes sur la pratique en question n’est pas incompatible avec l’unité ? C’est que, comme saint Cyprien, il pèche par défaut de lumière et a droit aux mêmes circonstances atténuantes. A vrai dire, ni l’un ni l’autre n’ont placé le débat sur le terrain unique et exclusif de la foi.

III. Décret du pape Etienne.

1° Nous ne possédons pas dans son intégrité la réponse que fit Etienne à la communication de saint Cyprien au sujet du baptême des hérétiques. Mais ce qui nous en a été conservé permet de constater que le pape, dans la collation du sacrement, fait abstraction du ministre, qu’il place la validité du baptême dans l’emploi de la formule trinitaire, Epist., i.xxv, 9, P. L., t. iii, col. 1162, dans la présence et l’intervention sanctifiante du Christ, Epist., LXXIII, 4 ; lxxv, 12, ibid., col. 1112, 1166, qu’il reçoit en conséquence comme enfants de l’Église ceux qui ont été baptisés au dehors par des hérétiques, Epist., lxxv, 1 i, ibid., col. 1167, et qu’au lieu d’innover il reste fidèle à l’antique tradition, mon aligna novitate institulu, comme dit saint Augustin, sed anliguitate roborata. De bapt., ꝟ. 22, 30, P. L., i. xliii, col. 192. Etienne se trouva ainsi avoir raison sur tous les points. De là son décret : Si guis a guacunque Itœresi venerit ad vos nihil innovetur nisiguod traditum est, ut manus Mi imponatur in psenilentiarti. Epist., lxxiv, 1, P. L., t. iii, cul. 1128. Ce décret exige quelques explications. Cf. Dissert. quavera Sh’pliani cirrn rerrptioncm li.vrclicurum setir tentiu r.rplii iitur, /’. L., t. iii, col. 1249 sq.

2° Qu’entendre par ces mots : Si quis a guacungue hæresi venerit ? Impliquent-ils, dans la pensée du pape, la validité de tout baptême conféré par n’importe quel hérétique, quel que soit le mode de collation’.' Nullement. Car il faut d’abord remarquer que le fond du débat ne roulait pas sur l’emploi de la formule baptismale, mais sur le rôle du ministre et du sujet. Néanmoins, à l’encontre des rebaptisants, Etienne plaçait la validité du baptême dans l’emploi régulier de cette formule, abstraction laite du ministre et du sujet. Il y a, disait-il, rémission des péchés et seconde naissance dans le baptême des hérétiques, Epist., lxxv, 8, P. L., t. iii, col. 1161, par le seul fait qu’il est conféré au nom de la Trinité. Epist., lxxv, 91, ibid., col. 1162. Sa validité provient de l’efficacité de la formule trinitaire, de la vertu du nom de Jésus-Christ. Par suite, partout où s’emploie cette formule, où intervient le nom de Jésus-Christ, il y a la présence et la sanctification de Jésus-Christ, Epist., lxxv, 12, 18, ibid., col. 1166, 1170 ; rénovation et justification. Epist., lxxiii, 16 ; lxxiv, 5, ibid., col. 1119, 1131. Le baptême des hérétiques, quels qu’ils soient, est dès lors juste et légitime. Epist., lxxiv, 2, ibid., col. 1129. Du reste les hérétiques ne conféraient pas le baptême avec une autre formule que celle de l’Église ; la difficulté ne portait pas alors sur la tonne du baptême. Mais il pouvait arriver, et il arriva qu’un doute pût planer sur la fidélité des hérétiques à l’emploi de la formule consacrée. On dut donc se préoccuper de la question de savoir si le baptême avait été régulièrement conféré d’après la formule trinitaire. De là, dès le commencement du ive siècle, le canon du concile d’Arles prescrivant une enquête préalable. D’après le résultat de cette enquête, ou bien on recevait les hérétiques, baptisés dans l’hérésie, par la seule imposition des mains, ou bien on exigeait la collation du baptême catholique. Et cette dernière prescription s’appliqua en particulier aux paulianistes et à quelques autres. C’était l’exception ; car, en général, les hérétiques restèrent fidèles à la formule usitée dans l’Église catholique. C’est ce qui permettait de dire à saint Augustin, au commencement du ve siècle : Facilius inveniuntur hæretici qui non baptizent, quam qui non verbis islis baptizent. De bapt., vi, 25, 47, P. L., t. xliii, col 214.

3° Etienne, au dire de Cyprien, Epist., lxxiii, 4, de Firmilien, Ejiist., lxxv, 18, de l’auteur du De rebaptismate, 1, P. L., t. iii, col. 1112, 1170, 1183, parle du baptême donné au nom de Jésus-Christ. Ce baptême du Christ indique-t-il le baptême ordinaire conféré, d’après l’Évangile, selon la formule trinitaire, ou un baptême spécial ? Rien dans la controverse ne permet de croire qu’il s’agisse d’un baptême particulier. Car c’était l’usage de désigner le baptême ordinaire sous le nom de baptême du Christ. Saint Hilaire remarque, au IVe siècle, que les passages des Actes des apôtres, où il est question du baptême du Christ, ne sont pas en contradiction avec ceux où il est parlé du baptême conféré selon la formule trinitaire. De synodis, 85, P. L., t. x, col. 538. On disait, aux temps apostoliques, le baptême du Christ pour le distinguer du baptême de Jean ; on continua dans la suite à se servir de la même expression pour désigner le baptême dont Jésus-Christ avait donné la formule dans l’Évangile. Par conséquent prétendre que saint Etienne regardait comme valide le baptême conféré au seul nom de Jésus-Christ, sans aucune mention des deux autres personnes divines, c’est forcer le sens des textes, ainsi qu’ont eu le tort de le faire, parmi les modernes, Gieseler, Kirclwngescltichte, Bonn, 1824-1857, t. i, p. 397, et Néander, Allgem. Gesch. der christl. Relig., Hambourg, 1825, t. i, p. 177. Rien De prouve, en effet, dans les documents qui nous restent, que Cyprien, Firmilien ou l’auteur du De rebaptismalr aient compris que, dans la pensée d’Etienne, il se soit agi d’un baptême particulier, autre que le baptême ordinaire.

4° Dans la question du baptême des hérétiques, le pape Etienne estimait qu’au sujet de la validité il faut faire abstraction du ministre, mais pas de celui qui reçoit le sacrement. Car, de l’aveu même îles opposants, il requérait