Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.2.djvu/461

Cette page n’a pas encore été corrigée
2231
2232
CHARITÉ


à celle de l’habitude déjà possédée. Les actes d’une intensité simplement égale ne peuvent que disposer d’une manière plus ou moins immédiate à l’augmentation de l’habitude, tandis que les actes d’une intensité inférieure prédisposent plutôt à sa diminution. S. Thomas, Suni. theol., Ia-IIæ, q. LU, a. 3 ; Il a II æ, q. xxiv, a. 6. — y. De ces deux prémisses l’on conclut que l’augmentation de la vertu de charité n’a lieu que dans l’hypothèse où les actes de charité sont d’une intensité supérieure à celle de la charité déjà possédée. S. Thomas, Sum. theol., II a II*, q. xxiv, a. 6. — S. Une question reste cependant indécise. L’intensité de l’augmentation est-elle proportionnée à toute l’intensité de l’acte plus fervent de charité ou seulement à son excédent sur l’intensité de la vertu de charité ? Si l’on admet psychologiquement que l’augmentation de la vertu requiert une disposition physique nouvelle, l’on conclura que, dans le cas présent, la vertu de charité n’est augmentée que proportionnellement à l’excédent indiqué. Car seul il cause ctuellement une disposition physique nouvelle. Salmanticenses, . Cursus llteologicus, tr. XIX, De caritate Iheologica, disp. V, n. 26. — s. Unanime jusqu’ici, cette école se divise sur un point secondaire. Si les actes plus fervents de charité disposent seuls à l’augmentation immédiate de la vertu de charité, comment reste-t-il vrai que tout acte de charité, de quelque intensité qu’il soit, est strictement méritoire, suivant l’enseignement commun des théologiens et l’affirmation formelle du concile de Trente, spss. VI, c. xvi ? — Ç. Bannez, In ll* m 77*, q. xxiv, a. 6, Venise, 1602, col. 801 sq., et plusieurs autres théologiens ne voient plus d’autre ressource que celle de limiter le mérite des actus remisai, c’est-à-dire des actes de charitéqui n’ont pas une intensité supérieure. Dès lors ces actes ne peuvent réellement mériter la récompense essentielle qui est la vision béatifique ou ils ne la méritent que conjointement avec les actes plus fervents et sans dépasser leur mérite global. Aux aclus remissi correspond en propre la seule augmentation de la joie accidentelle, adjointe à la délectation béatifique ou l’augmentation de l’auréole déjà méritée. Système logiquement inconciliable avec la doctrine théologique certaine sur la capacité de strict mérite surnaturel appartenant à tousces actes.— -rç.Le meilleur essai de conciliation tenté par les théologiens de cette école se ramène aux points suivants : Le droit moral à l’augmentation de la vertu de charité est immédiatement acquis par les actus remissi conformément à l’affirmation du concile de Trente. Sess. VI, c. xvi. Mais l’augmentation physique n’est produite qu’au moment où l’âme y est immédiatement disposée par un acte plus fervent. Quant au moment où s’accomplit cette augmentation, ce ne peut jamais être une époque de la vie terrestre, car pendant toute sa durée, l’entière capacité d’augmentation physique sera toujours épuisée par les actes les plus fervents. Il ne peut donc rester que le temps du séjour de l’àme en purgatoire, ou le premier moment de la possession du bonheur céleste. Que l’àme, dès le premier moment de son séjour en purgatoire, soit unie à Dieu par un fervent acte de charité auquel rien ne saurait désormais s’opposer, c’est une vérité communément admise par les théologii ris. C’est également par cet acte que l’on obtient l’immédiate et entière rémission de toute la coulpe des péchés véniels encore existants au moment de la mort. S. Thomas, IJuxst. disp., De malo, q, vil, a. 1 1. Des lors que cet acte de charité surpasse en intensité l’augmentation encore irréalisée, rien ne s’oppose à ce qu’il en détermine l’accomplissement. L’opposition De peut provenude l’impuissance de mériter en purgatoire, puisqu’il ne s’agil point de nouveau mérite, mais seulement d’une condition nécessaire pour la pleine réalisation d’un mérite précédemment acquis. L’opposition ne peut non plus provenir de la nécessité de maintenir une parfaite équation entre les actes fervents et l’augmen tation physique, puisque les actes de charité en purgatoire n’ont plus aucune capacité méritoire. Salmanticenses, Cursus t/ieologicus, De caritate, disp. V, n. 207 sq. Si l’àme ne traversait point l’épreuve du purgatoire, l’acte de charité béatifique au premier moment de la bienheureuse vision pourrait déterminer la possession immédiate de toute l’augmentation jusque-là irréalisée. Car la charité béatifique, bien qu’elle résulte de la vision béatifique, la précède comme disposition immédiate et a ainsi sur elle priorité de nature. Cette partielle priorité de nature suffit pour que cet acte de charité puisse au premier instant déterminer la pleine possession de tout l’arriéré d’augmentation physique. Salmanticenses, loc. cit. Observons cependant que quelques théologiens de cette école, comme Gotti, Tlœologia dogmalico-scholastica, Venise, 1750, t. ii, p.523, n’admettent point que l’augmentation physique ne s’accomplit qu’en purgatoire ou au ciel. Ils estiment que Dieu, par un effet spécial de sa miséricorde, ne manquera point aux derniers moments de l’existence, de disposer l’âme à cette augmentation par un acte plus fervent et qu’à son défaut la récompense sera cependant proportionnée au mérite global.

Mentionnons aussi deux explications ajoutées par les théologiens de Salamanque, loc. cit., disp. V, n. 25, 29, 42 sq., que les actus remissi sont toujours une préparation physique éloignée à l’effective augmentation de la charité, et même que danscertains cas où Vactus remissvs acquiert par sa continuité, par sa multiplication ou par quelque autre circonstance une valeur toute spéciale, il peut causer l’immédiate augmentation physique.

2e groupe d’opinions, unies dans la commune négation des principes philosophiques et théologiques de l’opinion précédente, maisassez divergentes, dans leurs explicationspositives. Suarez, De gratia, t. IX, c. ni ; Mazzella, De virtutibus infusis, 3e édit., Rome, 1881, p. 89 sq. ; Pescb, Prselecliunes dogmalicæ, Fribourg-en-Brisgau, 1898, t. viii, p. 29. — a. Plutôt préoccupés d’écarter le système précédent que d’en élaborer un, surtout au point de vue philosophique, ces théologiens s’efforcent de prouver que rien ne démontre la stricte nécessité d’imposer à l’augmentation desvertussurnaturellestes lois psychologiques de l’augmentation des vertus naturelles acquises, lois sur lesquelles ils ont d’ailleurs des idées très divergentes. Ln même temps, ils soutiennent que la doctrine du concile de Trente sur le mérite exige la réelle collation de ces mérites, c’est-à-dire l’augmentation physique de la grâce, dès que les conditions exigées pour le mérite ont été réalisées, — p. L’argument négatif s’appuie principalement sur des opinions philosophiques divergentes relativement à l’augmentation des habitudes et sur un tout autre concept du rôle des dispositions préparatoires à la réception de la grâce sanctifiante, dispositions auxquelles on n’attribue qu’une simple relation de haute convenance avec la grâce sanctifiante. Nous n’avons point à montrer ici le côté faible de ces arguments. — y. Quanta la preuve positive que l’on voudrait déduire du concile de Trente, elle reste sans valeur réelle. Car il n’est point douteux que le concile de Trente, surtout préoccupé’de défendre le dogme catholique contre les funestes théories protestantes, n’a eu aucune intention de se prononcer sur une controverse purement théologique et d’ailleurs assez secondaire. Les paroles mêmes du concile, sess. VI, c. xvi, n’affirment que l’acquisition du droit moral, dès que toutes les conditions (lu mérite ont été réalisées. Car il y est surtout question du mérite de la vie éternelle, certainement acquis moyennant la condition finale si t amen in gratin decetserit, mérite qui ne peut s’entendre que du droil moral à la récompense été uelle et qui reste en dehors de toute controverse.

Conclusion. — Au point de vue théologique, la première opinion, si l’on en écarte le système de liannez,