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CHARTREUX


fusion dans la désignation des monastères, le couvent de Chartreuse fut appelé la GrandeChartreuse. C’est donc à juste titre que l’institut fondé par saint Bruno porte le nom d’ordre des chartreux, et que ses membres sont appelés chartreux.

Les Coutumes du vénérable dom Guigues sont réunies sous soixante-dix-neuf titres ou chapitres, et se terminent par un magnifique éloge de la vie solitaire. Elles peuvent se diviser en trois parties : la liturgie, le gouvernement des moines ou religieux de chœur, et celui des frères convers. La liturgie ou Yœuvre de Dieu, selon la remarque de dom Guéranger, Institutions liturgiques, 2e édit., t. I, p. 101, faisant la principale occupation des moines, leur manière de célébrer l’oflice divin doit être l’objet de règlements liturgiques spéciaux, qui, tout en demeurant en rapport avec les usages généraux de l’Église, représentent d’une manière particulière les mœurs du cloître. Le bréviaire cartusien, tout en conservant sa physionomie propre, s’accorde en beaucoup de points avec la liturgie bénédictine. Il fut approuvé par un bref de Sixte V, le 17 mars 1587. Quant au missel, il est à peu près conforme à l’ancien missel de Grenoble, pour les prières et les cérémonies du saint sacrifice. L’Église de Lyon a fourni aussi aux chartreux un certain nombre d’observances liturgiques d’une haute antiquité. Lorsque dom Innocent Le Masson sollicita du saint-siège une approbation, in forma specifica, des statuts, la S. C. des cardinaux spécialement délégués par Innocent XI à cet effet, renvoya à la S. C. des Rites l’examen des bibles, du missel et du bréviaire. Le cardinal Colloredo fut chargé de cet examen. Le 9 novembre 1687, il donna par écrit son avis sur les livres liturgiques des chartreux, et avant d’indiquer les corrections qu’il proposait, il disait : Adhibita diuturna diligentia declaro, quod mens (mca) est ut retentis cœtcris, quæ vencrandse innituntur antiquilati ac conformia etiam prisco Ecclesisr romanse usui perspexi, cum nova fiet edilio breviarii anno 1643 et missalis anno 1679 impressorum corrigantur. Le 22 du même mois, la S. C. des Rites approuva le vœu du cardinal Colloredo et permit de l’imprimer. Un autre décret de la même S. C., en date du 14 mars 186’t, certifie que les corrections proposées en 1687 ont été exactement faites dans les éditions du’bréviaire en 1757 et du missel en 1771. Des Coutumes du vénérable dom Guigues, il ne ressort pas d’une manière évidente que saint Bruno ait introduit le chant noté dans les offices. La Méthode de plain-chant selon le rite et les usages cartusiens, publiée par ordre du chapitre général, Avignon, 1868, p. 55, note a, dit à ce sujet : « Bans un voyage que fit, en 1850, à la Grande-Chartreuse, le R. P. Larnbillolte, ce savant auteur avoua que nulle part le chant grégorien ne lui avait paru aussi bien conservé que dans les livres des chartreux ; opinion qu’il a aussi émise dans ses ouvrages. L’on peut donc dire qu’il en est de notre chant comme de nos cérémonies, lesquelles ne diffèrent de celles généralement suivies aujourd’hui, que parce qu’elles n’ont point changé’, ce dont on peut se convaincre, en particulier, pour nos cérémonies de la sainte messe, par la lecture de l’ouvrage du 1’. Lebrun sur cette matière. » Dans la môme Méthode, p. 257, on a reproduit le texte de la révélation de sainte Brigitte. « Léchant de vos religieuses, dit Notre-Seigneur à la sainte, ne doit èlre ni traînant, ni saccadé, ni manquer d’ensemble ; qu’il soit digne, grave, uniforme et plein d’humilité. Vos Bœurs doivent er le chant des chartreux, qui respire beaucoup plus la Buavité de l’un !, l’humilité et la dévotion qu’une certaine ostentation. »

Dom Guigues vil établir dans les ermitages fondés à l’instar de celui de Chartreuse ses Coutumes et le

approuver le genre de vie des enfants de saint

Bruno. I >i effet, en 1133, Innocent II lui écrivait dans

UICT. DE TI1ÉOL. CJITHOL.

une bulle : Ea propter… ad exemplar prsedecessorum nostrorum felicis mémorial Vrbani, Paschalis, Calixti et Ilonorii, romanorwn pontificum, laudantes et approbantes sanctas constitutiones vestras et consuetudincs pro his omnibus, qui sequi debent cas et observare, exiiunc et usque ad finem mundi pressenti decreto statuimus, etc. Cependant l’uniformité des observances dans les différents ermitages ne constituait pas, par elle-même, l’ordre des chartreux. Selon la jurisprudence ecclésiastique du XIIe siècle, chaque ermitage cartusien dépendait de l’évêque diocésain. Dans l’intérêt des nouveaux monastères vivant sous une même règle, il convenait de former une seule congrégation gouvernée par un supérieur général, et ayant, à des époques fixes, un chapitre général, dans lequel les représentants du corps entier pussent délibérer sur les affaires les plus importantes. Ce besoin fut senti à cette époque. Mais la difficulté d’obtenir le consentement des évêques respectifs, et l’avalanche de neige et de terre qui, le 30 janvier 1132, détruisit le cloître de Chartreuse, mirent obstacle à la réalisation de ce vœu du vivant de dom Guigues et de dom Hugues, son successeur immédiat. Saint Anthelme, prieur de Chartreuse de 1139 à 1151, consentit à une première réunion de prieurs, pourvu que chacun portât l’acte d’abandon que son évêque ferait du pouvoir de juridiction sur le monastère inhérent à sa charge et le consentement de sa communauté. Ce premier chapitre général se tint en Chartreuse, le 18 octobre 1142. La maison de Calabre garda son autonomie, et on ne sait même pas si elle fut invitée à s’unir avec les ermitages d’outre-monts. Sur onze monastères fondés jusqu’en 1140 selon le modèle de Chartreuse, cinq prieurs seulement assistèrent à cette assemblée. L’année suivante, un second chapitre fut réuni, mais nous ignorons si les prieurs absents l’année précédente y intervinrent. Quoiqu’il en soit, c’est sous le généralat du successeur de saint Anthelme. dom Basile, que tous les prieurs purent remplir les conditions imposées pour se soumettre à l’autorité du chapitre général et s’incorporer à l’ordre. En 1163, eut lieu, à l’ermitage de Chartreuse, la troisième assemblée, et l’on décida que le chapitre se réunirait chaque année, et que toutes les maisons de l’ordre se soumettraient à ses décisions. Par une bulle du 17 avril 1 164, Alexandre III, sur le témoignage des évêques intéressés et à la prière de dom Basile, confirma les décrets du chapitre général. Le pape renouvela cette approbation, en 1177, et conféra audit chapitre la faculté d’instituer et de destituer les prieurs. A cette époque, l’ordre était gouverné par le successeur de dom Basile, dom Guigues, appelé l’Ange.

L’établissement du chapitre général a maintenu l’identité des observances dans toutes les maisons de l’ordre et leur union avec la Grande-Chartreuse, berceau et centre de la famille cartusienne. En 1259, le chapitre général décréta que l’on réunirait en un seul corps les Coutumes de dom Guigues I er et les ordonnances faites par les chapitres généraux. Dom Riflier, prieur de Chartreuse depuis deux ans, se chargea de cette rédaction et compila les Anciens statuts en les divisant en trois parties : office divin, gouvernement des moines, gouvernement des convers, des rendus et des moniales.

Dans le premier chapitre général présidé par dom Guillaume Raynaud, élu, en 1367, prieur de Chartreuse, le délinitoire décréta de faire un nouveau recueil des ordonnances publiées depuis l’an 1259 suivant le plan et l’esprit des Anciens statuts de dom Riflier. (’était un grand service à rendre aux religieux, qui pouvaient ainsi comparer facilement les deux textes et voir d’un coup d’oeil ce qu’il fallait retenir et ce qu’il fallait modifier ou retrancher. Dom Guillaume lit lui-même ce travail et l’intitula : Statuts nouveaux, pour les distinguer des Ancien » sialuts.

Dom François Dupuy, général de 1503 à 1521, sepro II. - 72