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CALVINISME

n’estre point volontaire en l’homme, pour ce qu’il est sujet à nécessité de péché ? La nature de l’homme est si perverse qu’il ne peut être ému, poussé ou mené sinon au mal. »

N. 6. « Tout ce qui est de bien au cœur humain est œuvre de pure grâce. »

N. 10. « Dieu émeut notre volonté, non pas comme on a longtemps imaginé et enseigné, tellement qu’il soyt après en nostre élection d’obtempérer à son mouvement ou résister ; mais il la meut avec telle efficace qu’il faut qu’elle suyve. Ce qu’on lit souvent en Chrysostome ne doit point être reçu, c’est que Dieu n’attire sinon ceux qui veulent être attirés. En quoy, il signifie que Dieu, en nous tendant la main, attend s’il nous semblera bon de nous aider de son secours. Nous concédons bien que du temps que l’homme était encore entier, sa condition estoit telle qu’il se pouvoit incliner d’une part et d’autre, mais puisque Adam a déclaré par son exemple combien est povre et misérable le franc arbitre, sinon que Dieu veuille en nous et puisse tout, quelle profit aurons-nous quand il nous départira sa grâce en telle manière ? » Au n. 11, Calvin développe l’idée que la persévérance ne s’explique point par la coopération de l’homme à la grâce de Dieu. C’est toujours Dieu qui fait tout, ce qui est montré au chapitre suivant :

C. iv. Comment c’est que Dieu besongne aux cœurs des hommes. — N. 1. « Je pense que nous avons suffisamment prouvé comment l’homme est tellement tenu captif sous le joug de péché, qu’il ne peut de sa propre nature ne désirer le bien en sa volonté, ne s’y appliquer. Davantage nous avons mis la distinction entre contrainte et nécessité : dont il appert que quand l’homme pèche nécessairement, il ne laisse point de pécher de sa volonté. Mais pour ce que quand on le met en servitude du diable, il semble qu’il soit mené au plaisir d’iceluy plustost que du sien : il reste de despecher en quelle sorte cela se fait. » C’est dans ce paragraphe que se trouve la comparaison de la volonté de l’homme à un cheval qui se gouverne par le plaisir de celui qui est monté dessus, Dieu ou le diable.

C. v. Combien les objections qu’on amène pour défendre le franc arbitre sont de nulle valeur. — N. 1.

« Ils (les partisans du libre arbitre) arguent donc ainsi

que si le péché est de nécessité ce n’est plus péché ; s’il est volontaire qu’il se peut éviter. » — N. 2. « Ils disent après que si les vices et vertus ne procedent de libre élection, il n’est point convenable que l’homme soit rémunéré ou puni.

« Quant est des punitions que Dieu fait des maléfices,

je réponds qu’elles nous sont justement dues, puisque la coulpe du péché réside en nous. Car il ne chaut si nous péchons d’un jugement libre ou servile, moyennant que ce soit de cupidité volontaire. »

N. 4. « Ils arguent ainsi que toutes exhortations seront frustratoires, qu’il n’y a nulle utilité en admonitions, que les repréhensions sont ridicules, s’il n’est en la puissance du pécheur d’y obtempérer. »

N. 6. « Ils arguent ainsi : Ou Dieu se moque de nous, quand il nous commande saincteté, piété, obéissance, chasteté, dilection et mansuétude : et quand il nous défend immondicité, idolâtrie, impudicité, ire, rapine, orgueil et choses semblables : ou il ne requiert sinon ce qui est en nostre puissance. Je confesse qu’il y a longtemps que c’est une chose vulgaire de mesurer les facultés de l’homme par ce que Dieu commande et que cela a quelque couleur de raison : néanmoins je dis qu’il procède d’une grande ignorance… Dieu nous a commandé ce qui étoit par dessus notre vertu pour nous convaincre de notre impuissance. »

3o  Le système de la justification et du rapport de la foi et des œuvres. — Dans cette impuissance radicale de l’homme de faire quoi que ce soit de bon, sa justification ne peut évidemment lui venir que d’un principe extrinsèque, opérant en lui sans lui : tel est bien le fond du dogme fondamental de la justification, dans le système calviniste comme dans le système luthérien. La grâce de la justification n’est pas un principe régénérateur qui pénètre les âmes et leur devient inhérent ; c’est une simple imputation des mérites de Jésus-Christ. Et ce qui assure la justification, c’est la ferme confiance que les péchés sont remis à cause de Jésus-Christ. Chacun peut tenir pour certain que cette grâce lui est accordée ; il doit même le croire comme un article de foi divine. C’est par la foi qui nous vient du Saint-Esprit que nous devenons membres de Jésus-Christ. La foi qui nous unit à ce point à Jésus n’est point seulement un jugement par lequel nous prononçons que Dieu ne peut ni se tromper, ni nous tromper, et que tout ce qu’il révèle est vrai ; ce n’est point un jugement par lequel nous prononçons qu’il est juste ou qu’il est bon ; c’est une connaissance certaine de la bienveillance de Dieu pour nous, fondée sur la vérité de la promesse gratuite de Jésus-Christ et produite dans nos âmes par le Saint-Esprit. Telle est la foi qui nous justifie.

« Nous ne pouvons avoir de sécurité, dit la Confession de foi des Églises de France, jusques à ce que nous

soyons bien résolus d’être aimés en Jésus-Christ… Nous croyons que nous sommes faits participants de cette justice par la seule foi… Nous croyons que nous sommes illuminés en la foi par la grâce secrète du Saint-Esprit, tellement que c’est un don gratuit et particulier que Dieu départ à ceux que bon lui semble, en sorte que les fidèles n’ont de quoi s’en glorifier, étant obligés au double de ce qu’ils ont été préférés aux autres. » Art. 20, 21.

Toutes les âmes justifiées sont également justes, car leur justice est celle du Sauveur.

Enfin, de cette théorie de la justification par la foi et par l’imputation extérieure des mérites de Jésus-Christ découle, par voie de conséquence directe, l’inutilité des bonnes œuvres pour le salut, non pas que le juste ne fasse pas de bonnes œuvres ; mais ces œuvres ne seront en rien cause de son salut : « La foi, dit l’art. 22 de la Confession de foi, non seulement ne refroidit l’affection de bien et saintement vivre, mais l’engendre et excite en nous, produisant nécessairement les bonnes œuvres. Au reste, combien que Dieu pour accomplir notre salut nous régénère, nous réformant à bien faire, toutefois nous confessons que les bonnes œuvres que nous faisons par la conduite de son Esprit ne viennent point en compte pour nous justifier, ou mériter que Dieu nous tienne pour ses enfants, pour ce que nous serions toujours flottants en doute et inquiétude, si nos consciences ne s’appuient sur la satisfaction par laquelle J.-C. nous a acquittés. »

La justification précède la pénitence comme la cause précède son effet ; la pénitence produit chez le pécheur converti un désir sincère de satisfaire à la justice divine ; elle change la vie du pécheur ; elle ne consiste, comme le veulent les catholiques, ni dans la confession, ni dans la satisfaction.

Avec un tel système, la logique supprime, avec les œuvres satisfactoires, la possibilité même d’une expiation temporaire au delà de cette vie ; les indulgences et le purgatoire sont des inventions humaines.

Telles sont les idées qui remplissent le IIIe livre de l’Institution chrétienne. Là aussi se trouve exprimée la théorie de Calvin sur la prédestination que nous retrouvons un peu plus loin.

Comment se fait il que Calvin reproduisant dans tout ce qui précède, avec des contours plus arrêtés, les doctrines de Luther n’ait pas une fois nommé leur auteur ? C’est que ces doctrines, il les a faites siennes à force de les méditer ; c’est aussi que, comme Luther, il prétend ne s’appuyer que sur l’Écriture.