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CANADA (CATHOLICISME)


lions : Agniers, Ononlagués, Tsonnontouans, Onnegouthsi et Goyogouins. Il ne paraît pas que la population totale de ces tribus ait dépassé 100000 individus.

A leur évangélisation se dévouèrent d’abord les récollets. Dès leur arrivée (1615), le P. d’Olbeau au milieu des Montagnais, et le P. Le Caron, remontant le Saint-Laurent et l’Outaouais, prêchent la foi en plein pays huron, tandis que deux de leurs compagnons restent à Québec au service des colons et des sauvages d’alentour. Pendant dix ans ils multiplient les voyages ; ouvrent des écoles pour les enfants indiens ; font venir de nouvelles recrues et parmi elles, le P. Viel qui périt dans l’Ottawa, victime de la perfidie d’un Huron, cf. Hist. du Sault-au-Récollet, par l’abbé Ch. Beaubien, Montréal, 1897, et le F. Sagard, qui publia le premier une Histoire du Canada, Paris, 1686 ; s’ingénient pour se créer des ressources et poursuivre leur œuvre ; mais se heurtent à l’indifférence du gouvernement français, à la malveillance de la Compagnie des marchands, qui a le monopole du commerce des pelleteries, et à l’impuissance du gouverneur dénué lui-même de secours.

Se sentant incapables de poursuivre seuls les missions entreprises, les récollets font appel aux Pères jésuites. Les Pères de Brébeuf, Lalemant et quelques autres passent alors (1625) au Canada. Mais tous les efforts des missionnaires sont paralysés par la Compagnie des marchands qui ne tient aucun de ses engagements : attirer des habitants, fixer les Indiens, les accoutumer à l’agriculture, favoriser le catholicisme, en un mot fonder une colonie. Louis XIII et Richelieu la suppriment (1627) et la remplacent par la Compagnie de la Nouvelle-France qui promet d’amener « les peuples qui habitent le Canada à la connaissance de Dieu et de les faire instruire de la religion catholique, apostolique et romaine ». On n’eut guère le temps de voir l’effet de ces bonnes dispositions ; moins de deux ans après (1629), Québec tombait au pouvoir de David Kertk qui guerroyait au compte de l’Angleterre. Port-Royal avait succombé l’année précédente (1628). De l’Acadie, la France ne conservait que le fort Saint-Louis, qui n’avait pas cédé, grâce à la fidélité courageuse de Charles de la Tour. Tous les religieux durent repasser en France (1629).

Le Canada ne fut rendu à la France qu’en 1632 par le traité de Saint-Germain-en-Laye. Le cardinal de Richelieu offrit aux jésuites de reprendre leurs missions. Aussitôt plusieurs traversent l’Océan. Champlain, gouverneur, Jean de Lauzon, président de la Compagnie des Cent-Associés, les aident de tout leur pouvoir. Le P. Lejeune organise le service religieux à Québec, fonde une maison aux Trois-Rivières et ouvre le collège de Québec (16135) qui devint une source de vie intellectuelle pour le pays. Cependant, d’autres jésuites établissent une mission à Miscou, île à l’entrée de la baie des Chaleurs. De là, leur zèle s’étend à la Gaspésie, à l’Acadie et au Cap-Breton. Pendant plus de trente ans (1633-1664), ils marquent leur passage par le baptême d’enfants en danger de mort et la conversion de quelques adultes, jusqu’au jour où les récollets reprirent la direction des missions d’Acadie et de Gaspésie. Champlain était mort (25 décembre 1635) entre les bras du P. Lalemant, heureux des succès de la foi. Après lui, l’ardeur des missionnaires ne se ralentit pas. Le P. Le Jeune s’enfonce dans le pas des Montagnais, suit leurs tribus errantes. Il en rapporte un programme d’évangélisation nettement déterminé. Chez les populations stables, connue les Hurons, l’établissement d’une mission est nécessaire, mais il est inutile chez les tribus nomades. Il faut amener les sauvages errants à se grouper en villages auprès des établissements français, à l’abri des incursions ennemies, et les initier à une vie laborieuse et sédentaire. Sur ce plan, deux fondations sont faites, l’une aux Trois-Rivières, l’autre près de Québec, en un lieu appelé Siliery, en l’honneur du commandeur de ce nom qui en fut l’insigne bienfaiteur. Cf. Les Jésuites et la Nouvelle-France au xviie siècle, par le P. de la Rochemonteix, S. J., Paris, 1895, t. i ; Vie de l’illustre serviteur de Dieu, Noël Bruslard de Siliery, Paris, 1843, p. 17. En 1640, nouvelle mission fondée à Tadoussac qui devient dès lors un centre de propagande catholique. Cf. Arthur Buies, Le Saguenay et la vallée du lac Saint-Jean, Québec, 1880, p. 56.

Tandis que les jésuites poursuivent l’évangélisation des Indiens, la providence envoie à Québec des religieuses hospitalières et des ursulines (1639). Les premières dirigeront un Hôtel-Dieu que dote la duchesse d’Aiguillon, nièce de Richelieu ; les secondes, à la tête desquelles se trouve Marie de l’Incarnation, pourvoiront à l’éducation des filles. Leur protectrice, Mme  de la Peltrie, les a suivies. Ces héroïques femmes rivalisent de zèle pour la conversion des sauvages. Voir abbé Casgrain, Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, Québec, 1878 ; Id., Histoire de la Vén. Mère Marie de l’Incarnation, Québec, 1880 ; Œuvres complètes de l’abbé Casgrain, 4 vol., Montréal, 1890 ; Histoire de la Vén. Mère Marie de l’Incarnation, d’après dom Claude Martin, son fils, par l’abbé L. Chapot, 2 vol., Paris, 1892 ; Lettres de Mère Marie de l’Incarnation, in-4°, Paris, 1681 ; abbé A. Gosselin, H. de Bernières, in-12, Québec, 1902.

Mais la Compagnie des Associés manque à ses engagements. Elle attire peu de colons, ne fait rien pour fixer les Indiens, se désintéresse de la propagation de la foi. D’autre part, les Iroquois deviennent chaque jour plus menaçants. En 1641, le gouverneur de Montmagny doit soutenir contre eux une véritable guerre. Dans ces conjonctures se forme la Compagnie de Montréal. Elle se propose, sans être « à charge au roi, au clergé, ni au peuple, pour seule fin, la gloire de Dieu et l’établissement de la religion dans la Nouvelle-France ». Née de l’inspiration de deux hommes de Dieu, M. Olier et M. de la Dauversière, cf. Vie de M. Olier, par M. Faillon, S. S., 4e édit., Paris, 1873, t. iii, p. 397 sq., encouragée par Urbain VIII, elle trouve dans Paul de Chomedey de Maisonneuve un fidèle exécuteur de ses intentions. Les Associés achètent de M. de Lauzon, directeur de la Compagnie des Cent-Associés, l’île de Montréal (7 août 1640). Moins de deux années après, Maisonneuve, à la tête d’une petite troupe de chrétiens déterminés, parmi lesquels Jeanne Mance, future fondatrice de l’Hôtel-Dieu, débarque dans l’île (18 mai 1642) et jette les fondements de Ville-Marie ou Montréal. Nous ne dirons pas tout ce qu’il fallut d’énergie, « le vigilance et de démarches à Maisonneuve pour affermir et développer l’œuvre naissante ; nous ne retracerons pas les luttes héroïques que la colonie soutint contre les Iroquois pendant plus de trente ans. En 1653 arrive à Montréal Marguerite Bourgeoys, fondatrice de cet admirable institut des sœurs de la congrégation Notre-Dame qui instruisent depuis près de trois siècles les jeunes Canadiennes. Quatre années plus tard (1657), M. Olier mourant envoie les quatre premiers prêtres de Saint-Sulpice : de Queylus, Souart, Gallinier et d’Allet, sur cette terre de Montréal où il aurait di siré venir lui même.

Sur la fondation et les premières années de Montréal consulter Dollier de Cassen, S. S., Histoire du Montréal, publiée par les soins de la Société historique de Montréal, Montréal, 1869 ; Faillon, S. S., Histoire de la colonie française en Canada, 3 in-4°, Montréal, 1865 ; Les véritables motifs de messieurs et dames de la Société de N.-D. de Montréal, pour la conversion des sauvages de la Nouvelle-France, in-4°, Paris, 1643 ; Faillon. S. S. Vie de la Vén. Mère Bourgeoys, 2 in-8°, Paris, 1853 ; Id., Vie de Mlle  Mance, fondatrice de l'Hotel-Dieu de Villemarie, Paris, 1853 ; Id. Vie de M. Olier, fondateur du séminaire Saint-Sulpice, 4e édit., 3 vol., Paris, 1878 ; P. Rousseau, S. S., Vie de Paul Chomedey de Maisonneuve Montréal, 1886.