Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/489

Cette page n’a pas encore été corrigée
2287
2288
CHARTREUX


le gênerai des chartreux a eu aussi ses apologistes, par exemple un rédacteur des Mémoires de Trévoux, de janvier 1704, et dom Piolin, bénédictin de Solesmes, 1888.

Organisation de l’ordre.

L’ordre des chartreux, depuis l’institution stable du chapitre général et l’approbation in forma speci/icade ses statuts par Innocent XI, est ainsi organisé : Le chapitre général est l’autorité suprême de la religion cartusienne. Il s’assemble, chaque année, à la Grande-Chartreuse, sous la présidence du prieur de ce monastère, qui, de droit et toujours, est général de l’ordre, chef du définitoire et des électeurs du définitoire. Avec le prieur de Chartreuse, il y a huit définiteurs élus, chaque année, par six électeurs. Un définiteur ne peut remplir cette charge deux années de suite. La tenue du chapitre général dure quelques jours à peine, mais son autorité est universelle. Le définitoire peut reprendre, condamner et même déposer le supérieur général. Tous les prieurs peuvent assister au chapitre général, et tous, à l’exemple du prieur de Chartreuse, demandent, prosternés, la miséricorde, c’est-à-dire l’absolution de leur charge. Les prieurs absents remplissent ce devoir par une lettre.

Pendant l’année, le prieur de Chartreuse a l’autorité et les pouvoirs du chapitre général. Il peut faire des ordonnances, instituer et destituer les prieurs et les autres officiers, déléguer des commissaires pour la visite des maisons et changer un religieux d’une chartreuse à une autre. Le général est assisté par dom scribe, qui est son secrétaire, son aide et son conseil, dans le gouvernement de l’ordre. A Rome, il y a un procureur général, qui représente l’ordre et traite avec les Congrégations romaines. Chaque année, le définitoire désigne les visiteurs et les convisileurs de chaque province. La visite des maisons soumises à leur inspection a lieu tous les deux ans. Leurs propres maisons reçoivent la visite tous les quatre ans. La Grande-Chartreuse, maisonmère, est visitée tous les six ans par des commissaires nommés spécialement par le définitoire. Un visiteur ne fait pas la visite de la maison de son convisiteur, ni de celle où il a fait sa profession.

Une maison est régulière lorsqu’elle a un prieur, douze moines ou religieux de chœur au moins, et un nombre relatif de frères convers et de frères donnés. Dans chaque maison, il y a trois officiers principaux, le I’. vicaire, le P. procureur et le P. sacristain. Si la maison a le noviciat du cloître, un religieux en est chargé aec le titre de P. maître. Le noviciat des frères est souvent confié au P. procureur. Dans les maisons plus fréquentées par les élrangers, il y a un P. coadjuteur, dont les attributions sont réglées par le prieur. Les obédiences, c’est-à-dire les emplois des frères, sont l’objet principal de la sollicitude du P. procureur, qui est aussi l’économe du monastère.

Chez les chartreux on devient prieur d’une maison : I par élection faite par les profès du couvent, qui y rendent au moment de la vacance ; 2° par institution du chapitre général ; 3° par institution du général de l’ordre faite pendant l’année. La communauté d’une maison ne peu) élire son prieur que dans un de ces trois cas : I après la mort de son prieur ; 2° après l’absolution ou déposition du prieur faite dans la visite, ou par les commissaires délégués à cet eifcl ; 3° après l’abdication spontanée du prieur. Autrefois, le chapitre général après avoir fait miséricorde à un prieur, concédai) nt à la communauté’le pouvoir d’élire son successeur. La Grande-Chartreuse a le droit d’élire prieur, tout prieur de n’importe quelle maison de l’ordre. Un prieur d’une chartreuse est inéligible dans toutes les autres m. h ons, i iccepté dans relie où il a fait profesion. L’élection se fait au scrutin i près trois

jours de jeûnes et de prières, à l’issue d’une messe Solennelle du Saint-Esprit, chantée en présence de

toute la communauté. Deux confirmateurs président à 1’éleclion au nom de l’ordre. Pour être électeur, il faut être profès et résident de la maison, avoir fait les vœux solennels, et avoir reçu au moins le sous-diaconat. Une communauté ne peut procéder à l’élection de son prieur, que lorsqu’elle possède au moins quatre profès ayant fait leurs premiers vœux dans la maison.

Les moniales chartreuses, admises dans l’ordre vers 1145, reçoivent du chapitre général un supérieur spirituel avec le titre de vicaire, qui a toujours avec lui un autre religieux de chœur, appelé coadjuteur, et un ou deux frères pour le service. Les communautés des moniales ont pour dignitaires la prieure, la sous-prieure, la cellérière et la maîtresse des novices. La prieure peut être élue par la communauté ou instituée par le chapitre généralet le Père général. Tousles ans, la prieure envoie au chapitre général la demande de sa miséricorde. Dans le gouvernement de la maison, la prieure est souvent obligée de consulter le P. vicaire. Les moniales chartreuses de chœur reçoivent la consécration des vierges par l’évêque diocésain, suivant l’ancienne coutume et le rite de l’Église. Elles admettent des sœurs converses, des sœurs données et des sœurs touricres.

Dès son origine, l’ordre des chartreux n’usait jamais d’aliments gras par coutume qui, au chapitre général de 1254, devint une loi stricte, même pour les malades. L’ordre des chartreux est un ordre contemplatif, et partant nécessairement solitaire. Les statuts cartusiens imposent aux religieux la solitude qui les éloigne du monde, et le silence qui les sépare, en quelque sorte, de leurs confrères. Les pratiques de piété et de pénitence, prescrites par la règle, la méditation, la lecture spirituelle, l’office canonial chanté de jour et denuit, la messe solennelle, sont les principaux moyens de sanctification communs aux chartreux et à tous les religieux qui mènent la vie contemplative. Il n’exagéra donc pas le pape Innocent II, lorsqu’il dit que la religion des chartreux est une religion angélique : angelica religio ! Ce qui distingue les chartreux des autres ordres contemplatifs, c’est le juste partage entre les exercices de la vie érémitique et ceux de la vie cénobitique. Ce mélange des deux genres de vie des anciens Pères du désert caractérise le dessein principal de saint Bruno et donne la preuve de sa sagesse pratique. « Dans notre ordre, dit le pieux Lansperge, vous avez les deux vies érémitique et cénobitique, et l’une et l’autre tellement tempérée par le Saint-Esprit que tout ce qui, dans l’une ou dans l’autre, aurait pu vous être un danger, n’existe plus, et que l’on a seulement conservé et augmenté tout ce qui sert à votre avancement spirituel et votre perfection. » Enchiriilinn, c. XLix. Le chartreux est cénobite au chœur, au chapitre, au réfectoire, en récréation. En dehors de ces réunions, il est ermite, et, selon la remarque de dom Guigues, dans les Coutumes de Chartreuse, c. i.xxx, sa vie est modelée sur celle de Jésus-Christ au désert. La vie en cellule est le devoir capital du chartreux. « Il doit veiller, dit le statut, avec toute diligence et sollicitude à ne point se créer des nécessités, en dehors des observances réglées et communes, de sortir de cellule, mais plutôt de la considérer comme liant aussi nécessaire à son salut et à sa vie (intérieure), que l’eau est nécessaire aux poissons et la bergerie aux brebis. Plus il demeure en cellule, plus il l’aimera, pourvu qu’il s’y occupe avec ordre et utilité à la lecture, à l’écriture, à la psalmodie, à la prière, à la méditation, à la contemplation, au travail ; tandis que s’il en sort souvent, et par légèreté, elle lui deviendra bientôt insupportable ! a Part. 11. c. xiv, n. 1. La diversité de ces exercices délasse l’esprit, entretient la santé du corps, fait aimer la solitude et facilite ilièrement la reprise des occupations spirituelles, Objel principal de la vie d’un religieux. Nous parlerons spécialement plus loin de l’étude des chartreux. Quant au travail manuel, nous dirons avec M. l’abbé Lcfebvrc :