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CHYPRE (ÉGLISE DE)


Sous le gouvernement de Thierry, Thomas Morosini, premier patriarche latin de Conslantinople, brigua pour obtenir que la province ecclésiastique de Chypre fût soumise à la juridiction de son siège. P. L., t. ccxv, col. 966. Ses tentatives n’aboutirent pas. L’Eglise de Chypre, même sous la domination latine, continua à jouir de l’autocéphalie qu’elle possédait depuis des siècles. Cependant Innocent III ordonna à l’archevêque de Nicosie de se rendre à Rome ou d’y envoyer des délégués pour trancher le différend qui venait de surgir entre lui et le patriarche de Constanlinople. Histoire de Chypre, t. ii, p. 33-36. En 1210-1211, les chanoines de j Nicosie nommèrent au siège archiépiscopal un certain j Durand ; ce choix ne fut pas agréé par le saint-siège. Les chanoines s’étaient permis de présenter au jeune roi Hugues 1 er de Lusignan deux candidats et de s’en tenir à celui qu’il préférait. Des accusations ayant été portées contre le nouvel élu, Innocent III chargea Albert, patriarche de Jérusalem, d’examiner l’affaire, et si l’élu pouvait répondre à ces accusations, de le consacrer et de lui conférer le pallium. Potthast, Regesta pontificum romanorum, t. i, n. 4350 ; P. L., t. ccxvi, col. 424. Le patriarche de Jérusalem reconnut que les accusations portées contre Durand étaient fausses, mais il refusa de confirmer sa nomination, parce que les chanoines de Nicosie avaient appelé le roi à se prononcer sur les deux candidats. Innocent III approuva pleinement cette décision. Dans trois lettres des 13 et 15 janvier, adressées au roi de Chypre, au chapitre de Nicosie et au patriarche de Jérusalem, Potthast, t. i, n. 4646, 4649, 4650, il insiste sur la nécessité de procéder à une nouvelle élection, la première étant entachée d’un vice radical. Le pape revendique avec fermeté les droits de l’Eglise, et la pleine indépendance du pouvoir ecclésiastique dans le choix de ses pasteurs. Il reproche au roi d’empiéter sur les droits de l’Église, P. L., t. ccxvi, col. 733, et ordonne aux chanoines de nommer un nouveau titulaire. Le patriarche de Jérusalem, l’archevêque de Césarée et l’évêque de Saint-Jean d’Acre sont chargés de confirmer ou de réformer ce choix. P. L., loc. cit., col. 734. On ne connaît pas l’issue du conllit. Probablement l’élection de Durand fut définitivement annulée. Histoire des archevêques, p. 213. Les chanoines de Nicosie durent nommer à sa place le patriarche Albert, dont le nom ne (igure pas non plus dans YOriens christianus. Il est mentionné par les deux chroniqueurs de Chypre, Amadi, Chronique, p. 27, et Florio Huslron, p. 82, qui lui attribuent la pose de la première pierre de la cathédrale de Sainte-Sophie à Nicosie. D’après ce dernier, il eut comme successeur Eustorgede Montaigu, né d’une riche famille de chevaliers d’Auvergne. Pendant les longues années de son gouvernement (1217-1250), Eustorge laissa d’innombrables souvenirs dans l’histoire des royaumes d’Orient. Histoire des archevêques, p. 214, L’Eglise de Chypre lui fut redevable en grande partie de sa prospérité. Nous n’avons pas à faire ressortir son rôle et son action politiques. Mas-Latrie juge ainsi son action ieuse : « Il se. montra sévère défenseur des droits de l’Église contre les grands et les petits, les laïques et les clercs, et en même temps administrateur généreux et dévoué. Il régla avec la royauté et la noblesse sur de ba es équitables la question des dîmes et des anciennes terres ecclésiastiques : il favorisa le développement du clergé régulier, il accrut les domaines de l’église métropolitaine, il augmenta le nombre de ses clercs et la splendeur du culte ; il construisit un archevêché et termina l’église de Sainte-Sophie qu’Albert avait commencée, » Histoire des archevêques, p. 215. Les deux conventions de Limassol (1220) et de l’amagoustc (1222) réglaient les relations entre les barons et le clergé’au sujet des dîmes, et subordonnaient I, . clergé grec a l’Église latine. Par ces conventions la noblesse s’obligeait à payer a I I -lise la dtme de tous

les revenus de ses biens, Histoire de Chypre, t. iii, p. 612, et le clergé à son tour promettait de laisser les chevaliers dans la libre jouissance des possessions qui’autrefois avaient appartenu aux monastères et aux églises grecques. Ces dispositions parurent à la noblesse une charge trop lourde pour elle. La reine Alix de Champagne et les barons latins de Chypre en appelèrent au saint-siège. Mais Gérold, patriarche de Jérusalem et légat apostolique, n’écouta pas ces plaintes, et rappela à la noblesse l’observance de ses engagements. Histoire de Chypre, t. iii, p. 631. Les Regesta des souverains pontifes contiennent plusieurs pièces adressées à Eustorge. Elles témoignent du zèle du Saint-Siège à augmenter la prospérité matérielle de l’Eglise latine de Chypre, à y déraciner les abus et à y maintenir la discipline. Honorius III lui recommande de ne pas multiplier les chapelles sans nécessité, Pressutti, Regesta Honorii papee III, Rome, 1895, t. i, n. 6737, d’obliger les Syriens, les jacobites et les nestoriens établis dans l’île à obéir aux évêques latins, ibid., n. 3750 ; Histoire de Chypre, t. iii, p. 618019 ; il l’autorise à exercer ses fonctions d’évêque en dehors des limites de son archidiocèse, ibid., t. il, n. 3 ; il engage les évêques cypriotes à augmenter le nombre des desservants de leur église, Pressutti, n. 4783 ; Documents nouveaux, p. 345, et Eustorge accrut le clergé de la cathédrale de Sainte-Sophie et ses ressources. Histoire des archevêques, p. 220. D’autres pièces de Grégoire IX et d’Innocent IV attestent le zèle d’Eustorge, qui mérita de la part du Saint-Siège une plus grande indépendance à l’égard des légats romains dans l’île. Cependant son administration donna prise aux critiques du cardinal Eudes de Çhàleauroux, qui, au mois de mars 1248, visita l’Église de Chypre et signala l’oubli complet des décisions du concile de Latran de 1215 relatives à l’instruction des fidèles. « L’ignorance, écrivait le cardinal, est la source de toutes les erreurs. » Mansi, t. xxvi, col. 338. Le légat donna ordre d’établir une école de grammaire et une école de théologie à Nicosie, et des écoles pour les enfants dans les villages les plus importants des diocèses latins. Il trouva que le nombre des chanoines était trop restreint et peu en rapport avec les revenus considérables dont l’église cathédrale était pourvue, et décida qu’il fallait en élever le nombre jusqu’à douze. Il recommanda enfin de multiplier les paroisses. Eustorge mourut le 28 avril 1250, selon Amadi, Chronique, p. 200. Histoire de Chypre, t. i, p. 355. Il eut pour successeur Hugues de Eagiano, ou de Pise, doyen du chapitre métropolitain de Rouen, qui se rendit a Chypre vers l’an 1248, et y revêtit l’habit des chanoines réguliers de Saint-Augustin au monastère de Lapais. La consécration du nouvel évêque eut lieu le 9 avril 1251. Une lettre d’Innocent 111, du 22 décembre 1251, l’autorise à porter le pallium, et lui donne le titre d’archevêque. Histoire des arclievêqucs, p. 232. Il se distingua par son zèle, recommanda souvent aux clercs de fréquenter les offices, se montra très ferme dans la défense des droits de son Église contre les empiétements de la maison royale et de la noblesse, et les documents du cartulaire de Sainte-Sophie témoignent de ses vertus et de l’austérité de ses mœurs. Peut-être, au jugement de Mas-Latrie, lui eût-il f. ; llu un esprit moins absolu et plus disposé aux ménagements que nécessitait la transition dans le domaine religieux de la vieille suprématie grecque à la suprématie latine. Revue historique, 1877, t. v, p. 68. Après sa retraite et sa mort en Toscane, Memorie istorichedi /><" i<<>nnin Mushi i>isa » i, Pise, 1792, p. 91-1 16, le siège archiépiscopal de Nicosie fut occupé par Bertrand, selon la chronologie de Mas-Latrie, et ensuile par Raphaël, qui, dans un synode provincial tenu à Nicosie, donna les règles pour l’administration des sacrements, lorsque les Latins ne professaient pas la même doctrine que les Crées. Sons Jean d’Ancône, franciscain (1288), le patriarche de.lé-