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Canada (catholicisme)


I. CANADA. Catholicisme. I. Établissement et conquêtes de la foi catholique bous la domination française, du commencement du xviie siècle jusqu’au traité de Paris, en 1763. II. Ses luttes et ses victoires sous le sceptre britannique, de 1763 jusqu’à nos jours. III. État actuel.

Le Canada ou, plus exactement, le Dominion du Canada s’étend de l’océan Atlantique au Pacifique ; il est borné au Bud par les États-Unis et les Grands-Lacs ; au nord il n’a d’autres limites que celles que lui assignent l’ardeur des missionnaires, la hardiesse des découvreurs et les mers polaires. Ce cadre, aux proportions gigantesques, embrasse un pays plus vaste que l’Europe, découpé en sept États ou provinces, en trois territoires organisés et cinq non organisés. Les sept provinces de la confédération canadienne sont les provinces de Québec et d’Ontario, appelées aussi Bas et Haut-Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Colombie anglaise et l’Île du Prince-Édouard. L’union des quatre premières remonte à 1867 ; les trois autres adhérèrent successivement à l’union en 1870, 1871 et 1873. Les territoires organisés : Assiniboia, Saskatchewan, Alberta ; et les territoires non organisés : Athabaska-Mackenzie, Yukon, Franklin, Ungava et Keewatin, font également partie du Dominion. Seuls le Labrador et Terre-Neuve restent en dehors, bien qu’ils se rattachent, l’un à la hiérarchie ecclésiastique du Canada, tous les deux aux possessions anglaises de l’Amérique du Nord.

La hiérarchie ecclésiastique étend partout ses réseaux, jusqu’aux missions les plus reculées, mais il s’en faut bien qu’ils soient partout également serrés. Avec ses 1 430 000 catholiques, la province de Québec renferme à elle seule les trois cinquièmes de la population catholique du Canada, estimée à 2 230 000 (recensement de 1901). Environ 800 000 sont dispersés dans les autres provinces ou territoires, plus ou moins mêlés ou noyés parmi les protestants de diverses dénominations. Partout, cependant, sauf au Manitoba, dans l’Ontario et dans la Colombie, le catholicisme l’emporte, par le nombre de ses adhérents, sur chacune des sectes protestantes prises à part. On s’en convaincra par le tableau suivant :

[Tableau à insérer]

  QUÉBEC. ONTARIO. NOUVELLE-ÉCOSSE.
Catholiques
1 429 260
Anglicans
81 563

La religion catholique embrasse environ 42 p. 100 de la population totale du Dominion qui est de 5 371 315 habitants. Dans la dernière décade d’années, elle s’est accrue de plus de 250 000 âmes. Ce gain, qui dépasse celui des sectes susnommées prises ensemble, est dû surtout aux naissances, et a été réalisé en dépit d’un mouvement d’émigration des Canadiens vers le Nord-Est des États-Unis, où l’on compte aujourd’hui plus d’un million de Canadiens français. Hamon, S. J., Les Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre, in-8o, Québec, 1891. A l’ouest, un mouvement en sens inverse se produit, faisant affluer beaucoup de protestants de la république américaine dans les riches plaines de la Saskatchewan et du Manitoba, Ces deux mouvements, à l’est d’expansion catholique aux États-Unis, à l’ouest d’invasion protestante dans le Canada, auront-ils sur le catholicisme en ce dernier pays des effets défavorables que l’on peut humainement prévoir ? C’est le secret de la providence.

I. Avant 1763.

Le catholicisme fut implanté au Canada par la France. Les marins des côtes bretonnes et normandes avaient entrevu ce pays, avant que Cabot (1497) et Verazzano (1522) y aient abordé, avant que Jacques Cartier y ait pénétré (1535). Cet illustre navigateur fit trois voyages au Canada. Dans le premier, il reconnut la Gaspésie et fit célébrer la messe sur cette terre (7 juillet 1534) ; dans le second, il remonta l’estuaire du fleuve appelé par lui Saint-Laurent (10 août 1535), jusqu’à Stadacona, aujourd’hui Québec, et a jusqu’au village d’Hochelaga, sur l’emplacement duquel s’élève la florissante cité de Montréal. Après un hiver (1535-1536) au milieu des sauvages, il revint en France. Son voyage de 1541-1542 est sans importance. Si Cartier ne réussit pas à établir une colonie sur les terres dont il venait de doter sa patrie, il faut lui savoir gré des intentions qui le guidèrent. Il voulut contribuer à « l’augmentation future de notre très sainte foi ». Relation de J. Cartier insérée dans l'Hist. de la Nouvelle-France par Marc Lescarbot, Paris, 1609. Cf. Dionne. La Nouvelle-France de Cartier à Champlain, 1540-1603, in-8°, Québec, 1891.

Sans nous arrêter à quelques essais d’établissements coloniaux en Acadie, qui aboutirent à la fondation de Sainte-Croix et de Port-Royal (aujourd’hui Annapoli qui, d’ailleurs, avortèrent par suite de divisions intestines et de l’hostilité de l’Angleterre, mais où il est bon de noter qu’apparaissent les premiers missionnaires, prêtres séculiers et jésuites, arrivons à Samuel de Champlain. fondateur de Québec et de la Nouvelle-France. Champlain avait visité le Canada en 1003 : il s’y fixa en 1608 ; en 1615, il lui donna dans les récollets ses premiers apôtres. Ces religieux inaugurèrent ces missions à l’intérieur du Canada, si fameuses au xviie siècle et auxquelles allaient bientôt prendre une part si glorieuse les jésuites (1625) et les sulpiciens (1657).

Dans les vastes contrées qui s’ouvraient au zèle des missionnaires, habitaient deux races sauvages tout à fait distinctes : les Algonquins et les Hurons-Iroquois. A la famille algonquine appartenaient les Abénakis, voisins de l’océan Atlantique ; les Hontagnais, fixes dans le bassin du Saguenay et du lac Saint-Jean ; les Attikamèques ou Poissons-Blancs des hauts plateaux des Laurentides ; les Outaouais de l’Ile Manitoulin (lac Huron) et beaucoup d’autres peuplades échelonnées depuis la baie d’Hudson jusque dans les praires de l’Ouest. Quant a la souche huronne-iroquoise, elle se divisait en deux grandes branches : les Yendats ou Hurons et les Iroquois. La première s’étendait entre les lacs Huron, Érié, Sainte-Claire et Simcæ, où elle projetait trois rameaux : Attignaouantans, Arendahronons et Attignecnonguahacs. La seconde s’étalait au sud du lac Ontario, où, se ramifiant, elle formait les cinq na