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rr.atismes qui la terminent, étant dirigée contre l’hérésie de Nestorius, renfermait certaines expressions qu’ils ne trouvèrent pas conformes à celles qu’ils avaient cru devoir adopter contre l’erreur d’Eutychès. On aurait pu les accuser de favoriser le monophysisme tout en condamnant Eutychès, et le parti des Orientaux très puissant au concile ne l’eût pas toléré. Notons aussi que le concile laisse de côté, et à dessein, l’expression « d’une nature dans le Christ », en dépit de l’autorité de saint Cyrille qui avait cru pouvoir s’en servir sous cette forme : [ju’oc cp-j<7cç to-j Œo-j Adyoy <7eirapxw|j.Évr l. Il la rejette, non évidemment pour condamner, même tacitement, ce saint docteur, mais pour éviter un terme qui eût pu prêter à équivoque.

Pour expliquer, même brièvement, les termes principaux de ce décret, force nous est de donner un rapide aperçu de la théorie monophysite d’Eutychès qui y est spécialement visée. Cette théorie portait sur trois points distincts. Eutychès niait, en premier lieu, que la chair du Christ eût été tirée de celle de la Vierge^ et par conséquent qu’elle nous fût consubstantielle, 6(j.oo-jitio ; f, ; j.îv. C’est ce qu’avail soutenu l’hérésiarque devant les mandataires du synode venus pour l’interroger, à l’époque où Flavien instruisit son premier procès. Mansi, t. VI, col. 700. Il leur avait déclaré en même temps admettre [ ;. ; av ç’j<tcv toO 0eoû aapxoOsvTo ;, et croire cependant que Jésus-Christ est téXeio ; ©eô ; et-éXeioç av9pu>7ro ;. Lorsque, après plusieurs sommations, il se décida à comparaître en personne devant le synode, dans la session du 22 novembre, Mansi, t. vi, col. 732, ce fut pour y confirmer en ces termes sa première déclaration : sco ; offj^epov o’jx etitov to aù)|xa toO Kupi’ou xa’t 0eoO 7, p : cov Ô|j.ooj<tiov ^lîiîv. lbUL, col. 741. Flavien témoigne aussi de ce point de la doctrine d’Eutychès dans sa lettre à saint Léon. Epist., xxit, P. L., t. liv, col. 728. Si la chair du Christ n’était pas tirée de celle de la Vierge, d’où venait-elle, d’après l’hérésiarque ? Théodoret de Cyr, De hær., iv, 13, P. G., t. i. xxxiii, col. 437, et Anastase le Sinaïte, ’OS^oç, c. v, P. G., t. lxxxix, col. 99, affirment que pour lui la chair du Christ avait une origine céleste et n’avait l’ait que passer, comme à travers un canal, par le sein de la Vierge ; c’est pourquoi, tout en étant une chair humaine, elle ne nous était pas consubstantielle. Ajoutons, pour être complet, qu’accusé sur ce point, Eutychès avait repoussé comme une calomnie l’imputation d’une parti Ile doctrine. Synode du 13 avril 449, Mansi, t. vi, col. 778. Il est fort possible qu’après l’avoir lancée et soutenue, il y ait ensuite renoncé, laissant d’ailleurs mutilée et incomplète sa théorie sur l’origine de l’humanité du Christ. Cf. Tillemont, Mémoires, t. xv, p. 488.

Le point principal de l’hérésie d’Eutychès était la négation de la dualité de nature dans le Christ. Comme on lui demandait s’il reconnaissait deux natures en Jésus-Christ, il répondit : ô|j.o).oyà) èx ô-Jo ipjo-ewv yeyevîjsBat xbv Iv-jpiov vjpcôv 7tpb tt) ; èvtio-etoç, [xerà 6è ttjv Ëviojiv acav ç’juiv ônoXoyû>. Mansi, t. VI, col. 474. Ainsi donc, deux natures avant l’union, une seule nature après l’union, telle était là formule du dogme eutychien. Si m auteur prétendait s’en tenir sur ce point à la plus pure doctrine des Pires, en particulier de saint Athanase et de saint Crille ; il visait évidemment, en parlant ainsi, la fameuse formule de saint Cyrille : ii, £a çûo-i ; roC 0 « oO A.6you <TE<7apx(.)|jivr (. Pressé de se rétracter, il refusa et fut condamné.

Quelle étail au juste la pensée d’Eutychès, lorsqu’il parlait de deux natures avant l’union ? Saint Léon dans sa ht i r< à Julien de Cos, Epist., xxv, P. L., t. uv, col. 808, cherche à s’expliquer et à expliquer à son correspondant la formule de l’hérésiarque, en attribuant à celui-ci l’opinion origéniste de la préexistence des âmes. Eutychès, dit-il, aura cru peut-être que l’âme du Christ avait prété dans le ciel, avant d’entrer on contact dans le sein du la Vierge avec la divinité du Verbe. Cette explication

est sans doute trop favorable et suppose dans le moine ignorant et têtu qu’était au fond Eutychès beaucoup plus de philosophie et de logique que n’en pouvait contenir son étroit cerveau. C’est du moins l’impression que laissent son système de défense et ses procédés d’argumentation en face de ses juges. Il se contente d’affirmer, sans jamais rien justifier, ni surtout rien expliquer. Il n’avait pas évidemment de système arrêté sur ce point de sa théorie ; et il est permis de voir avec Petau, De incarnat., i, 14, Anvers, 1700, t. v, p. 35, dans son affirmation de deux natures avant l’union, moins une opinion raisonnée qu’une impasse où il fut poussé par l’ignorance et l’irréflexion. Il tenait essentiellement, c’était le point fondamental de son système, à ce qu’il n’y eût dans le Christ qu’une seule nature formée par l’union de la divinité avec l’humanité. La formule : « une seule nature après l’union, » l’amena naturellement à cette autre formule : « deux natures avant l’union, » par laquelle il croyait traduire cette expression des Pères que le Christ est de deux natures, âx 6’Jo <p-J17Eo>v. Il ne songeait même pas à compléter, par une hypothèse quelconque sur la préexistence à l’union de l’humanité du Christ, la théorie hybride qui naissait de l’expression ainsi travestie des Pères. Les monophysites imaginèrent dans la suite de combler cette lacune, en distinguant entre l’incarnation aipxwo-iv et Punition ëvoxiiv, qu’ils définissaient, celle-ci : Trjv tûv 8ce<jTÔ)T(i)v o-jvâcpsiav, celle-là : t- ?i ; crapxb ; tyjv avâX^’î/iv. Théodoret, Eranistes, dial. II, P. G., t. lxxxiii, col. 137. Dans l’incarnation, disaient-ils, il y a deux natures distinctes ; survient en suite Vunitio, qui les combine en une seule. Quant à tirer d’eux à quel moment se produisit cette unitio qui succéda à l’incarnation, il n’y fallait pas songer.

Ce qu’il y avait de plus clair dans le système d’Eutychès, c’était en somme la théorie de l’unité de nature. Il suffit de se reporter pour ce point aux actes des synodes et aux lettres de saint Léon précédemment cités. Flavien, dans sa lettre à saint Léon, Epist., xxvi, P. L., t. liv, col. 748, résume le fond du système dans cette claire formule : upb uiv tt, ; ÈvavÛpMTCvîo-sio ; toO (7w-qpoç r, (jL(j>v’Iy)<joû XpnjToO Sûo ç’jast ; eivat, OsdfrjToç xeù àvOpMTr^a-eto ; - (Aetà 8è rr|V é’vcotiv fjiav <p-j<7tv yeyovévat. Or ceci ne peut s’expliquer que de l’une ou de l’autre de ces trois manières : ou bien l’une des deux disparait absorbée dans l’autre ; ou bien toutes deux disparaissent transformées en une troisième ; ou bien toutes deux restent intactes, unies simplement en une troisième. Quelle était de ces trois hypothèses celle à laquelle se rangeait Eutychès ? Théodoret, Eranistes, dial. II, P. G., t. lxxxiii, col. 154, met sur les lèvres de son interlocuteur monophysite cette opinion que, dans l’union, la divinité aurait absorbé l’humanité comme la mer absorbe la goutte de miel versée dans son sein. Et rejetant, pour exprimer cette absorption, le terme do confusion, aûy/uo-t ;, le monophysite la définit ainsi : oùx à ?avt(j|xbv rfjç XeiçŒtV/)ç çvcteio ;).éyou.ev, àXXà tt, v v. ; ŒÔTïjTo ; oûatav fisra60Xr|v Était-ce là la véritable pensée d’Eutychès ? Il est bien difficile de l’affirmer. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, l’hérésiarque n’avait pas sans doute d’opinion arrêtée. Il refusait bien de caractériser l’union des deux natures par le terme de ffÛYX Uff, t> ma’s logiquement son système aboutissait à la théorie contenue dans cette expression. C’est ce « pic lui avait fait remarquer Basile de Séleucie au moment de sa condamnation. Mansi, t. vi, col. 71, ">. Des théories explicatives de l’union d’après le système monophysite, celle qui compromettait le moins la réalité des deux natures, en admettant dans le Christ une rencontre de ces deux natures quelque peu analogue à celle du corps et de l’âme dans l’homme, ne fui imaginée quo plus tard et défendue surtout par les timothéens, Eu somme, Eutychès avait trois points à son actif : il niait