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CHARTREUX


Mire, publié à Cologne, en 1609, sous le titre : Origines cartusianorum monasleriorum per orbem universum, donne les noms de deux cents chartreuses, même de celles qui n’existaient plus. Trente ans plus tard, en 1639, dom Gérard Éloy publia un autre catalogue des chartreuses, qu’il annexa à ses commentaires de la vie de saint Bruno par Surius, mais il n’en compte que 223, tandis que la liste plus exacte de M. Vallier nous présente 257 maisons jusqu'à 1633 inclusivement. D’après cette liste, depuis 15Il jusqu'à 1667, il y eut trente-trois fondations nouvelles, et l’ordre était partagé en seize provinces. Sous le généralat de dom Innocent Le Masson, les maisons de la province de France, qui en 1510 étaient déjà dix-sept, étant trop nombreuses, furent divisées en deux provinces : France-sur-Seine et Francesur-Loire. La première comprenait dix chartreuses, ! a seconde neuf. Au moment de la Révolution, il y avait dans les sept provinces de France soixante-huit maisons. Selon M. Taine, à cette époque, l’ordre comptait 1 441 religieux français. En 1776, par ordre du gouvernement espagnol, on lit le recensement des chartreux d’Espagne, et l’on trouva, dans 15 maisons, 299 Pères et 122 frères, donc au total : 421 chartreux. La maison de Burgos ne figure pas dans ce recensement. Un siècle auparavant, dom Le Masson écrivait : « Actuellement, on compte environ 2 500 religieux, 1300 convers ou donnés et 170 religieuses, ce qui donnerait une moyenne de douze Pères au plus et de huit à neuf frères dans chaque couvent. A Paris, Villeneuve-près-d’Avignon, Naples, Pavie et dans cinq ou six autres de nos maisons, il y a une quarantaine de Pères ; dans la plupart une douzaine ordinairement, et un certain nombre n’en ont que huit, neuf ou dix. » Annales ord. cart., t. i, p. 93.

Le xviiie siècle, léger et incrédule, ne comprit ni la grandeur de la vie contemplative ni son utilité pour la société. Aussi fut-il le siècle de la destruction de presque tous les monastères. L’ordre, sauvé miraculeusement de la tourmente révolutionnaire, a repris au xixe siècle une nouvelle vie. En 1900, les chartreux étaient environ sept cents religieux, et dans les trois monastères de moniales on comptait une centaine de religieuses. La France possédaitonze chartreuses, dont cinq avec noviciat ; l’Italie avait deux maisons rachetées par l’ordre, dont une avec noviciat, et trois autres chartreuses appartenant au fisc, mais confiées à la garde des religieux ; la catholique Espagne tolérait l’existence de deux maisons ; l’Angleterre, la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche avaient chacune une colonie de chartreux.

ty Approbations de l’ordre par les souverains pontifes. — Nous avons déjà rapporté que le B. Urbain II s’intéressa au rétablissement de l’ermitage de Chartreuse, à l'érection d’un petit monastère à Rome, et donna plusieurs bulles en faveur de la maison de Calabre. Tous ses successeurs ont favorisé les enfants de saint Bruno. Le recueil de bulles imprimé à Bàle, en 1510, sous le titre : Privilégia ordinis carlusicnsis et multiplex confirmatio ejusdem, n’est pas le bullaire complet de l’ordre. Il ne renferme que 133 bulles d’un caractère rai, et les archives du Vatican en conservent un très grand nombre d’autres concernant tant l’ordre entier que les maisons particulières. Presque toutes débutent par un éloge de la vie cartusienne. Nicolas V, qui connaissait de bien près les enfants de saint Hruno, le 25 juin 1454, en tèle d’une bulle promulguée en faveur de la chartreuse de Mayence, loua solennellement l’ordre entier. Pie II, dans une bulle du mois d’août 1460, manifesta son affection particulière pour les chartreux.

Dans les temps modernes, Léon X restitua à l’ordre la chartreuse de Calabre et autorisa le culte de saint Bruno ; Pie IV donna aux chartreux de Borne la permission de quitter le monastère de Sainte-Croix-de-JérusaJeni ;)our se fixer aux Thermes de Dioclétien, où il venait

de faire construire l'église de Sainfe-Marie-des-Anges ; saint Pie V étendit à l’ordre les privilèges accordés aux ordres mendiants ; Sixte V approuva le bréviaire ; Grégoire XIV, en 1591, confirma les privilèges des chartreux ; il étendit le culte de saint Bruno à toute l'Église (1623) et renouvela le droit de jouir de tous les privilèges des religieux mendiants (1623) ; Clément X éleva le rang de l’office de saint Bruno et le rendit obligatoire dans toute l’Eglise ; Innocent XI accorda la faculté d’absoudre des cas réservés de la bulle In cœna Domini et les autres cas réservés au pape, approuva les statuts in forma specifica et ratifia l’approbation de la liturgie cartusienne donnée par la S. C. des Bites ; Innocent XII renouvela, en 1698, la bulle de Jules II promulguée pour sauvegarder l’unité de l’ordre ; Clément XI, ancien cardinal protecteur des chartreux, leur donna pour protecteur le cardinal Albani, son neveu, et fulmina une excommunication lalæ sententise contre quiconque oserait manger de la viande dans l’enclos de leurs monastères (1712) ; Benoît XIII, en 1727, confirma tous les privilèges accordés à l’ordre ; Clément XII, en 1737, exempta les chartreux de la visite de l'évêque respectif, lorsque dans les granges dépendantes des monastères on érigerait des oratoires ; Benoît XIV autorisa le culte du B. Nicolas Albergati et, à cette occasion, déclara solennellement sa grande estime pour l’ordre des chartreux ; en 1741, il avait agréé la dédicace de la vie de saint Bruno composée par le chanoine Zanotti ; Pie VI gémit de la suppression arbitraire des chartreuses ordonnée par Joseph II et n’accorda qu'à contre-cœur celle des maisons de Fribourg, de Mayence et de la Valsainte ; Pie VII fit rétablir les chartreuses de Rome et de Trisulti, dans les Etats pontificaux, et applaudit au retour des religieux de la Grande-Chartreuse ; Léon XII, après avoir lu le //irectoire des novices, s'écria : « Donnez-moi un chartreux qui a l’esprit de ce petit livre ; et je le canoniserai sans demander d’autres preuves de sa sainteté ; » Grégoire XVI, Pie IX et Léon XIII ont favorisé l’ordre et applaudi à son extension durant le xix B siècle.

3° Hommes illustres sortis de l’ordre des chartreux. — L'Église a autorisé le culte du B. Lanuin († 1121), de saint Ayrald, évêque († 1146), du B. Jean d’Kspagne († 1160), de saint Anlhelme, évêque († 1178), du B. Guillaume Fenoglio, frère convers (f vers 1200), du B. Odon († 1200), de saint Hugues, évêque († 1200), de saint Arthaud, évâque († 1206), de saint Etienne, évêque († 1208), de la B sc Béatrix († 1290) ('?), de sainte Roseline († 1329), du B. Nicolas Albergati, cardinal et évêque († 1443), des dix-huit religieux anglais morts pour la primauté du pape sous Henri VIII. Le nombre de chartreux morts en odeur de sainteté est très grand. Cependant l’ordre s’est toujours montré difficile pour demander au saintsiège l’autorisation de les honorer d’un culte public. Selon la juste remarque de dom Pierre Dorland, répétée par Benoit XIV, il aime plutôt faire des saints que manifester au monde la sainteté de ses membres.

Plusieurs chartreux reçurent la pourpre romaine : dom Bernard, profès de la Grande-Chartreuse (y vers 1137), dom Jourdain, profès du Mont-Dieu (fll54), dom Guillaume, évêque démissionnaire de Modène, profès de la Grande-Chartreuse († 1251), le B. Nicolas Albergati († 1443), dom Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu († 1653). Pendant le grand schisme, Benoit XIII donna le chapeau cardinalice à dom Dominique Bonafede, en 1415, qui, plus tard, s'étant soumis à Martin V, renonça à sa dignité. La pourpre fut refusée par les généraux dom Jean Hirelle (1361), dom Élizaire de Grimaurd de Grisac († 1367), dom Guillaume Baynaud († 1402) et dom François Maresme († 1463). Nicolas V voulait introduire dans le sacré-collège son directeur dom Nicolas de Cortone, prieur de la chartreuse de Florence († 1459), qui ne voulut jamais y consentir. Après la mort de saint l’ie V, on trouva dans ses papiers la liste des ecclésiaa-