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CALVINISME


tant que par son jugement éternel ils sont ordonnés à damnation, à laquelle leur nature même les mène, ce qu’ils sentent maugré qu’ils en aient. Dont il appert combien leur appétit de se rebecquer est pervers, vu qu'à leur escient ils suppriment ce qu’ils sont contraints de recognoistre : c’est qu’ils trouvent la cause de leur damnation en eux. Ainsi quoiqu’ils pallient, ils ne se peuvent absoudre. Quand donc je leur confesserai cent fois ce qui est très vrai, que Dieu est auteur de leur damnation, ils n’effaceront point pourtant leur crime, lequel est engravé en leur conscience, et leur vient devant les yeux à ebacune fois »

N. 6. « Dieu dispense et ordonne par son conseil qu’aucuns dès le ventre de leur mère soient destinés certainement à mort éternelle, afin de glorifier son nom en leur perdition. »

N. 7. « Les adversaires disent qu’Adam a été créé avec son franc arbitre pour se donner telle fortune qu’il voudroit, et que Dieu n’avoit rien déterminé de lui, sinon de le traiter selon ses mérites. Si une si froide invention est reçue, où sera la puissance infinie de Dieu, par laquelle il dispense toute ebose suivant son conseil secret lequel ne dépend point d’ailleurs… Tant y a que maugré leurs dents la prédestination de Dieu se démonstre en toute la lignée d’Adam, car il n’est pas advenu naturellement que tous décbeussent de leur salut par la faute d’un… Puisque cela ne peut être attribué à nature, il faut bien qu’il soit provenu du conseil admirable de Dieu… Dieu non seulement a prévu la cbute du premier homme, et en icelle la ruine de toute sa postérité, mais il l’a ainsi voulu. »

N. 8. « Aucuns recourent ici à la différence de volonté et permission, disant que les iniques périssent, Dieu le permettant, mais non pas le voulant. Mais pourquoi dirons-nous qu’il le permet sinon pour^e qu’il le veut'?… Le premier homme est cheut, pour ce que Dieu avoit jugé cela estre expédient. Or pourquoi il l’a jugé, nous n’en savons rien. Si est-il néanmoins certain, qu’il ne ]'a pas jugé sinon pour ce qu’il voyoit que cela faisoit à la gloire de son nom. »

N. 9. « Combien que par la providence éternelle de Dieu l’homme a été créé pour venir en cette misère en laquelle il est, il a néanmoins pris la matière d’icelle de soi-même et non pas de Dieu. Car il n’est péri pour autre cause, sinon pour ce qu’il a dégénéré de la pure nature que Dieu lui avoit donnée, en perversité. »

N. 12. « Les adversaires de la vérité usent encore d’une autre calomnie, pour renverser la prédestination : c’est que, quand elle est établie, toute sollicitude et cure de bien vivre est abbattue. Car qui sera celuy, disent-ils, lequel oyant que la mort ou la vie lui est déjà il crétée par le conseil immuable de Dieu, n’ait incontinent cette pensée en l’entendement, qu’il ne peut challoir comment il vive, veu que la prédestination de Dieu ne peut être empêchée n’advancée par ses œuvres ? Ainsi chacun s’abandonnera, et se laissera transporter désordonnément partout où sa cupidité le mènera. »

Calvin répond tout à fait à côté et par de pauvres raisons.

C. xxiv. Que l'élection est confirmée par la vocation de Dieu : et qu’au contraire les réprouvez attirent sur eux la perdition juste, à laquelle ils sont destinez.

N.."). « Nous avons un tesmoignage assez ferme el ('vident que nous sommes escrils au livre de vie, si nous Communiquons à Christ. »

N. 13. « Pourquoi donc en faisant grâce à l’un laisset-il l’autre derrière ? Saint Luc rend la raison de ceux qu’il appelle, disant qu’il 1rs avoit préordonnés à vie. Acl., xiii, 48. Que penserons-nous donc des autres, sinon qu’ils sont instruments de son ire en opprobre ? Pourtant, que nous n’ayons point honte de parler ainsi avec saint Augustin : Dieu pourroit bien, dit-il, convertir en bien la volonté des méchants, vu qu’il est

toutpuissant. De cela il n’y a doute. Pourquoi donc ne le lait-il ? Pour ce qu’il ne le veut pas. Pourquoi c’est qu’il ne le veut, cela est caché en lui. Car nous ne devons pas plus savoir que de raison. Cela sera beaucoup meilleur que de tergiverser avec Chrysostome, en disant qu’il attire celui qui l’invoque et tend la main pour avoir aide : et ainsi que la différence n’est point au jugement de Dieu, mais au vouloir des hommes… Certes cela ne se peut révoquer en doute que le Seigneur n’envoie sa parole à d’aucuns desquels ileonnoit la cécité en devoir être augmentée. »

N. 1 i. « Mais il reste encore de voir pourquoi c’est que le Seigneur fait cela : vu qu’il est certain qu’il le fait… Les réprouvés ont été suscités pour illustrer sa gloire en leur damnation. »

Voilà la doctrine que Calvin annonce comme étant fort douce et savoureuse, car elle met en relief la gloire de Dieu et elle fonde la vraie humilité ; et elle n’a rien qui puisse contiister les élus, au contraire elle leur fait apprécier davantage le bienfait de la justification par la foi, de l’inamissibilité de la grâce et de la certitude du salut. Toutefois elle devait faire reculer certains calvinistes ; le Catéchisme palatin la passe sous silence ; les articles anglicans l’adoucissent : la Confessioyi de la marche de Brandebourg la rejette.

III. Ce ule Calvin a modifié dans les doctrines

LUTHÉRIENNES : L'ÉGLISE ET LES SACREMENTS. — Les

fidèles profitent des mérites de Jésus-Christ en s’unissant à lui, et c’est la foi qui les unit à Jésus-Christ : les fidèles unis à Jésus-Christ forment donc une Église qui renferme tous les fidèles, tous les élus, tous les prédestinés : ainsi cette Église est universelle, catholique ; c’est la société de tous les saints, hors de laquelle il n’y a point de salut, et dans laquelle seule on reçoit la foi qui unit à Jésus-Christ. Mais comment la discerner ? Quels sont ses caractères, quels sont ses sacrements ? C’est ce que Calvin se propose d’examiner dans le IVe livre de Y Institution chrétienne.

1. l'église. — Luther avait commencé par enseigner que tout chrétien, étant instruit directement par l’Ksprit-Saint, est prêtre et docteur ; il n’y a donc pas de corps enseignant, pas d’apostolat perpétuel, pas de caractère sacerdotal, pas d’ordination ; ces idées, il les avait traitées à fond dans son écrit aux Frères de Bohême ; néanmoins il avait reconnu que « pour le bon ordre » il fallait conférer à quelques-uns les droits de tous et faire exercer le saint ministère par des ('lus du peuple auxquels les anciens auraient imposé les mains. Conclusion peu logique ; car si chaque fidèle est instruit par l’Esprit-Saint, le bon ordre n’a rien à craindre : pourquoi le ministère de la parole'.' pourquoi l'Église ?

Au bruit de cette nouvelle doctrine, une foule de docteurs se levèrent sur le monde et ces prophètes ('claires par le Saint-Esprit enseignèrent les opinions les plus contradictoires ; bientôt le désordre fui au comble. Luther se vit dans la nécessité d’organiser dis Églises, avec l’appui et sous la dépendance de l'État ; enfin, la Confession d’Augsbourg défendit de prêcher à tons ceux qui n’avaient pas de mission légitime. De ordine ecclesiastico docent quod nemo délient in Ecclesia publiée docere, nisi rite viicotur. Art. li. De SOI ! idée première, Luther avait tiré la conséquenci l'Église est une société invisible, el de sa pratique il avait conclu que l'Église est aussi une société visible : « On la reconnaît, disait-il, par le baptême, par la c< ne ei surtout par l'Évangile ; ces marques la font discerner infailliblement, bien qu’elle soil une société purement intérieure. » La Confession d’Augsbourg était arrivée à celle définition : « L'Église est l’as embl i des saints, dan-- laquelle l'Évangile est bien en i igné el les sacrement s bien administrés : congi torum in qua Evangelium recte doectur et recte administrantut tttr n en la. »