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CHARTREUX


le promut aux ordres sacrés. Une fois prêtre, Bruno se livra à l’apostolat de la prédication et acquit du renom par l’étendue de son zèle et par les succès de son éloquence. Cependant l’Eglise de Reims avait besoin d’un écolàtre, et l’archevêque Gervais demanda Bruno, dont le savoir et la vertu lui étaient connus. Bruno accepta la charge qui lui était offerte, et fut agrégé au chapitre de la métropole. Les succès du nouvel écolàtre furent retentissants. L’école de Reims acquit une plus grande célébrité, et des pays les plus éloignés la jeunesse accourait aux leçons d’un maître justement estimé. Le B. Urbain II, saint Hugues, évêque de Grenoble, le cardinal Rangier, archevêque de Reggio, en Calabre, et beaucoup d’à litres prélats et abbés y furent les élèves de Bruno.

Gervais mourut le 4 juillet 1067, et eut pour successeur Manassès de Gournay, prélat simoniaque. Au début de son administration, le nouvel archevêque montra de bonnes dispositions pour le maintien de la discipline ecclésiastique et la correction des mœurs dans son diocèse. En 1075, il nomma Bruno son chancelier. Vers la lin de 1076, Bruno, avec les principaux membres du clergé rémois, dénonça au saint-siège le vice de l’élévation de l’archevêque. Après bien des péripéties, Manassès fut condamné au concile de Lyon et déposé le 27 décembre 1082. Ses diocésains le chassèrent de Reims, et il alla se joindre aux partisans de Henri IV et de l’antipape Guibert. Le clergé et le peuple désiraient beaucoup Bruno pour archevêque, mais lui aspirait déjà à la vie monastique. La déposition du prélat simoniaque lui permit de rentrer dans ses biens et de reprendre ses fonctions d’écolàtre ; il y renonça bientôt et ne s’occupa plus que de prières et d’austérités. Une mission que le légat du pape lui confia auprès du roi Philippe I er, l’obligea d’aller à Paris, où son ami Geolfroy, évêque du diocèse, le pria de donner des leçons de théologie à son clergé. C’est pendant qu’il enseignait dans la capitale de la France, en 1082, que les historiens chartreux placent l’épouvantable déclaration du docteur damné, qui fit prendre à Bruno et à six de ses amis la définitive résolution de s’éloigner complètement du monde et servit-Dieu dans un ermitage.

Bruno rentra à Reims, se démit de ses bénéfices et de ses charges, distribua aux pauvres ses biens. Il se mit à Molesme sous la conduite de saint Robert, le futur fondateur de l’ordre de Cîteaux. II y revêtit l’habit bénédictin, et y mena la vie conventuelle. Mais son attrait le portait invinciblement vers la vie solitaire. Un essai de ce genre d’observance était inauguré vers cette époque à Sèche-Fontaine par deux disciples de saint Robert. Bruno se joignit à eux, mais leur solitude n’était pas assez profonde pour lui. Il chercha ailleurs un désert plus inaccessible. Il partit de Molesme avec ses six compagnons de Paris, qui y étaient venus le rejoindre, et se dirigea vers Grenoble, dont saint Hugues, son ancien disciple, était évêque. Ce saint prélat avait vu en songe sept étoiles tomber à ses pieds, se relever, le conduire à travers les montagnes et les déserts dans un lieu sauvage appelé Chartreuse, où le Seigneur se construisait un temple pour les recevoir. Hugues comprit la signification de ce songe, lorsqu’on lui annonça que sepl voyageurs demandaient à l’entretenir. Vers la fête de saint Jean-Baptiste de l’année 1084, il conduisit Bruno et ses compagnons dans le désert de Chartreuse et leur fit construire provisoirement des cabanes de planches. Il défendit aux femmes d’entrer dans leur désert, et aux hommes d’y pénétrer avec des armes et roupeaux, ou d’y aller pour la chasse et la pèche. Il céda aux nouveaux religieux la propriété du désert, isiiait souvent et ne cessa jamais de les assister dans leurs besoins.

< i pendant Bruno ne devait pas demeurer longtemps dan l ermitage de Chartreuse. Le 12 mars 1088, Urbain 11, son disciple, était élu pape. Vers le commence ment de 1090, le nouveau pontife appela son ancien maître auprès de lui. Bruno laissa à Landuin, le plus âgé de ses compagnons, la charge de le remplacer pendant son absence. Plusieurs solitaires le suivirent à Borne et les autres se dispersèrent momentanément, probablement dans d’autres monastères.

Urbain II assigna à Bruno un appartement dans son palais et l’entoura d’honneurs. Il concéda à ses compagnons l’église de Saint-Cyriaque, bâtie sur l’emplacement des anciens Thermes de Dioclétien. Mais bientôt Bruno leur persuada de rentrer en France et retourner dans les montagnes du Dauphiné. Urbain II leur donna deux brefs ; l’un adressé à Seguin, abbé’de la Chaise-Dieu, en Auvergne, lui ordonnait de rendre aux compagnons de maître Bruno le désert de Chartreuse, et l’autre enjoignait à l’archevêque de Lyon et à l’évêque de Grenoble de faire exécuter cet ordre. Le 17 septembre 1090, Séguin remit les solitaires en possession du désert de Chartreuse.

Vers la même époque, Bruno refusa l’archevêché de Beggio, en Calabre, auquel il avait été nommé. Son attrait pour la vie solitaire ne diminuait pas. Il finit par obtenir d’Urbain II l’autorisation de fonder en Italie un ermitage. Il existe un bref du pape qui, de Bénévent, ordonna à Bruno de venir sans délai assister au concile qu’il devait tenir dans cette ville. Bruno s’y trouva à la fin de mars 1091. Mais d’où venait-il ? Nous croyons qu’il venait de la Pouille, où il cherchait un lieu solitaire, ou peut-être de la Calabre. Quoi qu’il en soit, le pape lui concéda de nouveau l’église de Saint-Cyriaque. Néanmoins Bruno continua à rechercher un lieu plus solitaire. Il le trouva à l’extrémité de la Calabre, au diocèse de Squillace, en un lieu boisé appelé La Tour. Le comte Roger, averti par une lettre de son oncle Roger, duc de la Pouille et suzerain de la Calabre, accueillit favorablement Bruno et ses six nouveaux compagnons. L’évêque de Squillace céda à Bruno et à sa communauté, à perpétuité, ses droits juridictionnels sur le territoire de La Tour. Urbain II y ajouta son approbation et le privilège de l’exemption du monastère (1092). C’est peut-être dans cette occasion que, à la prière du comte Roger, il donna à Bruno et à son ermitage le doigt de saint Etienne, premier martyr, que les chartreux de la Calabre possèdent encore. En 1093, le comte Roger fut affilié à la communauté ; il le déclare dans une charte, où il appelle les ermites « ses seigneurs, ses pères et ses confrères ». L’église du monastère fut solennellement consacrée le 15 août 1094. Peu après le comte Roger invita Bruno à venir à Milelo baptiser son fils, qui reçut le nom de son père et devint plus tard le premier roi des Deux-Siciles.

Bruno assista au concile de Troja en 1093, et à celui de Plaisance en 1095. C’est vers cette époque qu’il écrivit sa belle et touchante lettre à son ami Raoul Le Verd. Il reçut la visite de saint Hugues, évêque « le Grenoble, et celle de Landuin, prieur de la communauté de Chartreuse. Ce dernier venait le consuller sur les observances érémitiques et sur les moyens de consolider l’œuvre commencée. Bruno lui remif pour les frères de Chartreuse une lettre pleine de tendres expressions, d’encouragements et d’avis salutaires. Landuin, s’en retournant, fut arrêté par lis séides de l’antipape Guibert. Il refusa de le reconnaître comme chef de l’Eglise. Enfermé en prison, il y demeura jusqu’au jour où Guibert, sentant sa fin approcher, remil en liberté les nombreux clercs qu’il tenait prisonniers (1100).

Dans une charte du 2 août 1099, le comte Roger raconte que Bruno lui apparut en songe le 29 juillet 1098, pendant qu’il faisait le sie^e de Capoue. Aux mois de juin et de septembre 1098, Urbain II expédia deux bulles en faveur de llruno et de son ermitage de Calabre. lieux

ans après, le comte Roger étant tombé gravement malade à Mileto fut assisté par liruno et le B. Lanuin (21 juin