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CHARITE

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Voir col. 1668. — b) Moralité. — a. La jalousie est un péché, parce qu’elle est opposée au strict devoir de la charité enjoignant de se réjouir du bien du prochain dans la mesure où l’on est tenu de l’aimer par amour pour Dieu. S. Thomas, Sum. theol., ll a II*, q. xxxvi, a. 2. La jalousie est d’ailleurs souvent réprouvée par l’Écriture, Rom., i, 29 ; TU., ni, 3 ; Gal., v, 21, et par toute la tradition chrétienne qui l’a toujours rangée parmi les péchés ou vices capitaux, sous le nom plus générique de tristitia, suivant la classification de Cassien et celle de saint Jean Climaque, ou sous le nom spécifique d’invidia dans la classification de saint Grégoire le Grand et dans celle de saint Thomas communément suivies par toutes les écoles théologiques. Voir col. 1690. — b. Considéré en lui-même, le péché de jalousie est directement opposé à la seule vertu de charité, par la tristesse qu’elle produit contrairement aux strictes prescriptions de la charité. S. Thomas, Sum. theol., II a II*, q. xxxvi, a. 3. — Mais la jalousie peut être facilement accompagnée ou suivie de nombreux péchés d’injustice dont elle est la cause formelle ou qu’elle aide puissamment, et qui atteignent le prochain dans ses biens, dans sa réputation ou même dans sa vie corporelle. — c. La jalousie est en soi un péché grave, dans la mesure où elle s’oppose formellement à la charité fraternelle, positivement obligatoire sub gravi. La jalousie est ainsi irréductiblement opposée à la charité, quand elle se porte sur quelque bien considérable du prochain et qu’elle est sciemment consentie. Dans l’hypothèse d’un bien ou avantage de légère importance ou d’un demi-consentement donné à quelque vive impression ou émotion, la jalousie n’est qu’une faute vénielle. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxxvi, a. 3 ; Quæst. disp., De ntalo, q. x, a. 2. Si elle se borne à un sentiment que la volonté désapprouve formellement, ou auquel elle ne consent aucunement, il n’y a en soi aucun péché, bien qu’il puisse y avoir quelque danger d’entraînement ultérieur de la volonté. — d. Au péché direct de jalousie se joignent souvent des péchés dérivés, ayant pour cause ou pour motif principal la jalousie : susurratio, detraclio, odium, exullalio in adversis, afflictio in prosperis. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxxvi, a. 4, ad 3um ; Qusest. disp., De ntalo, q. x, a. 3. La gravité respective de ces péchés doit se déterminer d’après leur opposition formelle avec la charité, le dommage qu’ils occasionnent ou même la haine réelle qui les accompagne ou les anime. — c) Les remèdes contre la jalousie se déduisent aisément de la thérapeutique générale des vices capitaux : détruire ou affaiblir la cause originelle en luttant contre l’amour excessif des biens temporels, considérer attentivement tous les maux qu’entraîne avec soi la jalousie, et réagir par de fréquents actes intérieurs ou extérieurs opposés à l’inclination coupable.

2. La discorde.

a) Définition. — Le péché de discorda est une opposition formelle des volontés en matière nécessaire commandée par la charité envers Dieu ou par la charité envers le prochain, comme ce qui est nécessaire pour obtenir le salut ou pour empêcher un mal grave dans le prochain. S. Thomas, Sum. theol., M* II’, q. xxxvii, ; i. I. La non-conformité en matières libres, n’atteignant aucunement la charité envers Dieu ou envers nos frères, n’est point par soi-même une faute. Kl le n i pas même une opposition à l’amitié ou à la paix, telles qu’elles peuvent être réalisées en cette vie. II a II", q. x.xix, a. : S, ad 2° m. — b) Moralité. — a. La discorde rn matière nécessaire ou commandée est un péché, dans l.i mesure où elle empêche l’union fraternelle strictement prescrite. Il a II", q. xxxvii, a. 1. Elle est d’ailleurs souvent réprouvée par l’Écriture. Gal., v. 20 ; Il Cor., xii, 20. — b. Le péché de discorde, considéré en lui-même, ^i directement opposé à la seule vertu de charité, mais il peu) facilement conduire à des péchés contraires à la

justice ou à d’autres vertus. — c. Ce péché est en soi un péché grave, quand il viole directement un précepte grave, ou entraîne efficacement des maux ou dommages considérables individuels ou sociaux. Dans cette dernière hypothèse, il est souvent bien difficile de déterminer la part de responsabilité qui incombe à chaque individu en dehors de la violation certaine de préceptes positifs, divins ou ecclésiastiques. Pour procurer la concorde si nécessaire parmi les forces catholiques dans les luttes actuelles, il est donc meilleur d’insister sur les immenses avantages qu’elle procure, suivant les fréquentes et instantes recommandations de Léon XIII et de Pie X.

3. La contention.

a) Définition. — Le péché de contention est une opposition ou lutte formelle avec le prochain dans les paroles, écrites ou parlées, soit que l’on attaque, la vérité strictement obligatoire, soit que l’on réprouve des opinions entièrement libres, soit même que l’on réfute l’erreur, mais sans la charité et la modération nécessaires envers les personnes. IIa-IIæ, q. xxxviii, a. 1. — b) Moralité. — a. C’est un péché directement opposé à la vertu de charité, soit que l’on porte atteinte à la vérité bien souverain des intelligences pour les individus et pour les sociétés, soit que l’on viole seulement les convenances strictement obligatoires dans telle situation concrète. Car la charité impose l’obligation au moins secondaire de ne point causer au prochain sans raison suffisante une peine ou un préjudice même léger ; ce qui résulte inévitablement de la non-observance des égards nécessaires. — b. La contention est en soi un péché grave, quand il y a opposition formelle à la vérité connue comme telle, surtout quand cette vérité importe au bien individuel ou social et qu’elle est combattue par des procédés particulièrement répréhensibles. II" II*, q. xxxviii, a. 1. L’opposition à l’erreur, quand elle observe les égards prescrits vis-à-vis des personnes et évite ce qui pourrait nuire au bien commun, est un acte louable. Combattre l’erreur d’une manière repréhensible n’est en soi qu’une faute vénielle, à moins qu’il n’en résulte un scandale grave, que l’on doive strictement éviter. S. Thomas, loc. cit. — c. Le péché de contention peut être accompagné ou suivi de beaucoup d’autres péchés opposés à la justice, à la charité, ou à d’autres vertus, péchés subjectivement imputables, dès qu’il y a advertance et consentement suffisants. — d. D’après ces principes l’on appréciera la nature et la gravité des fautes habituellement commises dans les polémiques violentes ou passionnées, quels que puissent être leur objet scientifique ou politique et leur forme parlée ou écrite. On pourra aussi comprendre quelle prudence doit être particulièrement observée par les polémistes catholiques et surtout par les journalistes dans les luttes actuelles.

4. La division ou le schisme est la rupture de l’union nécessaire dans la société civile ou religieuse, pour son maintien normal et la pleine réalisation du bien commun. Dans l’ordre politique et social, la forme principale que revêt l’esprit de division, est l’anarchie avec tous ses différents systèmes. Dans l’ordre religieux, c’est le schisme. II a II", q. xxxix, a. 1. Voir ces deux mois.

5. La querelle.

a) Définition. — a. C’est une liitle agressive contre autrui, par haine, par vengeance ou par quelque autre motif repréhensible, sans que soient réalisées ces formes positives qui constituent le duel interdit par le droit naturel ou par le droit ecclésiastique. — b. C’est encore une lutte défensive dans laquelle on ne se restreint point aux strictes exigences de la défense personnelle. II" II", q xii, a. 1. — c. La lutte qui constitue la querelle est toujours restreinte à des individus ou a des groupes d’individus, aux prises les uns avec les autres, sans que soit intervenue l’autorité publique qui régil la société. Dans cette dernière hypothèse il y a guerre. II » II", q. XI., a. 1 ; q. xi.l, a. 1.