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CALVINISME


et souverain gouverneur du monde » ; le IIe « qui est de la cognoissance de Dieu, en tant qu’il s’est monstre rédempteur en Jésus-Christ : laquelle a esté cognue premièrement des pères sous la loy, et depuis nous a esté manifestée en l'Évangile » ; le IIIe « qui est de la manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, des fruits qui nous en reviennent, et des effects qui s’en ensuivent » ; le IV 5 « qui est des moyens extérieurs, ou aydes, dont Dieu se sert pour nous convier à JésusChrist son fils et nous retenir en luy ».

Nous citerons l’Institution chrétienne d’après l'édition française de 1560, rééditée en 1888 par Frank Baumgartner. Nous nous appuyerons aussi principalement, dans cet exposé de la doctrine calviniste, sur la Confession de foi de Genève de 1537 et sur la Confession de foi des Églises de France de 1559, documents antérieurs à la mort de Calvin et émanés de lui. Corpus reformatorum, Opéra Calvini, t. ix, xxii.

I. Ce que Calvin a emprunté a Luther.

1° La règle de fui ; l’Ecriture sainte. — Luther, en révolte contre l’autorité de l'Église et la niant, avait été amené à se réclamer uniquement de la parole de Dieu, contenue dans la sainte Écriture. Calvin tira toutes les conséquences logiques de ce principe.

Dieu, dit-il, se révèle à l’homme par la nature et par la raison ; mais l’ignorance et la passion rendent obscure cette révélation ; il fallait donc un moyen plus sûr pour conduire l’homme à Dieu ; la bonté divine l’a employé. Dieu nous a révélé lui-même ce que nous devions savoir et a conservé par sa providence les révélations qu’il a faites : elles sont contenues dans la sainte Écriture. Nous avons donc dans l’Ancien et le Nouveau Testament tout ce qui est nécessaire pour connaître Dieu, nos obligations envers lui et nos devoirs envers les hommes. Dans la Confession de foi de Genève, de 1537, nous lisons : « La Parolle de Dieu. Premièrement, nous protestons que pour la reigle de notre foy et religion nous voulions suyvre la seule Escripture, sans y mester aucune chose qui ayt esté controuvée du sens des hommes sans la Parolle de Dieu ; et ne prétendons pour notre gouvernement spirituel recevoir aucune doctrine que celle qui nous est enseignée par icelle parolle, sans y adjouster ne diminuer, ainsi que N.-S. le commande. »

L’art. 3 de la Confession de foi des Églises de France, de 1559, énumère les livres canoniques. De l’Ancien Testament, sont retranchés Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, les Machabées. Le Nouveau Testament demeure tel que pour l'Église catholique : Calvin, au contraire de Luther, garde même. l’Epitre de saint Jacques, plus soucieux en cela de ne pas mutiler les écrits du Nouveau Testament que démettre sa doctrine en harmonie avec ces pages si claires et si décisives de la sainte Écriture.

Mais comment savons-nous que ce que nous appelons l'Écriture sainte est en effet révélé? Comment distinguons-nous les livres canoniques des apocryphes ? Voir Canon des Livres saints. Le critère calviniste diffère de celui de Luther, qui s’en rapportait pour ce discernement à sa propre doctrine sur la justification par la foi. L’art, i de la Confession des Eglises de France répond : « Nous connaissons ces livres être canoniques et la règle 1res certaine de noire foi, non tant par le commun accord et consentement de l'Église que parle témoignage et persuasion intérieure du Saint-Esprit qui nous les fait discerner d’avec les autres livres ecclésiastiques, sur lesquels, encore qu’ils soient utiles, on ne peut fonder aucun acte de la foi. » Calvin dit encore : « Quant à ce que ces canailles dis papistes) demandent dont et comment nous serons persuadés que l’Escriture est procédée de Dieu, si nous n’avons refuge au décret de l'Église : autant comme eï aucun s’enqueroit dont nous apprendrons à discerner la clarté des ténèbres, le blanc « lu noir, le doux de l’amer. * lml. chrét., 1. 1, c. vii, n.'2, p. 35.

L’art. 5 de la Confession des Eglises fait en trois lignes le procès de toute la tradition qualifiée d’inventions humaines. L'Écriture est la règle de la vérité « dont il s’ensuyt que ni l’antiquité, ni les coutumes, ni la multitude, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les édits, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne doivent être opposés à cette Écriture sainte ».

Si le témoignage et la persuasion intérieure du Saint-Esprit suffisent à chaque fidèle pour discerner la canonicité de tel livre et le sens de tel passage, on peut se demander en vertu de quelle délégation du Saint-Esprit, les députés du synode de 1559 s’arrogeaient le droit de dresser une liste officielle des livres canoniques ? En quoi ce procédé se distingue-t-il de celui du concile de Trente, avec cette différence qu’il est en harmonie parfaite avec le principe de l’Eglise catholique et en parfaite contradiction avec le principe de l'Église réformée ?

La raison individuelle de chaque fidèle est, en dernière analyse, constituée juge sans appel du caractère des Livres saints et de ces livres seuls dépend toute la croyance. Bossuet tire admirablement la conséquence : « Ainsi les décrets des conciles, la doctrine des Pères, et leur sainte unanimité, l’ancienne tradition du saintsiège et de l'Église catholique, n’ont plus été comme autrefois des lois sacrées et inviolables. Chacun s’est fait à soi-même un tribunal où il s’est rendu l’arbitre de sa croyance ; et encore qu’il semble que les novateurs aient voulu retenir les esprits en les renfermant dans les limites de l'Écriture sainte, comme ce n’a été qu'à condition que chaque fidèle en deviendrait l’interprète, et croirait que le Saint-Esprit lui en dicte l’explication, il n’y a point de particulier qui ne se voie autorisé par cette doctrine à adorer ses inventions, à consacrer ses erreurs, à appeler Dieu tout ce qu’il pense. » Oraison funèbre d’Henriette de France, édit. Rébelliau, p. 100.

Après avoir établi l’Ecriture comme la seule règle de notre croyance, Calvin recherche ce qu’elle nous apprend de Dieu. Le même art. 5 de la Confession des Eglises admet les trois symboles des apôtres, de Nicée et d’Alhanase « parce qu’ils sont conformes à la parole de Dieu ». L’art. 6 condamne les erreurs relatives à la trinité : « Et en cela, avouons ce qui a été déterminé par les conciles anciens et détestons toutes sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs, comme saint Ililaire, saint Athanase, saint Ambroise, saint Cyrille. » En ceci encore, Calvin semble déroger à son principe. Primitivement, il avait soutenu qu’on n’est pas obligé de s’en tenir aux formules anciennes sur la trinité, ni même aux mots trinité, substance, personne, etc., mais, à la suite de la grande polémique avec Caroli, pour éviter les accusations qui pesaient sur lui et les erreurs que faisait naître une trop grande liberté' d’expression, il s'était rallié auxdites formules, notamment à celles de saint Athanase. Voir Doumergue, Calvin, t. ii, 1. 11, c. v. Le début de la Confession soumise au synode de Lausanne (mai 1537) disait : « Il ne faut chercher Dieu que dans sa Parole, ne rien penser de lui que selon sa Parole, ne parler de lui qu’avec sa Parole. » Ceci était dans la logique du principe posé par Calvin.

2° La théorie de l’ordre surnaturel, du / lincl

et de ses conséquences, notamment /punit au libre arbitre. — Après avoir, tant dans Y Institution chrétienne que dans les Confessions de foi, parlé de la en ation el de la providence, Calvin en venait à se demander quel est l'état de l’homme sur la terre et comment l’homme déchu est racheté par Jésus-Christ. Sur cette mal encore, il se rattache étroitement au système lutin rien el se borne à le présenter avec plus de méthode et de logique, sans ces écarts de forme paradoxale, passion-