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CERTITUDE

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le champ do la vérité et de la certitude est illimité et de plus l’esprit peut s’attacher indifféremment à l’exploration de n’importe quelle partie du champ de la vérité. Qu’est-ce donc qui déterminera la curiosité scientifique à s’attacher à un sujet plutôt qu’à un autre ? Ce ne sera pas l’esprit, qui est indifférent de sa nature. Ce sera la volonté, laquelle, du reste, déterminera l’esprit selon les habitudes morales qu’elle a prises au cours de la vie, et orientera les investigations intellectuelles vers les régions qui sont présumées devoir être d’accord avec les dispositions de l’âme et ses tendances. — 2. Le sujet déterminé, l’intelligence devra s’appliquer à son étude. Elle le fera en se tournant vers lui, en se mettant en contact avec lui. De même qu’il ne suffit pas de vouloir voir un ohjet pour le percevoir, mais qu’il faut se iiictlrc en sa présence, ou l’approcher des yeux, ainsi, qui veut connaître un objet doit se mettre par l’application de l’esprit en rapport avec lui. Or, cette application est œuvre de volonté. L’intelligence est un miroir qui réfléchit, mais c’est la volonté qui place l’objet devant le miroir ou le miroir en face de l’objet. — 3. Cette application permet la première appréhension de l’objet. La science demande plus que cela. Llle exige la persévérance dans l’examen, et l’exclusion des objets étrangers qui viendraient troubler le travail intellectuel. Cette persévérance et cette exclusion s’obtiennent par l’attention qui s’attr.che à l’objet choisi, de préférence aux autres ; et l’attention est œuvre d’intelligence et de volonté. La pensée, par elle seule, ne s’attacherait pas avec la force que suppose l’attention, si le vouloir n’intervenait. — 4. La science conquise, possédée avec certitude, est un bien trop élevé, trop noble, pour ne pas attirer fortement l’âme et exciter en elle la passion de la recherche et de la vérité. Il y a donc dans cette recherche plus que l’attention privilégiée accordée à un objet de choix, il y a l’effort soutenu, le labeur opiniâtre et constant ; l’effort est produit par l’intelligence, certes, comme l’attention, mais sous l’influx d’énergie que lui infuse la volonté. — 5. L’examen attentif, la recherche vigoureuse du vrai le fait découvrir petit à petit. D’abord, dans une demi-clarté* apparaissent des raisons multiples et quelque peu indécises, des arguments variés et divergents : ce ne sont que des probabilités, c’est-à-dire des hypothèses provisoires et incertaines. Cependant, entre les diverses hypothèses possibles ou probables, à un moment donné, l’esprit en choisit une à l’exclusion des autres. Elle n’est pas convaincante, 1rs raisons n’apparaissent pas avec l’évi-il ure qui force l’assentiment, et cependant celui-ci est donné. Où en chercher la raison suffisante, si les probabilités objectives sont, elles, des raisons insuffisantes’/ Dans la volonté qui pèse de tout son poids sur l’esprit, et apporte le complément nécessaire à la détermination du jugement. C’est donc la volonté qui donne à l’opinion ce qu’elle a de fixe, de déterminé et pour ainsi dire déjà de certain. C’est ce côté volontaire, et donc moral, qui a valu à la grande probabilité’le nom de certitude morale ». — (i. Avec le travail scientifique, la lumière grandit, elle devient sur certains points éblouissante, et d’une évidence complète. L’esprit alors est obligé de se rendre, il faut qu’il donne son assentiment el qu’il prononce avec certitude les jugements que l’évidence impose N’y aurait-il ici aucune place 1 r la volonté ? Il y en a une encore. Car celle évidence qui présente la vérité à l’esprit apporte en même temps à celui-ci sa perfection et son bien, et tout ce qui est bien est de la compétence de la volonté. Celle-ci’I est droite, consentira à ce que la pensée

admet, i Ile ajoutera son suffrage. On a dit à bon droit qu’il fini aller au vrai de toute son âme. il y faut donc allei’-prit, sa volonté et son cœur. La véril

qui ne fait qu’apparaître aux yeux de l’intelligence reste "" i elle n’entre pas dans son intimité, nous

ne la vivons pas, elle ne vit pas en nous. Il y a une assimilation plus profonde que celle de la connaissance : elle se fait, en dépassant celle-ci, par l’acceptation et l’amour, dans le sein de la volonté et de la liberté. « Il faut que les vérités s’incorporent à nous et nous pénètrent longtemps, comme la teinture s’imbibe peu à peu dans la laine qu’on veut teindre. Il y a une pénétration lente de chaque jour, une intussusception de la vérité qui doit nous conduire dans toute la vie, qui lait que cette vérité devient à notre âme ce que la lumière du soleil est à nos yeux, qu’elle éclaire sans qu’ils la cherchent… Quand nous creusons dans la vérité pour la pénétrer, elle creuse aussi en nous pour entrer dans la substance de notre âme. Alors seulement elle devient pratique et nous est comme une partie de nous-mêmes. » Maine de Biran, Journal intime, 17 novembre 1820 et octobre 1823.

— 7. Si la vérité, au lieu de se montrer en elle-même, nous est seulement affirmée par l’autorité d’un témoin compétent et sûr, alors quelles que soient l’évidence des qualités de ce témoin et la clarté de ses affirmations, le vrai qui y est contenu ne nous apparaît pas dans sa réalité ; il est caché. Le témoignage le voile tout en le révélant. L’assentiment de l’esprit n’est pas contraint, comme dans le cas précédent. Tous les raisonnements qu’on pourra faire aboutiront à montrer que le témoin est sûr, qu’il a parlé, que son attestation est croyable, qu’elle nous oblige ; mais le jugement n’est pas pour cela imposé à l’esprit qui reste libre. Qui le déterminera à s’abandonner, à dire : « Je crois ? » La volonté. La volonté a donc une part essentielle et constitutive dans l’acte de foi, et c’est pour cela que celle-ci est une vertu. « Un objet révélé se présente à notre intelligence de la part de Dieu, souvent même de la part de l’Eglise qui le définit, l’interprète ou l’enseigne. Qu’il soit essentiellement mystérieux, ou qu’il soit naturellement connaissahle avant que d’être affirmé par Dieu, nous disons qu’il ne saurait nécessiter, comme les vérités intuitivement ou démonstrativement évidentes, l’assentiment de notre esprit. Non, certes, qu’il ne soit pas évidemment croyable, que l’autorité divine dont il est revêtu ne soit évidemment démontrée, que le devoir d’y adhérer ne nous soit évidemment imposé. Bien au contraire, nous admettons que les preuves de la crédibilité, le motif de la croyance, l’obligation de la foi, sont tels dans le christianisme, que sous peine de révoquer témérairement en doute les bases mêmes de la certitude humaine, notre raison doit croire tout objet divinement affirmé. Mais ce qu’elle doit faire, elle n’est pas toujours nécessitée à le faire ; et comme nos autres facultés, elle n’est fatalement entraînée que vers son objet propre. Or, l’objet propre de l’intelligence humaine ici-bas est la vérité évidente, soit que son évidence apparaisse d’ellemême et que nous la percevions par intuition directe, soit qu’elle apparaisse à l’aide d’autres évidences et que nous ayons besoin de démonstration pour la discerner. Que l’intelligence dispose ou non de grâces surnaturelles dans ses rapports avec l’objet à connaître, son fonctionnement reste essentiellement le même : elle est invinciblement attirée par lui s’il est évident ; elle ne l’est pas s’il est seulement certain sans évidence. L’objet révélé n’étant jamais évident comme tel, il ne saurait jamais nécessiter l’adhésion intellectuelle qu’il sollicite ri i laquelle il a d’ailleurs un droit incontestable, i Didiot, Vertus théologales, n. 217, Paris, Lille, 1897, [i. 162. — 8. (le que nous venons de dire jette quelque lumière sur la part de la volonté’el de la ie dans l’assentiment de la certitude, et peut justifier, en ee qu’elle n’a

pas de trop obscur, certains points de la « philosophie de l’action ». Déjà les anciens avaient reconnu que nous obéissions souvent, dans nos jugements, aux injonctions du cœur et de la passion, el nous en avons donné un exemple dans la mère qui ne veut pas se rendre à l’évidence sur l’indignité de sou Qls. Lessius,