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CELSE


Celse qui vivait du temps de Néron, Cont. Cels., I, 8, P. G., t. xr, col. 669, ni avec les deux personnages politiques de ce nom, dont parle Spartien, et qui vécurent au iie siècle. Sa vie est peu connue ; ce que l’on en sait est dû à quelques renseignements fournis par Origène ainsi qu’à l’hypothèse justifiée, semble-t-il, de l’identification du Celse d’Origène et du correspondant du satirique Lucien. On ignore la date de sa naissance et de sa mort. Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’il a vécu au IIe siècle. Ayant beaucoup voyagé, Celse s’est mis au courant du mouvement intellectuel de son époque, a séjourné à Rome et paraît s’y être fixé. Il a partagé contre le christianisme les sentiments d’hostilité de la plupart de ses contemporains, qui appartiennent à la classe des lettrés et des philosophes. Au moment où Origène, sur la prière de son ami Ambroise, entreprit la réfutation du Discours véritable, c’est-à-dire en 248, Eusèbe, H. E., vi, 36, P. G., t. xx, col. 596, Celse avait cessé de vivre depuis longtemps. Cont. Cels., prsef., 4, P. G., t. xi, col. 648. Il est traité couramment de philosophe épicurien, Cont. Cels., i, 8, 10, 21 ; II, 60 ; iv, 54, 75 ; v, 3, col. 669, 676, 696, 889, 1117, 1145, 1184 ; c’est un êTuxoup’Çtov, iv, 75, col. 1145, qui ne se fait pas faute, le cas échéant, de parler comme un disciple de Platon. Cont. Cels., i, 8 ; iv, 54, col. 669, 1117. Il a composé un ouvrage contre la magie et les magiciens, Cont. Cels., i, 68, col. 788, des livres contre les chrétiens, iv, 36, col. 1085, et surtout le fameux pamphlet connu sous le nom de Aôyoç àX^c, à la fin duquel il annonçait un nouveau traité, à titre de complément, dont on ne sait s’il fut réellement écrit. Cont. Cels., vin, 76, col. 1632. Tous ces ouvrages sont perdus.

C’est à Celse, et sur sa prière, que Lucien, peu après la mort de Marc-Aurèle, vers 180 ou 181, dédia son Alexandre ou le faux prophète. Or Lucien loue les écrits de son ami contre les magiciens ; et, bien qu’il ne traite pas son correspondant d’épicurien, la manière sympathique avec laquelle il lui parle d’Epicure permet de croire qu’il appartenait à l’école du célèbre philosophe athénien, et qu’il y a lieu dès lors de l’identifier avec celui que réfute Origène et de ne voir dans les deux Celse qu’un seul et même personnage.

Celse doit sa renommée au Discours véritable, cet arsenal complet où se sont approvisionnés d’armes les plus diverses tous les ennemis du christianisme, depuis le iiie siècle jusqu’à nos jours. A quelle époque le composa-t-il ? Cette question de date a été diversement réii’une part, quelques critiques, comme Gratz, placent la composition de cet ouvrage sous le règne d’Hadrien ; d’autres, tels que Hagenbach, liasse, Tischendorf, Friedlander, dans les premières années du régne d’Antonin, à cause de l’allusion au culte d’Anti-nous, Cont. Cels., ni, 36, col. 965, qui, prétendent-ils, ne dura guère. Mais c’est oublier qu’Athénagore, Légat., 10, P. G., t. vi, col. 960, et Origène, Cont. Cels., iii, 36 ; vin, 9, col. 965, 1529, en parlent comme d’un culte toujours pratiqué ; c’est surtout méconnaître d’autres indices révélateurs qui indiquent une époque ultérieure : le pouvoir partagé, les barbares menaçant les frontières de l’empii licismeen pleine effervescence, les

chrétiens en butte à une persécution générale. D’autre part, ceux qui, avec Volkmar, reportent la date de ce

urs aux environs de 240, ne tiennent pas compte de ce que dit Origène de la mort déjà ancienne de l’auteur et obéissent en outre à une idée préconçue pour écarter un témoin gênant qui ruinerait, s’il était du IIe siècle, leur théorie sur le développement du christinnisme et sur l’apparition tardive des Évangiles. I.u 240, en effet, l’effervescence gnostique est tombée. Il

rai qu’il y eut une persécution smis Maximin, en 235-237, mais elle ne visa que lei membres du clergé,

hefs, évêques et docteurs, et n’eut pas le caractère d’universalité de celle dont parle Celse. Il est vrai aussi

DICT. Dl I m’il.. CAT1IOL.

que, dans la première moitié du iiie siècle, le pouvoir fut partagé à deux reprises, une fois entre Caracalla et Géta, en 211-212, et une seconde fois, en 238, entre Pupien et Balbin ; mais on ne voit pas qu’à l’une ou à l’autre de ces deux dates, les barbares aient spécialement menacé l’empire et fait courir quelque danger à l’État. C’est plutôt entre les règnes de Marc-Aurèle et de Septime-Sévère, de 161 à 211, qu’il convient de placer la date de la composition du Discours véritable, et de préférence à la fin de l’été de 178, comme l’a proposé Tillemont, Hist. des empereurs, t. iii, p. 281 ; car, à ce moment-là, se vérifient tous les détails historiques signalés par Celse. Le pouvoir se trouve partagé entre Marc-Aurèle et Commode ; l’empire est directement menacé par les barbares sur l’Euphrate et le Danube ; les calamités publiques, jointes aux maux de la guerre, font craindre pour la sécurité de l’État ; les chrétiens, rendus responsables de tous les malheurs publics, sont à la merci d’une dénonciation anonyme ou d’une émeute populaire et persécutés par les représentants de l’autorité tant en Orient qu’en Occident. Le drame sanglant de Lyon date d’un an à peine ; la grande voix des apologistes Alhénagore, Méliton, Miltiade, Apollinaire, se fait entendre ou va prendre la défense du christianisme. C’est à ce moment que Celse entre en lice avec son Discours ; il y a 41 ans qu’Hadrien est mort ; Celse est donc dans la force de l’âge ou au commencement de la vieillesse ; il est en correspondance avec Lucien ; il doit avoir connu à Rome le cynique Crescens, l’ennemi de saint Justin, et le philosophe Fronton, si peu sympathique aux chrétiens ; à son tour, il prend la plume pour combattre le christianisme, non en aveugle et en se faisant l’écho des calomnies populaires, mais en critique informé, au nom de l’histoire, de la philosophie, de la raison et de la science ; il fera du moins entendre l’appel patriotique d’un homme d’État en conviant les chrétiens à la défense de l’empire menacé, en face des tristesses du présent et des sombres présages de l’avenir. Autant qu’on en peut juger par le Discours véritable, Celse est un esprit cultivé, au courant des systèmes philosophiques en vogue ; il envisage le paganisme à la manière de la plupart des philosophes et des lettrés de son temps ; il y voit une institution à conserver parce que c’est la religion des ancêtres, transmise par la tradition, sanctionnée par l’État. Sans doute certains de ses rites sont futiles, la plupart de ses fables sont absurdes ; mais on pourrait, pensait-il, en donner une explication rationnelle et acceptable, en sauvegarder le fond, sauf à en abandonner la forme. Car, à ses yeux, toute manifestation religieuse a droit au respect par le seul fait qu’elle est celle de tout un peuple et qu’elle est conservée par le temps. Or les chrétiens pratiquent une religion absolument nouvelle, qui n’est pas celle d’un peuple déterminé, qui affiche la prétention de s’étendre au monde entier, sans distinction de frontières, de langues ou de nationalité, et qui se pose en adversaire irréconciliable du paganisme sous toutes ses formes. Le christianisme s’est infiltré peu à peu dans l’empire et il compte un grand nombre d’adhérents, surtout dans les derniers rangs de la société. Dès son apparition, il a fait la concentration de la défiance et de la haine, soulevant à la fois les colères aveugles de la foule, les sarcasmes des lettrés, les représailles du pouvoir ; el il n’en continue pas moins, en dépit de l’opinion et des lois, à se propager chaque jour davantage : phénomène singulier et problème inquiétant, bien faits pour fixer l’attention d’un penseur et d’un homme d’État. Celse va l’étudier, non point par amour désintéressé de la vérité ou par simple curiosité intellectuelle et morale, mais dans le bul précis de le combattre et de le ruiner. Il commence donc, une enquête. Il prend la peine d’examiner les mœurs des chrétiens, Cont. Cels., i, 12, col. 077. d’interroger leurs livres

II. - CG