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CHARITE


prxmii est serviendum, intclligit de amore ctmicitiæ. In 1Il Sent., dist. XXVII, a. 2, q. il, ad 2°™, t. III, p. 607. Quoique opinion que l’on ait sur la valeur de cette réponse, il est évident que saint Bonaventure n’y entend point l’amour de concupiscence au même sens que Bolgeni.

2e conclusion. — La simple reconnaissance, toutes les fois qu’elle reste dans les limites de l’appréciation et de l’amour du bienfait reçu, sans s’élever jusqu’à l’amour de la bonté même du bienfaiteur, n’a aucun droit fondé à s’identifier avec la ebarité dont elle se diversifie nécessairement par le motif. Mais si l’on vient finalement à aimer non plus seulement les dons du bienfaiteur mais ses perfections elles-mêmes, le motif de la charité étant ainsi parfaitement obtenu malgré les imperfections initiales, la charité existe réellement. S. Thomas, Swni. t lirai., IIa-IIæ, q. xxvii, a. 3. En fait la reconnaissance envers Dieu conduit-elle facilement à la charité une âme bien disposée ? S’il nous est difficile de nous prononcer sur chaque cas particulier dont les éléments concrets nous échappent le plus souvent, nous pouvons cependant affirmer que pour des fidèles suffisamment instruits et d’ailleurs exempts de ces fautes qui captivent le plus la volonté, la reconnaissance envers Dieu, plus particulièrement envers Jésus-Christ dans les mystères de la passion et de l’eucharistie, conduit très facilement à la véritable charité. Lehmkuhl, Theologia moralis, t. I, n. 318 sq. Si c’est tout ce que veulent dire quelques théologiens qui identifieraient volontiers l’amour de gratitude avec la charité proprement dite, Pesch, Praslectiones dogmalicse, Fribourgen-Brisgau, 1878, t. vii, p. 239 sq., leur doctrine est tus juste, bien que son expression spéculative ne soit pas assez mesurée.

.3" conclusion. — L’amour de soi, qu’il soit commandé par la vertu de ebarité, ou qu’il soit seulement sans opposition avec elle, peut facilement se concilier dans le même individu avec le motif de la charité. — a. Cette conclusion ressort manifestement des principes déjà énoncés. Quand l’amour de soi, sans être commandé par la vertu de charité, n’a cependant aucune opposition avec elle, rien n’empêche l’acte de charité de subsister parallèlement à l’amour de soi, puisque l’efficacité de son motif n’est aucunement atteinte et que l’acte légitime d’amour de soi est simplement concomitant. A plus forte raison en est-il de même quand l’amour de soi est commandé par l’acte de ebarité, de telle sorte que l’on ne s’aime que pour Dieu et en Dieu, car dans cette hypothèse l’amour de soi n’est en réalité qu’un acte de charité. S. Thomas, Sun>. theol., ll a Il a —, q. xxiv, a. 4, 5. — b. D’ailleurs si tout amour de soi était nécessairement inconciliable avec la charité, l’on devrait inévitablement conclure que l’acte d’espérance chrétienne strictement obligatoire pour tous les fidèles est également exclu par la ebarité. Conclusion erronée, puisque le précepte de l’espérance chrétienne est imjiu-i’à tous les fidèles, soit comme disposition nécessaire pour la justification dans les adultes, concile de Trente, sess. VI, c. VI, soit comme moyen indispensable .lut, d’après l’enseignement constant et unanime des théologiens. — c. Si tout amour de soi étail entièrement opposé à la ebarité, l’on devrait également conclure que celle-ci est absolument impossible en cette vie et même en l’autre. Car c’est une loi universelle que tout être, s’aimant nécessairement soi-même, ne peut aimer d’un amour de bienveillance aucun objet placé in dehors de soi, sans que ce bien soit préalablement perçu comme convenant à sa nature. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lx, a. 5, ad 2um ; II a II", q. xxvi, a. 13, ad’. nm. — il. C’est donc avec raison que l’Église a réprouvé les propositions quiétistes affirmant la possibilité, l’existence et même l’obligation d’un amour de Dieu entièrement séparé de tout amour de soi-même,

quelque pur qu’il puisse être. Cette réprobation de l’Eglise résulte de la condamnation de 68 propositions de Michel de Molinos par Innocent XI le 20 novembre 1687, Denzinger, Encliiridion, n. 1088 sq., et de la condamnation de 23 propositions par Innocent XII le 12 mars 1699. Ibid., n. 1193 sq.

e. La doctrine que nous venons d’exposer n’est nullement contredite par ces expressions des Pères, des théologiens et surtout des auteurs mystiques qui réprouvent tout amour mercenaire et dénoncent l’amour-propre ou l’amour de soi comme le principe de tous les maux.

Abélard paraît avoir été le premier qui ait considéré l’intention ou l’amour de l’éternelle récompense comme contraire à la vraie charité. Vertus tamen esse débet qui sic agit de amplissima lantæ dilectionis remuneralione, nec tamen hac intentione hic agit si perfecte diligit, alioquin sua quæreret, et quasi mercenarius, licet in spiritualibus esscl. Nec jam est charitas dicenda, si propter nos eu » ), id est pro noslra utilitate et pro regni ejus felicilate quant ab eo speramus, diligeremus potins quarn propler ipsum, in nolis videlicet nostrse intentionis finem non in Vhristo statuent es. Expositio in Epistolam Pauli ad Boni., t. III, P. L., t. clxxviii, col. 891 sq. C’est cette affirmation d’Abélard que Hugues de Saint-Victor paraît avoir en vue. De sacramentis, t. II, part. XIII, c. xiii, P. L., t. clxxvi, col. 534. Il répond que ce serait un amour mercenaire de rechercher autre chose que Dieu, mais que c’est l’aimer finalement et gratuitement que de ne vouloir, de n’aimer et de ne rechercher que lui. Qui hoc dicunt virtutem dilectionis non intclligunt. Quid est enim diligere nisi ipsum velle habere" ? Non aliud ab ipso sed ipsum, lioc est gratis. Si aliud quæreres ab ipso, gratis non amares. Loc. cit. Il est d’ailleurs certain que Hugues ne parle point ici de l’amour de concupiscence, mais de la véritable charité aimant Dieu pour lui-même. Loc. cit., c. VI, col. 529. Cette distinction de Hugues entre l’amour mercenaire condamnable et l’amour ou la jouissance de la récompense éternelle provenant de la ebarité elle-même, est substantiellement reproduite par saint Bernard, Liber de diligendo Deo, c. vii, P. L., t. CLXXXII, col. 981 sq. ; saint Thomas, In III Sent., dist. XXIX, q. I, a. 4 ; saint Bonaventure, In 1Il Sent., dist. XXVII, a. 2, q. ii, Quaracebi, 1887, t. iii, p. 606 ; Durand, In III Sent., dist. XXIX, q. iii, Venise, 1586, fol. 265, et dès lors communément adoptée par les théologiens,

Quant à la fréquente et énergique réprobation de tout amour-propre, surtout dans les écrits ascétiques et mystiques, l’on doit tenir compte du sens défavorable dans lequel ce mot est alors entendu. Quand l’amour-propre signifie exclusivement cet amour de soi, par lequel on place en soi-même sa fin dernière contrairement à la volonté divine, il est très justement condamné, comme toute désobéissance à la loi de Dieu. Même quand l’amour-propre, exclusivement égoïste, ne va point jusqu’à cette absolue insoumission aux préceptes divins, il est pour l’âme soucieuse de sa perfection et même de son salut, unjrès grave danger contre lequel elle doit constaminenWïe prémunir. C’est de cette constante répression ou mortification de l’amour-propre exclusivement égoïste que parlent fréquemment les auteurs ascétiques et mystiques, s. Bernard, lie diligendo Deo, c. x, P. L., t. ci xxxii, col. 990 sq. ; Richard de Saint-Victor, De exterminatione mali et promotions boni, ir. I, c. vi, xii sq., xix, P. L., t. CXCVI, col. 1(177, 1080 sq. ; S. Thomas. Sum. theol., I » u>, q. i.xwii, a. ï ; Philippe de la Sainte-Trinité, Summa theologia mysticæ, part, I.tit.n, a. < ;, Paris, 1874, t. i, p. 342 sq.j Schram, Theologia mystica, Paris. 1845, t. i, 179 sq. ; Meynard, Traité de lu vie intérieure, ’ «  « dit., Paris, 1899, t. i, p. I31 sq., 181 sq.

4’conclusion. — L’amour de charité par lequel on aime Pieu pour lui-même u’est pas nécessairement la