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avec son collègue J. Môrlin, il y publia un nouveau formulaire dogmatique, condamnation explicite des idées osiandristes, conforme presque en tous points à la doctrine luthérienne de la confession d’Augsbourg et aux articles de Smalkalde ; il est connu sous le titre de Corpus doctrinae Prutenicum, 1567. Le duc Albert de Prusse lui donna sa sanction solennelle et le rendit obligatoire pour ses États.

Henri, duc de Brunswick, mourut en 1568 ; Jules, son fils et successeur, ardent luthérien, chargea Chemnitz, devenu surintendant, et Jacques Andréa, chancelier de Tubingue, de rédiger pour son duché un formulaire de la doctrine réformée. La nouvelle ordonnance, composée au convent de Wolfenbuttel (1568), parut sous le titre de Corpus doctrinæ Brunswick, 1569 ; Chemnitz en publia un résumé : Brevis et simplex forma, etc., et plus tard : Enclnridion, que les pasteurs et les instituteurs durent signer sous peine d’exil ; là encore, il s'était efforcé de satisfaire tous les esprits sur les cinq articles au sujet desquels ils s’entendaient le moins : la justification, les bonnes œuvres, les cérémonies, le libre arbitre et la cène. Pourtant, il semble que Chemnitz désespérait d’aboutir dans cette conciliation, car il écrit à Môrlin : « On s’apprête à faire cesser les querelles par la violence et par le poing, on écartèlera les llaciniens, puis leurs partisans, après quoi l’ordre et la paix régneront sur terre ! » En effet, les réformés allemands se divisaient de plus en plus ; Chemnitz et Andréa se remettent à l'œuvre ; ils composent, en 1574, une formule de concorde approuvée par le convent de théologiens wurtembergeois convoqués à Maulbronn (formule de Maulbronn), réapprouvée ensuite au colloque deTorgau, réuni en 1576 par l'électeur de Saxe, et auquel assistèrentChemnitz, Andréa, Kôrner, Musculus, Chytrocus, etc. Au dire de Chemnitz, cette concorde nouvelle ou Livre de Torgau écarte toute trace de l’esprit de Mélanchthon ; pourtant Andréa disait alors de Chemnitz qu’il serait bon qu’il quittât la Saxe, parce qu’il était « faux et déloyal et ferait revenir le règne des llaciniens » ; de son côté Chemnitz disait que pour arriver à la paix et à l’union, il faudrait éloigner Andréa. De fait, le Livre de Torgau n’eut pas plus de succès que les concordes précédentes, et, alin de le reviser, l'électeur Auguste réunit en 1577 le synode de Bergen, près de Magdebourg. Chemnitz, Andréa, Chytrœus, etc., y modifièrent surtout les articles du libre arbitre et du péché originel : au fond, la nouvelle concorde ou Livre de Bergen soutient très strictement la doctrine luthérienne, repousse toute innovation inspirée du cryptocalvinisme de Mélanchthon, rejette absolument le synergisme, nie toute disposition de l’homme à la grâce ou au salut, limite la prédestination aux seuls élus.

Ce fut la dernière concorde inspirée par Chemnitz : signée par les ministres de Souabe et de Basse-Saxe, elle fut encore discutée ; entin, elle fut publiée en 1580, réunie à la confession d’Augsbourg, aux articles de Smalkalde et aux catéchismes de Luther de 1529. Le tout fut appelé Formulée concordiae : ainsi, grâce à Chemnitz, la doctrine luthérienne parut solidement établie aussi bien dans la foi du peuple que dans l’enseignement officiel des États de l’Allemagne du Nord.

Epuisé par tant de travaux, Chemnitz résigna, le 5 avril 1584, sa charge de surintendant de Brunswick ; la même année, il composa encore, pour le landgrave de Hesse-Cassel, un rapport sur le calendrier grégorien ; malgré son origine romaine, il concluait à son acceptation, lieux ans après, il mourait, laissant à ses héritiers de grands biens, que ses ennemis lui ont parfois reprochés.

II. ÉcniTS.

Les écrits de Chemnitz, réputés parmi les œuvres théologiques les plus considérablesdu temps, peuvent être classés en trois catégories :

1° Écrits en faveur des idées luthériennes, surtout

sur la cène ; ils soutiennent la présence réelle, contre les sacramentaires. Tels sont : Repetitio sanse doctrinae de vera prsesentia corporis et sanguinis in cœna. Additus est tractatus complectens doctrinam de communicatione idiomatum, Leipzig, 1561, ouvrage traduit ensuite en allemand par le prédicant J. Zanger ; De duabus naturis in Christo, de hypostatica earum unione, de communicationc idiomatum et de aliis quæstionibus independentibus, etc., Iéna, 1570, 1578. Ce qui fait l’originalité de l’opinion de Chemnitz sur la cène, c’est ce qu’il appelle muUivoliprsesentia Christi ; en effet, tout en soutenant l’enseignement de Luther sur l’ubiquité, il croit à une présence relative, en tous lieux, de la nature glorieuse et transfigurée du Christ, dépendant de la volonté très libre de l’Homme-Dieu. Adesse possit et adsit, ubicumque, quandocumque et quomodocumque vult.

2° Écrits contre l'Église catholique et surtout contre les jésuites. — Jean Monheim avait publié à Dusseldorf, sous le titre de Doctrina cœlestis, un catéchisme que les jésuites de Cologne réfutèrent par une Censura de præcipuis doctrines cœlestis capitibus, 1560. Chemnitz y répondit par une très vive critique de leur théologie : Theologiæ jesuitarum præcipud capita ex quadam ipsorum censura, quæ Colonise, anno 1560 édita est, adnotata, Leipzig, 1562 ; in-8°, La Bochelle, 1589 ; trad. allemande par Zanger. Le même ouvrage fut publié en 1623 sous ce titre : Theologise jesuitarum brevis ac nervosa descriptio et deUneatio ex præcipuis capitibus censurée ipsorum quæ anno 1500 Colonise édita est, adnotata, in quo origo et arcana jesuitarum aperiuntur. Chemnitz y dit, entre autres choses, que « si l’ordre des jésuites s'était borné à fonder le collège de Borne et n’avait rien fait d’autre, il mériterait pour cela d'être regardé comme le plus dangereux ennemi du luthéranisme ». — « Les scélérats qui se font appeler jésuites, par une présomption singulière et criminelle, ne font aucun cas de la sainte Écriture, qui est l’unique règle donnée par le Christ. » Dans l’ardeur avec laquelle les jésuites défendent « l’idolâtrie de la messe », il flaire « l’odeur de l’excrément du diable ; ils savent le bon revenu que la messe leur procure ; ils trouvent avantage de vendre leurs prières pour les vivants et les morts ; ils aiment le dogme du purgatoire qui garnit si bien leur garde-manger et leur cellier ». Canisius y répondit, puis Jean Aller, professeur à Ingolstadt, par un mémoire en allemand sur la Compagnie de Jésus contre Chemnitz et Zanger (1563). Le théologien portugais Andrada (voir t. i, col. 1179) le réfuta aussi dans Explicationum orlhodoxarum de controrersis religionis capitibus libri decem, et De Socielatis Jesics origine libellus contra Kemnitii cujusdam pelulantem audaciam, in-i°, Cologne, 1565. Comme il y développait la doctrine catholique du concile de Trente, Chemnitz y répondit par son Examen concilii Tridenlini quadriparlilum ; la I re partie parut à Francfort en 1563, 1a IVe en 1573 ; il mit donc huit années â publier ces 4 in-fol. (traduits en allemand, en 1576 par Georges Nigrinus, pasteur â Giesscn, réédités en 1599 à Francfort, traduits de nouveau par Georg. Johannes à Francfort, 1707. et encore en 1862). Chacune des parties est précédée d’une épître dédicatoire à un prince allemand ; en tête de la I re est une pièce de vers : Narratio de synodo nicena versibus exposita, autorc Matliia Bergio Brunsvicensi. C’est un vrai cours de théologie à l’usage des Églises luthériennes ; il fut tellement apprécié, qu’il mit son auteur au premier rang parmi les théologiens protestants du xvie siècle. A grands renforts d’arguments puisés dans l’exégèse, l’histoire et le dogme, il s’efforce de combattre chacun des décrets du concile de Trente. Outre les réfutations qu’en firent Bellarmin, Grégoire du Valence, Havenstein, professeur à Louvain, il faut