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gner de la « route nationale », et de verser dans le fouriérisme et le saint-simonisme. Chatel avait publié : Le code de l’humanité, ou l’humanité ramenée à la connaissance du vrai Dieu et au véritable socialisme, in-8°> Paris, 1838. Ce code, divisé par chapitres et par versets, était destiné à faire l’éducation pratique des peuples. Il préconisait la réhabilitation de la matière, l’égalité de la lemme et la liberté matrimoniale. Chatel se livrait aussi à la politique, et la police détendit l’affichage de sa lettre pastorale de 1839. Dans une note du Constitutionnel, il prétendit qu’il y avait eu, cette année, 3000 communions pascales dans son église. Une troisième édition de VEucologe parut en 1839, et du Catéchisme en 1810. En 1841, Chatel cherchait à réveiller l’attention publique par ses discours imprimés sur le culte des grands hommes, l’immortalité, les enseignements des hommes et les enseignements de Dieu, l’apostasie et par un Éloge de Napoléon. Au mois de septembre 1841 et 1842, il organisa une fête de la femme. Au mois de novembre, il parla sur la philanthropie à la Loge des hospitaliers de Jérusalem. Ses discours trop libres sur le féminisme et l’émancipation des femmes furent signalés au gouvernement. Le 28 novembre 1842, son église du taubourg Saint-Martin fut fermée par l’arrêt du préfet de police. Chatel était prévenu d’outrages contre la morale publique. Ce fut en vain qu’il adressa un Appel aux catlioliques français, et à la Chambre des députés. Dans le courant de janvier 1843, les préfets de la Haute-Marne, de la Loire-Inférieure et de la Haute-Vienne firent fermer les trois dernières succursales qu’avait l’Église française en province.

Chatel toutefois n’abandonna pas ses fidèles. Obéré de dettes, il confia son Église à un conseil d’administration, sorte de fabrique, qui devait, au moyen de cotisations, lui fournir les fonds nécessaires pour vivre et pourvoir aux frais du culte. Il eut à soutenir deux procès qu’il perdit, fut emprisonné, puis s’exila à Mons en Belgique. Il revint bientôt à Paris et publia une lettre pastorale pour Pâques 1843. Cependant, il s’était brouillé avec son conseil d’administration, sous prétexte que celui-ci lui refusait les vivres. Le 10 février 1843, le conseil adressa aux fidèles une circulaire leur annonçant qu’entre lui et Chatel la rupture était complète ; il rendait compte des sommes versées à son ancien chef et prévenait que le culte serait continué par M. Bandelier et les lévites. C’était un nouveau schisme. De son coté, Chatel cherchait à gagner des fidèles ; il se tourna de plus en plus du côté des saint-simoniens. Il publia encore une lettre pastorale pour Pâques de 1845. En 1816, il était malade et malheureux et, pour lui venir en aide, Mcge faisait imprimer et mettait en vente trois discours sur l’hypocrisie, la cène et la charité. Chatel était devenu marchand de denrées coloniales ; mais son commerce d’épicerie était peu llorissant.

La révolution de 1848 le fit reparaître sur la scène publique. Dans les derniers jours de février, il placarda sur les murs de Paris une proclamation. Il devint orateur des clubs ; il y parlait en faveur du divorce et il fréquentait les réunions socialistes. Il tenta de rouvrir son Église, dont le siège provisoire fut établi à son domicile, rue de Fleurus, n. 5. Une brochure intitulée : Loi du culte selon l’Eglise française et la loi sociale mm relie par le citoyen Chatel, in-8°, Paris, 1818, nous bit connaître, dans un style bizarre, ses nouvelles idées. La loi sociale veut que le culte, qui est un sentiment Inhérent à la nature humaine, soit raisonnable. Ce culte doit être rendu à Dieu et à l’homme, en qui on honore le génie. Il convient â l’homme, individu, cin et humanité, et règle les cérémonies relatives à la naissance, â la puberté, â la virilité et à la mort. Chatel admet pour chaque individu un état antécédent, une préexistence, relativement â laquelle la vie actuelle est une chute. Le baptême du nouveau-né est sa consé cration au Grand-Être. A l’âge de puberté correspond l’enseignement du catéchisme, qui se résume dans la liberté, l’égalité et la fraternité. L’acte symbolique de cette époque de la vie est la première cène ou la communion. L’homme parvenu à l’état de virilité se marie ; le mariage est nécessaire, et la femme mariée est l’égale de son mari. Le culte aux détunls a une triple base : la triple croyance à l’éternité de l’être humain ou de sa triple existence dans une vie passée, dans la vie présente et dans la vie à venir. Les devoirs envers Dieu sont l’adoration, l’action de grâces et la croyance au bonheur. La nature de l’homme est une dans une triple virtualité : instinct, sentiment, connaissance. Bien ne se perd pour l’éternité. Ces rêveries panthéistiques n’eurent pas grand succès. Chatel cependant aurait réuni autour de lui un semblant d’Église, qui aurait été formellement interdit par la police en 1850. Béduit dès lors à la pauvreté, Chatel donnait, passage Dauphine, où il habitait, des consultations de magnétisme, et aussi des leçons de grammaire à quelques enfants. Dans sa dernière maladie, il fut recueilli par une femme charitable, chez qui il mourut, le 13 février 1857, rue du Four-Saint-Germain, sans s’être réconcilié avec l’Église. Par clause testamentaire, il avait refusé l’assistance du clergé à son enterrement. Il fut donc inhumé civilement au cimetière Montparnasse. Il était oublié, et il y eut peu de monde à ses funérailles. Ce réformateur sans grandes vues religieuses et sans culture intellectuelle n’exerça pas une profonde iniluence. Il ne réussit pas à établir en France le catholicisme libéral qu’il avait rêvé. Agitateur de surface, il aboutit seulement à fonder un de ces petits cultes, qui n’attirent que des oisifs et des âmes blasées et n’ont qu’une vogue passagère. Il était parti du simple libéralisme religieux et politique et il finit par le communisme et le socialisme. Joly, Le socialisme chrétien, Paris, 1892, p. 197-199, II. Doctrine, constitution et culte. — 1° Doctrine.

— Chatel et ses premiers adeptes ne voulaient tout d’abord qu’introduire une réforme dans le catholicisme et modifier la discipline. Ils gardaient les dogmes. Mai* Chatel versa bientôt dans le pilr rationalisme et le déisme. Dans sa Profession de foi de 1832, il posait ces trois principes : « l u La raison de chacun doit être la règle fondamentale de ses croyances. 2° On doit suivre sa propre conviction, lors même qu’elle se trouve en opposition avec les croyances générales ; si on se trompe en agissant de la sorte, la faute n’est que matérielle. 3° Se conduire d’après des croyances qu’on regarde comme absurdes, lors même que ces croyances seraient universelles, c’est au moins faiblesse. » Il rejetait donc l’infaillibilité de l’Église, par cette’raison que les opinions des hommes sont toujours variables et incertaines. Dans les Conséquences et développements de la profession de foi, il rejetait aussi tous les dogmes des Églises, qui étaient contraires à la raison. Par suite, il n’admettait plus ni trinité, ni incarnation, ni rédemption, ni virginité de Marie. Il ne croyait qu’en un seul Dieu et il fondait le christianisme unitaire. Quant à Jésus-Christ, il n’était pas Dieu, mais seulement un homme extraordinaire. Il était le fils du tout-puissant d’une manière plus excellente que les autres hommes ; il était le sauveur du monde, parce qu’il avait dissipé des ténèbres et répandu des lumières dans le monde. Sa mission et ses doctrines étaient divines, et l’Église française lui rendait un culte de dulie. Le symbole de cette Église comprenait douze articles. Les cinq premiers concernaient Dieu et ses attributs métaphysiques et moraux. Le (ie disait que ta religion naturelle est a seule vraie, bonne et utile ; le 7°, que Jésus-Christ est un modèle de vertu et qu’il méritait d’être honoré comme un homme prodigieux ; le 8*, qu’on peut faire son salut dans toutes les religions ; le 9°, que le fond de la morale était dans ces paroles : i I aites aux autres