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CHRÊME (SAINT)


Rouen, en 1072, Mansi, t. xiv, col. 72 ; t. xx, col. 37. Saint Optât de Milève mentionne déjà l’ampoule du chrême, ampullam chrismatis. De schism. donatist., H, 19, P. L., t. xi, col. 972.

IV. Symbolisme.

Le symbole est par excellence le langage religieux de l’Église dans la liturgie de ses sacrements. Mais de toutes les choses saintes qui sont à son usage, aucune assurément n’offre un plus riche ensemble de mystiques emblèmes que l’huile chrismale consacrée avec un déploiement si imposant de rites significatifs et destiné à rappeler aux fidèles, en servant à les leur conférer, les souveraines prérogatives du Christ et les dons mystérieux de l’Esprit-Saint. Dès l’origine, l’Église s’attache à faire ressortir ce mysticisme profond, très simple dans ses données premières, mais qui deviendra bientôt, sous l’influence du pseudo-Denys, une science complexe et opulente.

Au début, l’huile chrismale semble n’avoir été envisagée symboliquement que dans ses rapports avec le Christ, dont elle rappelle le nom. S. Théophile d’Antioche, Ad Autol., i, 12, P. G., t. vi, col. 104. Comme l’explique à son tour saint Optât de Milève, c’est la vertu du Christ qui réside en elle et qui lui infuse, avec son exquise suavité, ce mystique pouvoir d’amollir l’épiderme de la conscience durci par le péché, qux cutem conscientise mollial, e.rclusa duritia peccatorum, de pacifier la vie et d’être la lumière pure de la vraie intelligence. De scliism. danat., iii, 7, P. L., t. xi, col. 1090 sq. Mais dans la doctrine de saint Pacien, le chrome est devenu « l’onguent du Saint-Esprit » et l’onction chrismale signifie, grâce à l’union des deux symboles, la rénovation dans le Christ par l’Esprit. Ad Symphron., ii, 7 ; iii, 6, P. L., t. xiii, col. 1062, 1093. Saint Ambroise émet une pensée analogue, De mysler., vi, 29 ; vii, 42, P. L, , t. xvi, col. 398, 402, et saint Cyrille de Jérusalem développe longuement cette même doctrine dans sa m « instruction catéchétique. Le chrême constitue la mystérieuse image de celui par qui fut oint le Christ, c’est-à-dire de l’Esprit. Cateclt. myst., m, P. G., t. xxxiii, col. 1089, 1092. Pour saint Augustin, c’est parce que l’huile peut devenir flamme qu’elle est le signe sacré de l’Esprit, feu divin de nos âmes. Oleum… ignis nostri, Spiritus Sancli est sacramentum. Serm., ccxxvii, ail infantes, P. L., t. xxxviii, col. 1100. Mais elle est aussi le signe visible de la grâce, qui fait de nous des rois et des prêtres, les membres du Christ par la vertu de l’Esprit. De Trin., xv, 26, P. L., t. xlii, col. 1093. Avec le pseudo-Denys, le symbolisme du chrême prend des développements imprévus, dont les premiers scolastiquos, habiles à séparer l’or du clinquant, l’idée chrétienne de l’expression néo-platonicienne, feront largement leur profit. Pour lui, le mélange aromatique qui constitue le chrême et qui répand, sans l’épuiser, son embaumante odeur, est l’emblème de la divine bonté dans ses communications inellablement douces avec nous, l’image sensible de Jésus, source merveilleuse et secrète d’où émanent, pour ceux qui savent s’unir à lui, les parfums purifiants et vivifiants de la divinité. Ecoles, hier., iv, 4, P. G., t. iii, col. 480. A la lumière de ce principe, résumé succinct de toute la doctrine, les moindres détails de la liturgie « lu chrême trouvent ingénieusement leur mystique explication, que seuls pourront percevoir les initiés, les familiers de l’Esprit. Ainsi les rites de la consécration chrismale ne sont i-il.les qu’à ceux qui entourent le consécrateur. Mais l’explication de ces nos sacrées, îgpûv a ! y’.y|iaT(5v, donne-t-elle toujours le vins qui a présidé’à l’institution même de ces rites’.' Rien n’autorise à le croire, car certains rapprochements sont d’un esprit plutôt subtil et raffiné’qui va chercher bien loin le pourquoi des choses simples, par exemple, pour l’encensement de l’autel par l’évêque, col. 176, pour l’explication des douze ailes sacrées qui

DICT. DE T1IFOI, . CAT1IOI..

recouvrent le (jLijpov, col. 480. Mais l’ensemble des conclusions garde sa valeur et le principe lui-même ne peut être contesté. Au reste, la pensée fondamentale du pseudo-Denys se rencontre expressément dans la théologie de saint Cyrille d’Alexandrie, qui reconnaît le 6-j5J. ! a(j.a trJvôîTov, Exod., xxx, 7, comme la préfiguration du Christ. De adorât, in Spir., 9, P. G., t. lxviii, col. 621.

Sans attacher aux aspects poétiques du sujet une faveur aussi marquée, Rupert a formulé avec une précision plus sûre d’elle-même le sens anagogique de tous, ces rites et les symboles essentiels de l’huile chrismale. Le chrême est le signe du Saint-Esprit dont il contient la vertu, l’emblème aimable de sa grâce. L’huile provient de l’olivier, et cet arbre n’est-il pas au service de la paix et de la lumière ? Quse arbor pacis et lucis ministra est. Le baume découle du plus odoriférant des arbres. Autant de symboles de l’Esprit-Saint et de son action en nous. Tous les rites de la consécration du chrême viennent préciser et nuancer richement ce mystérieux emblème. La bénédiction chrismale est fixée au jeudi-saint, en mémoire de l’immolation de l’agneau dont le sang apposé sur les portes des Hébreux préservait de l’extermination, comme le signe de la croix empreint avec l’huile sur les fronts sauve le chrétien des attaques de l’ennemi. C’est dans le sanctuaire des églises que s’opère cette consécration, dans le lieu où l’on donne la paix. Les douze prêtres qui entourent le consécrateur rappellent les douze apôtres, choisis par Jésus-Christ comme témoins en ce jour qui fut celui de son testament, celui où il légua à son Église l’héritage du salut, l’Esprit-Saint. L’ampoule qui contient le chrême symbolise le Christ, né de la Vierge Marie et renfermant en lui la plénitude du Saint-Esprit. L’ampoule n’est point tout à fait recouverte, car la divinité du Christ apparaissait à demi voilée. Dès que l’huile chrismale est bénite, les voiles sont rejelés et l’ampoule est offerte à la vénération des prêtres, pour rappeler la manifestation du Christ à ses apôtres après sa résurrection. Mais il n’a voulu se manifester qu’aux apôtres. Voilà pourquoi l’ampoule chrismale est recouverte de ses voiles avant d’être exposée à la vénération des fidèles : elle symbolise alors le Christ qui reçoit, invisibledans le ciel, l’adoration des peuples. De divin, of/ic, V, 16-18, P. L., t. Ci.xx, col. 140 sq. Cf. Honorius d’Autun, Gemma animæ, iii, 80, P. L., t. clxxii, col. 663 sq.

Les scolastiques ne retiennent de ces considérations que le symbolisme de l’huile chrismale, le seul qui soit rentré directement dans le cadre des questions proprement théologiques. Le pape Innocent III en avait fourni la formule en quelques mots : Per oleum nitor conscienlite dexignatur, perbalsamum odor bonse famæ exprimitur. C. Cum venisset, De sacra unctione, Décret. , t. I, tit. xv, c. i, § 2. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, ii, 15, 1, P. L., t. ci.xxvi, col. 577. Saint Thomas et saint Bonaventuro développent en termes définitifs ce double symbole, qui indique dans le chrétien la plénitude des dons de la grâce pour soi et pour les autres. Non seulement le chrétien doit posséder en lui la vertu de l’Esprit qui l’éclairé par la foi, mais il doit la faire resplendir au dehors par les actes de la plus suave charité. S. Thomas, Sum. theol., III- 1, q. lxxii, a. 2 ; S. Bonaventure, In IV Sent., disl. VU, a. 1, q. il, Quaracchi, t. IV, col. 167.

V. Usages.

Le chrême est proprement l’huile consécratoire : on l’emploie en forme d’onction dans toutes les cérémonies qui ont pour but d’affecter officiellement les personnes ou les choses ; m service ou au culte divins. Dans l’Ancien Testament, l’huile de l’onction servait à sacrer les prêtres, el peut-être aussi, en vertu d’un symbolisme profond, les rois, mandataires de Dieu. Cf. Scacchus, Sacrorum eixoclirismaton myrothecium,

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