Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée
4407
1408
CALVINISME


à la fin sublime qu’il doit conquérir ; et en outre que Dieu ne demande exactement compte à chacun que de ce qu’il aura reçu. Or c’est précisément ce qu’enseigne la doctrine catholique : Facienli quod in se est Deus non denegat gratiam. Le serviteur qui n’a reçu que deux talents et en rapporte quatre obtient la même récompense que celui qui en ayant reçu cinq en rapporte dix. Cum enim augentur dona, rationes etiani crescunt donorum.

Quant à l'élection ou prédestination à la gloire, sans doute les thomistes la déclarent antérieure à la prévision des mérites des élus ; les autres théologiens la font dépendre à un degré quelconque de la prévision de ces mérites. Mais de ce que, dans l’ordre d’intention, Dieu prédestine les élus antérieurement à la prévision de leurs mérites, il ne s’ensuit aucunement qu’il réprouve les autres hommes antérieurement à la prévision de leurs démérites. Le décret divin concernant les réprouvés se compose de deux parties : la première comprend la préparation des moyens par lesquels Dieu veut sauver tous les hommes, de telle sorte que, s’ils ne se sauvent pas, c’est leur mauvais vouloir qu’il en faut accuser ; la seconde est le non-octroi des secours spéciaux que Dieu tient en réserve pour ses élus, mais qu’il ne doit à personne ; et finalement le décret de la condamnation encourue librement par le pécheur. Quant à la prescience de Dieu, elle ne porte point atteinte à la liberté de l’homme. L’homme n’agit pas bien ou mal parce que Dieu a prévu qu’il agirait ainsi. Au contraire, Dieu a prévu que l’homme agirait ainsi avec toutes les ressources de sa liberté.

Dans les systèmes par lesquels la théologie catholique a essayé de concilier la prédestination et la liberté, la miséricorde générale de Dieu pour tous les hommes et sa bienveillance spéciale pour les élus, il reste, on ne saurait le nier, quelque chose de mystérieux. Voir l’abbé de Broglie, Conférences sur la vie surnaturelle, t. i, p. 278. Cependant, dans tous les systèmes catholiques, on respecte la puissance de Dieu et la liberté de l’homme, la grâce et la liberté, l’idée que nous avons de la justice, on concilie les textes de l'Écriture, et l’on s’incline devant le mystère en raison de la connaissance très imparfaite que nous avons de l'Être infini et de ses attributs divins. Voir Prédestination.

Calvin sacrifie totalement la liberté de l’homme et, sinon en intention, du moins en fait, la justice même de Dieu. Comme sa doctrine est sur ce point très grave et très délicate je ne l’exposerai qu'à l’aide d’auteurs calvinistes et surtout de citations textuelles. « Suivant Calvin, dit M. Bungener, Vie de Calvin, p. 72-73, Dieu dans la plénitude de sa souveraineté, dans son conseil éternel et immuable, a destiné les uns au salut et les autres à la damnation ; et, comme il ne leur devait rien ni aux uns, ni aux autres, les élus ont à le bénir éternellement, les réprouvés n’ont nul droit de se plaindre. Calvin reconnaît, ou à peu près, que la chose n’est pas explicitement dans l'Écriture. Il lui suffit que la logique y conduise. Or, d’après l'Écriture, Dieu a toujours choisi. Il proscrit mille nations pour s’en réserver une. La loi naturelle nous montre la même chose. Donc, dira-t-il, ( ceux que Dieu laisse en élisant, il les réprouve. » admettre l'élection de grâce et rejeter l'élection de mort g puéril). « c’est une sottise trop lourde. » Il faut que l’idée humaine, la justice humaine, la pitié humaine disparaissent de ces questions. « L’honneur de Dieu l’exige. »

Celte doctrine est déjà assez rude en elle-même ; elle l’est encore plus dans ses déductions.

Qui veul la fin veut les moyens. Or, dans le système de Calvin, heu veul positivement la réprobation des damnés. D’où il suit qu’il veut également les moyens pervers qui les feront aboutir à cette tin. Lu d’autres termes, Dieu veut te mal. Que, dans un monde où Dieu

a laissé une large place à la liberté, il permette le mal, comme condition d’un plus grand bien, c’est-à-dire comme condition de la possibilité et du développement de tous ces mérites, de toutes ces vertus morales qui ne peuvent être qu'à la condition de la liberté, cela se comprend. Mais, dans le système de Calvin, la liberté humaine étant frappée de déchéance et comme de paralysie, là où le mal se trouve, on devra l’attribuer à Dieu non moins que le bien ; pour certaines raisons qui nous sont inconnues, Dieu veut que l’homme tombe. « Il a ordonné par un décret de sa volonté » la chute du premier homme. C’est en vertu de la prédestination divine qu’Adam est tombé. Ce serait en effet une vaine fiction que de s’imaginer que Dieu a créé sa plus noble créature en vue d’un but indéterminé, ou bien qu’Adam s’est créé lui-même sa destinée par le libre arbitre : que deviendrait la toute-puissance de Dieu, par laquelle il gouverne toutes choses suivant son décret mystérieux et absolu ?

Mais, si les méchants ne font que ce qu’ils sont nécessités à faire, ils ne sont pas responsables et ils sont injustement damnés. Calvin croit fermer victorieusement la bouche à ses adversaires en établissant une distinction entre le commandement de Dieu et son vouloir secret — distinction d’où il résulterait que Dieu commande extérieurement aux méchants ce qu’intérieurement il ne veut pas et même il condamne. Et il le leur commande pour les acheminer par là à la damnation à laquelle il les a prédestinés par un acte positif — et cela pour glorifier sa justice comme le salut des élus glorifie sa bonté.

C’est la doctrine développée dans l’Institution chrétienne, t. I, c. XVIII, Que Dieu se sert tellement des mesclianset ployé leurs cœurs à exécuter ses jugements, que toutes fois il demeure pur de toute tache et macule.

N. 1. Calvin combat la-distinction établie par les théologiens entre le vouloir et la permission de Dieu, entre faire et permettre. Ce que les méchants font, Dieu le veut et le fait, suivant Calvin, aussi positivement que le bien. « Quoi que machinent les hommes, ou même le diable, toutefois Dieu tient le clou du gouvernail… Absalon polluant le lit de son père par incestes commet un forfait détestable ; toutefois Dieu prononce que c’est son œuvre… Ceux qui substituent une permission nue au lieu de la providence de Dieu, comme s’il attendait, étant assis ou couché, ce qui doit advenir, ne font que badiner : car aussi par ce moyen, ses jugements dépendraient de la volonté des hommes. »

N. 2. « Quant est des allections et mouvements que Dieu inspire, ce que Salomon affirme du cœur des rois que Dieu les ayant en sa main les tourne où il lui plait, s’entend sans doute à tout le genre humain, et vaut autant comme s’il eût dit que Dieu adresse tout ce que nous concevons par inspiration secrète, à telle fin qu’il veut… On ne saurait rien souhaiter de plus clair que quand il prononce tant de fois qu’il aveugle les entendements humains et les frappe de forcennerie ; qu’il les enivre d’esprit de stupidité, qu’il les rend insensés et endurcit leurs cœurs… Quand on dit que la volonté de Dieu est cause de toutes ces choses, on établit sa providence pour présider sur tous les conseils des hommes, voire pour non seulement montrer sa forée es élus qui sont conduits par le Saint-Esprit, mais aussi pour contraindre les réprouvés à faire ce qu’il veut. »

N..'{. « Que profileront (les adversaires <I< cette doctrine) en crachant contre le ciel'… Quand i

comprenons point comment Dieu veul que ce qu N défend de faire se fasse, que noire débilité et petitesse nous vienne en mémoire et aussi que la clarté en laquelle il habite n’est pas en vain nommée inaccessible, pour ec qu’elle est enveloppée d’obscurité, »

N. i. < Ces gaudisseurs qui gergonnent contre Dieu

allèguent que si Dieu non seulement met les méchants