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CHINOIS (RITES)


ces choses que ses confrères permettaient, et nous avons en effet déjà relevé l’affirmation constante des missionnaires jésuites sur ce point.

Ce décret donnait satisfaction aux partisans de la tolérance ; détruisait-il celui qu’avait obtenu en 1645 le P. J.-B. Morales ? Cette question posée au saint-siège par le P. Jean Polanco, dominicain, fut résolue, le 20 novembre 1669, par un troisième décret du Saint-Office, approuvé par Clément IX. La S. C. déclara que les deux décrets antérieurs subsistaient dans leur force, in suo robore, et que l’un et l’autre devait être observé, suivant les questions, les circonstances et tout ce qui est contenu dans les doutes proposes. C’est-à-dire qu’on laissait à la conscience des missionnaires de voir, dans chaque cas particulier, si les circonstances étaient celles des qumsila de 1645 ou celles des quxsila de 1656, pour interdire ou permettre une pratique aux néophytes.

A cette époque, un réel progrès dans le sens de l’accord se manifestait : plusieurs missionnaires distingués de l’ordre de Saint-Dominique, encouragés par leurs premiers supérieurs, s’étaient ralliés à la pratique approuvée par Alexandre VII ; les jésuites, de leur côté, faisaient des concessions aux scrupules des autres, notamment dans la question des noms de Dieu. Des événements, malheureux en eux-mêmes, favorisèrent ce mouvement. Durant la terrible persécution qui s’éleva contre le christianisme, en 1665, tous les missionnaires que les mandarins purent saisir dans les provinces furent relégués à Canton. Ils s’y trouvèrent ainsi 23, enfermés dans la même maison, pendant cinq ans : sur ce nombre, trois étaient de l’ordre de Saint-Dominique, un de celui de Saint-Franeois et les autres de la Compagnie de Jésus. Ils pensèrent ne pouvoir mieux employer leurs loisirs forcés qu’à s’entendre définitivement sur une méthode uniforme d’apostolat. Dans des conférences qui durèrent quarante jours, ils discutèrent tous ensemble et formulèrent en articles 42 points, où la discipline de l’Église demandait à être adaptée aux nécessités du milieu chinois. Le 41e article, qui réclama la plus longue délibération, était conçu en ces termes :

Cirra eoeremonias quibus Si nx magistrum suumConfucium

et mortuos venerantur, sequen da cimnino sunt responsa S. C.

S. el U. InquisitionisaSS. D.N.

Alexanciro VII approbata

a. 1858 : quia fundantur in

valde probabili opinione, cui

nulla contraria evidentia opponi

potest ; qua posita probabilitate, non est occludenda janua salu tis innumerabilibus Sinis, qui

arcerentur a christiana reli gione, si prohiberentur ea fa cere qure licite ac bona fide

facere pnssunt et non sinegra vissimis incommodis præter aiitlere cogerentur.

Quant aux cérémonies par

lesquelles les Chinois honorent

leur maître Confucius et les

morts, il faut décidément suivre

les réponses de la S. C. de l’In quisition approuvées par N. S.

P.Alexandre VII, en lb56 : parce

qu’elles sont fondées sur une

opinion très probable à laquelle

on ne peut opposer aucune évi dence contraire ; et, cette pro babilité supposée, il ne faut

point fermer la porte du salut

aux innombrables Chinois, qui

seraient écartés de la religion

chrétienne, si on leur défendait

de faire ce qu’ils peuvent faire

licitement et de bonne foi et ce

qu’ils ne sauraient omettre

sans de très graves préjudices.

Le principal parmi les dominicains était le P. Dominique Fernandez Navarrete, chef (protêt) de la mission de son ordre, en Chine, où il était depuis 1659. Son supérieur majeur, le P. Vincent Trot, vicaire provincial des dominicains de l’Extrême-Orient, lui avait donné mandat exprés de faire l’union avec les missionnaires de la Compagnie et l’avait autorisé à signer, au nom de toute sa famille religieuse, ce qui serait statué à la majorité des voix dans les conférences de Canton. Ces conférences s’étaient terminées le 26 janvier 1668 par le choix unanime de saint Joseph comme patron des missions de Chine ; les 42 articles, successivement votés, après discussion et amendements, par la majorité’des Pères présents, avaient été souscris par tous. Seul peut être le P. Antoine de SainteMarie, franciscain, fameux pour son intransigeance certainement excessive, autant que pour son zèle et sa haute vertu, ne les signa point ou, s’il signa d’abord, tit bientôt effacer son nom. Le P. Navarrete suivit cet exemple, un peu plus tard. Le 8 mars 1668, il remit au P. de Govea, vice-provincial des jésuites internés avec lui, une longue note contenant les difficultés qui lui restaient contre l’article 41. Le P. de Govea chargea plusieurs de ses subordonnés d’y répondre : les PP. Prosper Intorcetta, François Brancati et Dominique Gabiani, italiens, et le P. Jacques le Favre, de Paris, le firent dans des écrits qui sont d’amples et savantes dissertations. Le P. Navarrete parut satisfait de ces réponses, surtout de celle du P. Brancati, bourrée de citations chinoises ; et, le 29 septembre 1669, il donna par écrit au P. vice-provincial son adhésion claire et nette aux pratiques de la Compagnie concernant les rites, dans le sens du décret de 1656. Mais, le 19 décembre de la même année, il s’échappait furtivement de Canton et passait à Macao, et de là en Europe. Fn Espagne, où il était en 1672, puis à Borne, où il arriva le 6 janvier 1673, il ne travailla plus qu’à détruire ce qu’on avait lente de faire dans les conférences de Canton. En 1676, parut à Madrid le I er volume de ses Tratados historicos, polilicos, ethicos y religiosos de la monarchia de China. Il se compose, en majeure partie, d’attaques contre les méthodes d’apostolat des jésuites au Japon et surtout en Chine, spécialement quant à la question des rites. Sur cette question roule encore plus exclusivement le t. ii, imprimé à Madrid en 1679, peut-être sans avoir été terminé par l’auteur, devenu archevêque de Saint-Domingue, où il rechercha de nouveau l’amitié des Pères de la Compagnie.

La controverse, qui, avant cette publication, était restée à peu près dans le cercle des hommes compétents et autorisés pour la résoudre, se trouvait, maintenant, jetée dans le grand public, ignorant, incapable déjuger autrement que d’après ses sympathies ou ses antipathies pour les parties intéressées. Écrit, d’ailleurs, par un homme lui-même passionné, d’esprit plutôt léger, comme le prouvent ses variations, pour ne point parler de sa sincérité très contestée, l’ouvrage de Navarrete fournit à souhait des armes aux protestants, tel le pasteur Jurieu, contre l’Église catholique, et surtout aux jansénistes, contre la Compagnie de Jésus.

En 1674, Navarrete proposa également au Saint-Office une longue série de questions sur les rites chinois ; la S. C. chargea deux de ses consulteurs, les PP. Brancati de Laurea et Jean Bona, depuis cardinaux, d’y répondre, mais ne rendit pas de nouveau décret.

Une intervention de plus grande conséquence pour la solution de la controverse se produisit en 1693. Charles Maigrot, de la Société des Missions étrangères, était entré en Chine avec Ma’Pallu, premier vicaire apostolique de cette Société, en 1683. Il était vicaire apostolique du Fou-kien, sans être encore évéque (il fut nommé évoque de Conon in parlibus infidelium, en 1697), quand, le 26 mars 1693, il publia un mandement, édictant pour tous les missionnaires de son vicariat une règle de conduite uniforme par rapport aux pratiques controversées, « en attendant que le saint-siège eût décidé la question. » Il y proscrivait les noms de Tien et de Chang-ti ; il défendait de permettre en aucun cas aux chrétiens la participation ou l’assistance aux « sacrifices ou oubliions solennelles » en l’honneur de Confucius et des morts ; il n’autorisait les tablettes des ancêtres qu’en y changeant l’inscription usuelle et en piaçanl à côté une profession de foi chrétienne ; il blâmait et interdisait certaines assertions trop favorables, selon lui, à Confucius et aux anciens philosophes chinois. L’article de l’ordonnance le plus hardi, et certainement le principal dans l’intention de M’J r Maigrot, était celui qu’il mettait en troisième lieu, ainsi formulé : « Nous déclarons que