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CANADA (CATHOLICISME)

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tout à promouvoir l’éducation de la jeunesse et la vie religieuse dans les communautés. Il écrivit plusieurs lettres pastorales sur ces sujets. L’instruction des filles était alors donnée par les ursulines qui avaient une maison à Québec et une autre aux Trois-Rivières, et par les sœurs de la congrégation Notre-Dame qui comptaient 14 maisons. De plus, ces religieuses avaient formé des institutrices qui répandaient l’instruction dans les campagnes. Pour les jeunes gens, outre le collège des jésuites et le petit séminaire de Québec, on avait ouvert une école des arts et métiers à Saint-Joachim ; et les sulpiciens avaient fondé des écoles latines à Montréal. Cf. Mandements des évêques de Québec, publiés par M3 r Têtu et l’abbé Gagnon, Québec, 1887, t. i, p. 543. L’instruction primaire était donnée par des instituteurs amenés de France ou pris au pays. Les frères Charon en firent passer 24 au Canada. Les religieux et leurs novices s’adonnaient aussi à cette œuvre. Nous voyons même les curés de Montréal, en signant sur les registres, ajouter à leur titre celui de maître d’école.

Ms r Dosquet quitta le Canada en 1735, épuisé par un climat trop rigoureux. Démissionnaire en 1739, il est remplacé par Ms^ de Lauberivière. Après plusieurs années de veuvage, l’Église canadienne se réjouissait de l’arrivée du nouvel évêque (1740) quand il lui fut rapidement ravi. Le prélat s’était prodigué pendant la traversée auprès des soldats atteints du scorbut et avait contracté le terrible mal. Il eut pour successeur, l’année suivante, Ms’de Pontbriand (1741-1760). Ce fut le dernier évêque de la domination française. Il releva sa cathédrale qui tombait en ruines (1744-1748), contribua à restaurer le monastère des ursulines des Trois-Rivières et l’Hôtel-Dieu de Québec (1755), dévorés par le feu, supprima 19 des 35 fêtes cbômées d’obligation, dont il renvoya la solennité au dimanche, établit les retraites ecclésiastiques ; par sa science et sa vertu il fut le modèle de son clergé.

Tandis que les chefs de la hiérarchie travaillaient à l’affermissement de la foi, ils étaient vaillamment secondés par un clergé plus nombreux et par les communautés. Les jésuites avaient encoredes missions, mais elles étaient fort réduites. On estime, en effet, que les maladies contagieuses, l’eau-de-vic et les guerres d’extermination qu’ils s’étaient livrées avaient abaissé le nombre des sauvages à un dixième de ce qu’ils étaient en 1650. Les sulpiciens avaient travaillé sans arrêt à la colonisation <le l’ile de Montréal et de la région environnante. Leurs supérieurs furent tous vicaires généraux de l’évêque de Québec. A Dollier de Casson, décédé en 1701, avait succédé M. Vachon de Belmont (1701-1732), qui fit construire à ses frais le fort de la Montagne, le vieux séminaire encore debout, et commencer le canal de Lachine à Montréal. M. Normant du Faradon, qui le remplaça (1732-1759), sauva d’une ruine imminente l’hôpital général en se chargeant en partie des dettes des frères Charon et en le faisant passer entre les mains des sœurs grises, les « Tilles de la Charité » du Canada, dont il est, avec M me d’Youville, le fondateur (1755). Paillon, Vie de Jlf me d’Youville, fondatrice des sœurs grises, Montréal, 1852 ; M m « Jette, Vie de la Vénérable Mère d’Youville, Montréal, 1900. A Saint-Sulpice de Montréal appartenait également cet abbé Picquet à qui la ville d’Ogdensburg érigeait, en 1899, un monument comme à son fondateur. Missionnaire au lac des Deux-Montagnes, où il construisit un calvaire devenu lieu de pèlerinage, il passa ensuite dans l’Ouest, fonda la célèbre mission de la Présentation (1719) et exerça une telle Influence sur les Indiens qu’il les tint fidèles à la France dans les circonstances désespérées de la dernière guerre (1756-1759), infligea, à la tête de ses bandes iroquoises, plusieurs défaites aux Anglais, qui, ayant vainement tenté de le gagner à leur cause, mirent sa tête à prix ; par son intrépidité, enfin, il arracha au gouverneur

Duquesne ce cri d’admiration : « L’abbé Ticquet me vaut mieux que dix régiments. ».1. Tassé, L’abbé Picquet, dans la Revue canadienne, janvier et février 1870, t. vu ; Bibaud jeune, Le Panthéon canadien, Montréal, 1858 ; Biographie universelle ancienne et moderne, Paris, 1823, t. xxxiv, p. 289 ; Lettres édifiantes et curieuses, Lyon, 1819, t. xiv ; Mémoire sur la vie de M. Picquet, par M. de la Lande, de l’Académie des sciences, p. 262.

On sait quels événements précipilèrent la chute de la colonie. Ils appartiennent au domaine de l’histoire générale. Après la prise de Québec (1759), Ms r de Pontbriand se retira à Montréal, chez les prêtres de Saint-Sulpice. De là, il instruisit minutieusement ses curés par des lettres circulaires sur la conduite à tenir en ces temps difficiles, et s’éteignit (8 juin 1760), avant d’avoir vu Montréal au pouvoir des Anglais.

Il fallait pourvoir à l’administration d’un diocèse immense. Avec l’autorisation du général Murray, le chapitre s’assembla et nomma des administrateurs : M. Briand, pour la région récemment conquise, M. Perreault pour les Trois-Rivières et la partie encore française, M. Montgolfier, supérieur de Saint-Sulpice, pour Montréal et le Haut-Canada, M. Maillard pour l’Acadie, M. Forget pour les Illinois, M. Beaudoin pour la Louisiane.

Le 10 février 1763, fut signé le traité de Paris qui cédait le Canada à l’Angleterre. Pour l’Église canadienne se fermait la période de l’établissement et de l’affermissement de la religion et s’ouvrait celle des luttes et de l’épanouissement qu’il nous reste à parcourir.

II. Après 1763. — Au moment du traité de Paris, la population catholique, toute d’origine française, comptait à peine 70000 âmes. Tous les chefs naturels des Canadiens avaient regagné la France. Seul le clergé leur restait. Il se trouva investi de la double mission de conserverie peuple dans la foi des aïeux, et de le diriger dans la conquête de ses droits civils et politiques. Cf. Ferland, Cours d’histoire du Canada, t. il, p. 607 ; Gailly de Taurines, La nation canadienne, p. 44 ; E. Rameau, Situation religieuse de l’Amérique du Nord, dans Le correspondant, juillet 1860.

Pendant la discussion du traité de Paris, le clergé adressa à l’ambassade de France à Londres un mémoire sur les affaires religieuses du Canada, réclamant la garantie de l’évêché et du chapitre de Québec et proposant de faire élire l’évêque par le chapitre, avec l’agrément du roi, comme on faisait autrefois dans l’Église. Les agents du clergé offrirent même de loger l’évêque au séminaire, dont il serait le supérieur et dont les membres, devenus chanoines, formeraient son chapitre. « Car, disaient-ils, c’est un usage reçu dans toute l’Église, qu’il n’y a point d’évëque titulaire sans chapitre. »

Autres étaient les pensées du gouvernement anglais. A la hiérarchie catholique il se proposait de substituer la hiérarchie anglicane et se flattait d’avoir aisément raison de la conscience d’une poignée de colons. Après avoir aboli les lois françaises de sa propre autorité, le roi George III exigea des Canadiens le serment d’allégeance. On signifia aux curés que, s’ils refusaient de le prêter, ils se préparassent à sortir du Canada. Même ordre fut donné aux autres habitants. C’était leur demander l’abjuration et la révolte conlre la juridiction du saint-siège. En même temps, on dressai ! un état des églises, îles prêtres, des curés, de leurs revenus, de leurs biens, ainsi qu’un tableau des communautés religieuses, avec un précis de leurs constitutions, droils, privilèges et propriétés. A Londres, un projetait de re «  lever la cathédrale de Québec, au profil de l’anglicanisme, et afin d’intéresser à ce dessein l’archevêque de Canlorhéry, l’évêque de Londres et la Société biblique, on leur faisait entendre que l’on brait main basse sur